La Bible du Coeur de Jésus

Edouard Glotin

Presses de la Renaissance


Notes et Annexes

Introduction

Annexes
Haurietis Aquas
Le Coeur de Jésus et le Shabbat juif
Benoît XVI : Lettre au R.P. Kolvenbach (50° anniv. d'HA)
Benoît XVI : Message de Carême 2007

Commentaires
des illustrations

Fig. 1 à 11
Fig. 12 à 19
Fig. 20 à 29
Fig. 30 à 39
Fig. 40 à 49
Fig. 50 à 59
Fig. 60 à 69
Fig. 70 à 83

Notes
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
• Chapitre 11
Chapitre 12

Liste des sigles
Notes du chapitre 11

Cœur de Jésus et Mystère du Christ




Introduction

1. @ La vision théologique de l’histoire selon le P. Daniélou.
Parmi les traits qui composent cette lecture chrétienne de l’histoire, le père Daniélou mentionne notamment :
   - l’importance de certains événements singuliers qui sont tout à la fois actions de Dieu et réponses de l’homme (p. 147-200),
   - la notion d’économie progressive (p. 201-246),
   - la tension vers une eschatologie qui implique l’idée d’une fin de l’histoire (p. 247-270) et
   - le fait que l’histoire du salut soit coextensive à l’histoire universelle et en particulier à l’histoire religieuse de l’humanité.
Présentation synthétique de ces différentes composantes dans l’Introduction. J. DANIÉLOU, Essai sur le Mystère de l’Histoire, Seuil, Paris, 1953, p. 9-26.

2. @ Le principe de synergie.
Synergie, synergisme. Coopération entre le divin et l’humain dans le Christ, entre Dieu et l’homme. Le mot synergie n’est pas dans l’Ecriture, mais on trouve un terme de la même famille en Mc 16, 20 et en 1Co, 3, 9. Dans le premier texte, on nous parle de la coopération du Seigneur à l’action des apôtres. Paul quant à lui qualifie les apôtres de « coopérateurs de Dieu ». Le mot synergie sera aussi employé par les Pères grecs dans son double sens de coopération de l’homme à l’action de Dieu et de Dieu à celle de l’homme.
Cf. T. SPIDLIK, art. « Synergie » dans DS, XIV, 1412-17. Notre parcours nous conduira à repérer comment le principe de synergie est à l’œuvre dans l’histoire des dogmes.
Le « principe de synergie » n’est pas un concept bien défini à partir duquel on partirait a priori, mais plutôt un axe fondamental qui nous apparaît gouverner toute l’histoire du dogme et dont nous nous efforcerons de mieux comprendre le contenu tout au long du développement de cette histoire.

4. @ A propos du développement du dogme.
Le mot « dogme » signifie étymologiquement « décision ». Cf. Act 16,4 et Act 15, 22, 25 et 28. Le terme peut même désigner une décision des autorités humaines : Lc 2, 1 et Act 17, 7. Les dogmes constituent un ensemble de bornes sur un chemin de connaissance plutôt qu’un système clos. « Ainsi l’Eglise, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu » (DV 8).
Sur la nature du développement du dogme dans la foi catholique, cf. Dei Verbum 8. Pour la réflexion théologique, cf. le Commonitorium de VINCENT DE LÉRINS (V° siècle), traduit dans : Tradition et progrès, Les Pères dans la Foi, vol. 7, DDB, Paris, 1978 et J.H. NEWMAN (1801-1890), Essai sur le développement de la doctrine chrétienne (1845), publié dans : Textes newmaniens, vol. IV, DDB, Paris.
A propos des interventions les plus importantes du magistère dans les questions soulevées tout au long de l’histoire de l’Eglise, l’ouvrage de référence est le célèbre « Denzinger ». H. DENZINGER, Symboles et définitions de la foi catholique, Cerf, Paris, 2001. Se référer aussi à G. DUMEIGE, La foi catholique, Editions de l’Orante, Paris, 1975. Cet ouvrage contient notamment de remarquables introductions qui présentent bien la problématique dans laquelle se situent les textes de l’Eglise. La présentation par thèmes aide aussi à voir en raccourci le développement d’une question sur toute la durée de l’histoire.

5. @ A propos de l’histoire des Conciles œcuméniques.
Nous renvoyons aux XII volumes de l’Histoire des Conciles œcuméniques publiés de 1962 à 1981, sous la direction de G. DUMEIGE, Paris, Editions de L’Orante ; Les Conciles œcuméniques, T. I : Le premier millénaire, par P.T. CAMELOT et P. MARAVAL et T. II : Le second millénaire par P. CHRISTOPHE et F. FROST, Desclée, Paris, 1988, Bibliothèque d’Histoire du Christianisme, n°15 et 16 ; F. BECHEAU, Histoire des Conciles, 2° ed. Renouveau Service, Paris, 1985 ; B. MEUNIER, La naissance des dogmes chrétiens, Editions de l’Atelier, Paris, 2000, Col. Tout simplement, n°28.
Pour une lecture théologique de l’histoire des six premiers conciles christologiques, cf. B. SESBOÜE, Jésus-Christ dans la tradition de l’Eglise, collection « Jésus et Jésus-Christ », n°17, Paris, Desclée, 1982. L’ouvrage a le mérite de prendre en compte et d’apprécier les questions soulevées par les théologiens modernes (1).


1. Un concile-clé : Constantinople III (680-681)

Le Verbe fait chair au cœur de l’histoire des dogmes.

7. @ Le Christ Médiateur.
« Dans le médiateur, on peut considérer deux choses : l’une est sa raison d’intermédiaire ; l’autre est son office de liaison. Or il appartient à la raison d’intermédiaire d’être à distance des deux extrêmes ; quant à son office de liaison, il l’accomplit en transmettant à l’un des deux ce qui concerne l’autre » (ST, IIIa, Qu 26, art.2).
Signalons que pour Saint Thomas, c’est en tant qu’homme que le Christ est médiateur entre Dieu et les hommes. « On penserait assez spontanément que c’est l’union en sa personne des deux natures qui constitue le Christ comme médiateur. Or ce n’est pas le point de vue de Thomas qui, à la suite d’Augustin, pense que le propre du médiateur réside dans son égal éloignement des extrêmes qu’il a pour fonction de concilier et qui en conclut que le Christ est médiateur en tant qu’homme. La conclusion est surprenante au premier abord, car si l’on voit bien l’éloignement de l’homme Christ par rapport à Dieu, on ne voit plus son éloignement par rapport à l’homme. Mais on ne raisonne ainsi que si l’on considère le Christ comme un pur homme ; Thomas n’oublie pas que, si cet homme est proche des autres hommes, il en est aussi distant « par dignité de grâce et de gloire » ; c’est donc ainsi qu’il est également éloigné des deux extrêmes. Notre auteur ne fait pourtant pas si complètement abstraction de l’union hypostatique… » (J. P. TORRELL, dans son édition de la ST, IIIa, Qu 16 à 26. Le Verbe incarné, III, Cerf, Paris, 2002, note explicative n° 122, p. 388-389)


a. Saint Irénée

8. @ A propos des hérésies.
« Il faut qu’il y ait des hérésies » ; Opportet haereses esse (1Co 11, 19). Les hérésies auraient donc une signification selon le plan de Dieu. Cf. K. RAHNER – H. VORGRIMLER, Petit dictionnaire de théologie catholique, Seuil, Paris, 1970, p. 214-215.
« Mais il fallait, comme il avait encore été prédit par le Seigneur, que cette vigne fût taillée et qu’en fussent coupés les sarments stériles, dont ont surgi çà et là des hérésies et des schismes dus à ceux qui cherchent, sous le couvert du nom du Christ, non pas sa gloire, mais la leur propre, et dont les attaques ont de plus en plus aguerri l’Eglise, éprouvant et éclairant son enseignement et sa patience » (SAINT AUGUSTIN, De Catechizandis rudibus, XXIV, 44).
« En fait, dès que quelque nouveauté fermente, les grains de blé se séparent tout de suite, grâce à leur pesanteur, d’avec la légèreté des brins de paille : sans grand effort est projeté hors de l’aire tout ce qui n’y est point retenu par son poids… » (VINCENT de LÉRINS, Commonitorium, traduit dans : Tradition et progrès, Les Pères dans la Foi, vol. 7, DDB, Paris, 1978, n°20).


b. Les cinq premiers conciles œcuméniques.

9. @ Le débat trinitaire aux II° et III° siècles.
La tendance « subordinatianiste », fruit d’une théologie encore primitive des rapports intra-trinitaires risquait de mettre en cause l’égalité avec le Père du Verbe et de l’Esprit qui lui étaient « subordonnés ». Arius sera influencé par ce courant.
A l’inverse, le « modalisme », le « monarchianisme » ou le « sabellianisme » mettait en cause la Trinité des personnes divines au profit de l’unité de Dieu. Cf. l’intervention du pape Denys de Rome vers 262 dans la controverse trinitaire et du même coup christologique (D 112-114). Le monarchianisme est à l’origine de l’adoptianisme selon lequel Jésus était un homme devenu Fils par adoption, hérésie que défendront Théodore le corroyeur à la fin du II° siècle et Paul de Samosate au III° siècle. L’adoptianisme ressurgira plus tard dans l’histoire et sera de nouveau condamné (cf. D 610-611 et D 619).
Pour une définition de tous ces termes, cf. par exemple : K. RAHNER – H. VORGRIMLER, Petit dictionnaire de théologie catholique, Seuil, Paris, 1970.

11. @ La communication des idiomes.
Les idiomes sont les propriétés les plus caractéristiques d’une nature, humaine ou divine, en l’occurrence. Du fait de l’unique Personne du Verbe, les propriétés les plus caractéristiques de l’homme doivent être affirmées de Dieu en Jésus et inversement. On doit affirmer par exemple que le Verbe éternel de Dieu est né de Marie, a souffert, a eu faim, a pleuré et aussi que le Fils de l’homme, l’homme Jésus est une des trois Personnes de la Trinité, il a le pouvoir spécifiquement divin de pardonner les péchés. Cf. A. MICHEL, « Idiomes [Communication des] », DTC 7, 1922, col. 595-602.
« Si quelqu’un répartit entre deux personnes ou hypostases les paroles contenues dans les évangiles et les écrits des apôtres, qu’elles aient été prononcées par les saints sur le Christ ou par lui sur lui-même, et lui attribue les unes comme à un homme considéré séparément à part du Verbe issu de Dieu, et les autres au seul Verbe issu du Dieu Père parce qu’elles conviennent à Dieu, qu’il soit anathème » (4° « anathématisme » de Cyrille. D 255). Notons que les douze « anathématismes » (D 252-263) ne font pas partie des textes officiellement approuvés à Ephèse. Leur autorité est sujet à débat.

12. @ Le Monophysisme.
Selon le moine Eutychès (379-454), condamné à Chalcédoine, l’union du Verbe à la réalité humaine aurait donné naissance à une physis (nature) unique dans laquelle l’humanité est absorbée par la divinité et comme dissoute en elle.
Les formes de monophysisme apparues dans la foulée seront souvent marquées par une opposition dans la terminologie plus que par une opposition réelle au dogme de l’Eglise. Le monophysisme historique (plus verbal que réel) n’est pas l’eutychianisme.
« Le monophysisme est le refus de parler de deux natures du Christ : on s’en tient à la formule cyrillienne de l’unique nature du Verbe incarné… Ils voient avant tout dans le Christ, le Verbe divin qui affleure sous le visage humain. L’humanité du Christ est divinisée par sa présence et son énergie. Ce portrait d’un Christ qui irradie la présence divine est sans doute la cause de son succès dans les milieux monastiques » (B. MEUNIER, La naissance des dogmes chrétiens, Paris, Editions de l’Atelier, 2000, 114).
Notons les récentes déclarations christologiques communes entre l’Eglise catholique et les Eglises monophysites issues des schismes post-chalcédoniens. (Par exemple, la Déclaration christologique commune entre Jean-Paul II et le patriarche Mgr Ignace Zakka I° en 1984. DC, n° 1880, T. 81, septembre 1984, p. 822-826)

13. @ Saint Léon le Grand et Chalcédoine.
Le pape saint Léon le Grand ne vint pas à Chalcédoine mais y fut représenté par ses légats ; il confirma après coup les décisions du concile. Le célèbre Tome à Flavien de 449 (D 290-295) fut lu au Concile et influa sur la rédaction finale.

15. @ « Selon la composition, autrement dit selon l’hypostase ».
A propos du mode de l’union hypostatique, le Concile de Constantinople II tient à affirmer la distinction des natures unies chère à Chalcédoine en employant l’expression « selon la composition » tout autant que l’unité de la Personne en employant l’expression « selon l’hypostase » consacrée à Ephèse. Il y a équivalence entre union selon la composition et union selon l’hypostase.

16. @ Théopaschisme.
De Theos : Dieu et paschein : souffrir. « Un de la Trinité a souffert ». La formule peut trouver un appui scripturaire en 1Co, 2, 8 : « Ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de Gloire ». Sur l’histoire de cette question, cf. A. GRILLMEIER, Le Christ dans la Tradition chrétienne, T.II/2 : L’Eglise de Constantinople au VI° siècle, Cerf, Paris, 1993, p. 421-453.

Dans quelle mesure peut-on prendre appui sur le théopaschisme des pères de l’Eglise pour introduire la question moderne de la « souffrance de Dieu » ? Il faut bien avoir conscience du déplacement d’accent entre les deux questions, car la souffrance de la Personne du Verbe incarné n’implique pas la souffrance de sa nature divine…
Sur ce débat délicat, cf. P. DESCOUVEMONT, Les apparents paradoxes de Dieu, Paris, Presses de la Renaissance, 2003, ch. 5 : « Infiniment heureux, il communie à nos souffrances », 210-239 ; Y. DE ANDIA, « La passion du Verbe et la compassion de Dieu », Communio, T. V, 1980, 32-40.
Cf. Ch 5 @ « Un texte d’Origène abusivement sollicité ».
Cf. aussi : J. RATZINGER, Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé, Paris, Salvator, 2006, 66-70. Se référant au texte célèbre d’Origène, le Cardinal Ratzinger (op. cit. 68) renvoie, à la suite d’H. de Lubac à une belle formule de saint Bernard : ‘Impassibilis est Deus, sed non incompassibilis (2), ainsi qu’à un texte de B. Pascal : ‘car la vérité hors de la charité n’est pas Dieu, et est son image et une idole’ (3). Le Cardinal poursuit : « Dieu souffre parce qu’il aime ; le thème du Dieu souffrant découle de celui du Dieu qui aime et renvoie sans cesse à lui. Le concept chrétien de Dieu va au-delà du concept antique en ce qu’il comprend Dieu comme amour ». Et le Cardinal d’ajouter en note : « On doit clairement tenir cette position pour ne pas prêter main forte à un nouveau patripassianisme (4), tel qu’il semble se profiler chez J. Moltmann, Le Dieu crucifié : la croix du Christ, fondement et critique de la théologie chrétienne (Paris 1999) ». Suivent des références à divers auteurs dont Jean Paul II et son encyclique Dives in Misericordia, note 52.

Plus généralement, du fait de la création, se pose la question du rapport entre l’éternité, l’immutabilité divine d’une part, le temps de l’homme et son histoire de l’autre. Et du fait de l’incarnation, cette question se pose avec plus d’acuité encore : quel est le rapport entre l’immutabilité de Dieu et le devenir du Christ homme. Lorsque nous disons : « Le Verbe a souffert », cela concerne certes son humanité, mais en quoi le Verbe est-il touché ? Autrement dit, comment la communication des idiomes dans le Verbe incarné peut-elle être réelle et non seulement verbale ?
On trouvera une présentation de cette question et une bibliographie dans J. H. NICOLAS, Synthèse dogmatique, 342-345. Sans suivre certains théologiens qui voudraient introduire une mutabilité radicale en Dieu lui-même, l’auteur souligne qu’en Jésus, ce n’est pas « seulement la nature assumée qui est soumise au devenir : le Verbe, en tant que terme de la relation d’union est réellement engagé dans ce devenir. Il est celui qui est né de la Vierge, qui a vécu, souffert, est mort, est ressuscité. C’est ce que veut exprimer la formule : le Verbe est devenu une personne humaine… Mais il demeure en lui-même immuable » (p. 345). Maintenir ce paradoxe nous paraît essentiel, sous peine de tomber dans de ce P. Descouvemont appelle « un nouveau monophysisme » (op. cit. p. 235).

17. @ La réflexion sur l’hypostase en christologie après Chalcédoine.
Pour distinguer clairement en christologie la personne (hypostasis) et les natures (physis, ousia), il faudra découvrir toujours plus toute la profondeur de la notion de personne comme cause de cette unité des natures. On pourrait parler d’un déplacement ou même d’un retournement de perspective : un mode de réflexion que l’on pourrait qualifier d’«aristotélicien» inviterait à considérer d’abord la nature pour l’envisager ensuite individuée, ou à considérer une unité comme le résultat d’une composition de natures partielles. Le contexte christologique invitera à considérer d’abord la Personne au fondement de l’unité des natures.
S’il est vrai de dire que le Christ est composé de deux natures, il faut aussi retourner l’affirmation en posant dans le Christ la Personne comme cause de l’unité des natures. C’est de l’hypostase du Verbe que la nature humaine de Jésus tire son existence. On dira que la nature humaine du Christ est « enhypostasiée », ce qui signifie que dans le Christ, la nature humaine est advenue et subsiste par l’Hypostase du Verbe, sans hypostase humaine. Sur l’utilisation de ce terme chez Saint Maxime et sur son origine, cf. J.C. LARCHET, La divinisation de l’homme selon Saint Maxime le Confesseur, Cerf, Paris, 1996, p. 331-332.
Poser l’unité de la Personne comme fondement de l’union des natures, c’est dire que l’unité ne se fait pas dans un milieu entre les deux extrêmes, un milieu qui serait une union morale entre deux natures (nestorianisme) ou une union dans une unique nature divino-humaine (monophysisme), mais dans la Personne divine du Verbe (5) qui sauvegarde l’intégrité des natures sans pour autant impliquer leur séparation. Le Verbe fait communier les deux natures sans les réduire l’une à l’autre ni les disjoindre l’une de l’autre.
Ce processus de mise en lumière de l’hypostase s’opérera progressivement jusqu’à saint Maxime le Confesseur (580-662) qui héritera des acquis de ses prédécesseurs, notamment de Léonce de Byzance et de Léonce de Jérusalem en passant par le concile de Constantinople II. Sur la notion d’hypostase depuis Apollinaire, Cyrille, Sévère jusqu’aux théologiens du VI° siècle, cf. A. GRILLMEIER, Le Christ dans la Tradition chrétienne, T. II/2 : L’Eglise de Constantinople au VI° siècle, Cerf, Paris, 1993, p. 657-662. Sur l’hypostase chez Maxime, cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 327-332.
Maxime ira plus loin en affirmant que le Christ « est ses natures » : "Le Christ n'est pas autre chose que les natures à partir desquelles, en lesquelles et lesquelles il est" (Th. Pol. 9, PG 91, 121 A. Pour les autres passages : cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 330, note 211). Cette célèbre formule qui dit l’identification du Christ à ses natures est un apport propre de la pensée de Maxime. Elle souligne combien le niveau des natures et celui de l’hypostase ne sont pas homogènes. L’union selon l’hypostase dit donc une union selon un mode tout autre que celui de la nature car l'hypostase est au-delà de la nature. L’union selon l’hypostase permet à la nature humaine en particulier, de garder ses propriétés essentielles (logos) tout en accédant à un mode (tropos) d’être supérieur, par son union à la nature divine.

La réflexion trinitaire, notamment autour des Pères cappadociens (st Basile de Césarée, st Grégoire de Nazianze, st Grégoire de Nysse), avait travaillé à distinguer en Dieu le niveau des Personnes et celui de la Nature. L’enjeu sera ensuite de faire passer la longue élaboration théologique du niveau trinitaire au niveau christologique, pour considérer le mystère du Verbe incarné.

Il est intéressant de noter, d’un point de vue plus général, que la mise en lumière de la notion de personne dans l’histoire commence d’abord dans le contexte de la réflexion trinitaire, puis christologique et enfin anthropologique (6).

Sur cette question, nous renvoyons à l’ouvrage récent : La personne et le christianisme ancien, sous la direction de B. MEUNIER, Paris, Cerf, 2006. L’ouvrage se propose d’éprouver la thèse selon laquelle le christianisme a apporté une contribution originale et décisive à l’émergence du concept de personne en particulier lors des débats anciens concernant la Trinité des Personnes divines et la question du Christ, qui unit deux natures en sa Personne.
L’ouvrage étudie l’évolution du mot « personne » (persona, son équivalent grec : prosôpon et enfin hypostasis) en contrepoint de la substance (substantia, ousia) et de la nature (natura, phusis).
Voir en particulier la conclusion du dossier « hypostasis » (p. 235-242) et la conclusion générale (p. 333-346).
« De plus en plus nettement, l’hypostase apparaît comme un principe à la fois distinctif et unifiant, unifiant parce que distinctif. L’alternative entre sens distinctif et sens unifiant que nous avions posée par méthode doit être dépassée pour une notion plus complexe. L’unicité (être un par rapport à d’autres) permet l’unité (être un en soi, être unifié) (p. 338).

La modernité a abordé la personne par un autre chemin : celui de l’intériorité, de la subjectivité, de la conscience de soi. Le concept de personne est du coup beaucoup plus large aujourd’hui qu’il ne l’était dans son sens ancien, englobant des éléments que les anciens incluaient dans la « nature ».
Le concept ancien de personne qui est employé en théologie pour désigner les Personnes divines et la Personne du Christ « distingue et met en évidence dans la nature spirituelle concrète qui constitue un sujet (libre et se possédant lui-même), -donc dans la ‘personne’ …- un trait caractéristique et en fait le trait le plus spécifique de la personne (hypostase) : ce trait, c’est la ‘subsistence’, c’est-à-dire la particularité qui fait qu’une nature spirituelle concrète (avec tous les traits ci-dessus indiqués) n’appartient qu’à elle-même dans une immédiateté ultime ; le fait de subsister en elle-même totalement, de porter et de représenter cette nature de façon exclusive, non interchangeable » (7).
Lorsque la théologie classique parle de la Trinité, Dieu en trois « personnes » d’une part, du Christ, une « personne » (le Verbe) en deux natures, il faut veiller à ne pas projeter ici notre sens moderne de personne :
« La ‘nature’ humaine du Christ n’est donc, comme telle, absolument pas une ‘chose’ statique et dépourvue de ce qui caractérise une personne humaine , la subsistence en soi (8), la liberté, la relation de dialogue de la créature vis-à-vis de Dieu dans l’adoration et dans l’obéissance, en tant que traits dans lesquels s’accomplit la transcendance de la créature ».
D’autre part, les « trois ‘personnes’ en Dieu ne représentent pas trois ‘sujets’ d’action qui s’opposeraient les uns aux autres suivant une triple plénitude de vie, propre à chacun d’eux, dans la connaissance et la liberté, et qui ne laisseraient pas subsister l’unicité de la nature divine en tant que mystère, mais la supprimeraient radicalement » (9).
Sur le rapport personne / nature en christologie, dans le prolongement de la pensée de saint Thomas d’Aquin, cf. J. P. Torrell, Le Verbe Incarné, T. 1, Paris, Cerf, 2002, p. 319 et sv : « La théologie de l’union hypostatique ».


Saint Maxime le Confesseur (580-662) et Constantinople III (680-681).

18. @ La vie de Maxime « humble moine ».
« humilis monachus », « comme on lit auprès de son nom, dans la longue liste des signataires des actes de Latran ». M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ, spécialement en son agonie. Maxime le Confesseur interprète de l’Ecriture », Science et Esprit, 37, 1985, p. 123.
Sur la vie de Maxime et son contexte, voir J.C. LARCHET, La divinisation de l’homme selon saint Maxime le Confesseur, Cerf, Paris, 1996, p. 7-20 et F.M. LÉTHEL, Théologie de l’agonie du Christ. La liberté humaine du fils de Dieu et son importance sotériologique mises en lumière par Saint Maxime Confesseur, Beauchesne, Paris, 1979, p. 23-28 et p. 103-121.
Sur les procès de Maxime, cf. J.M. GARRIGUES, « Le martyre de Saint Maxime le Confesseur », Revue thomiste, 76, 1976, p. 410-452 où figure une traduction des procès.

19. @ Etudes sur la pensée de Maxime.
L’ouvrage majeur de F.M. LÉTHEL : Théologie de l’agonie du Christ. La liberté humaine du fils de Dieu et son importance sotériologique mises en lumière par Saint Maxime Confesseur, Beauchesne, Paris, 1979 a fait l’objet, par la suite, de nombreuses critiques qui s’inscrivent dans un débat plus large autour de l’interprétation de la pensée si difficile du Confesseur. Cf. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme a fait autant d’illustres victimes ? Réflexions sur un ouvrage de F.M. Léthel », Science et Esprit, 35, 1983, p. 53-83 et « La volonté humaine du Christ, spécialement en son agonie. Maxime le Confesseur interprète de l’Ecriture », Science et Esprit, 37, 1985, p. 123-159. M. Doucet reste à ce jour un des meilleurs spécialistes de Maxime. Cf. M. DOUCET, « Dispute de Maxime le Confesseur avec Pyrrhus », Introduction, texte critique, traduction et notes, thèse ronéotypée, Montréal, 1972. On peut consulter cette thèse, malheureusement non publiée, à la Bibliothèque de l’Institut Sources Chrétiennes à Lyon.
A propos des débats concernant la pensée de Maxime, voir l’état présent de la recherche dans J.C. LARCHET, La divinisation de l’homme selon saint Maxime le Confesseur, Cerf, Paris, 1996, p. 62-80 et l’étude postérieure de P.G. RENCZES, Agir de Dieu et liberté de l’homme. Recherches sur l’anthropologie théologique de Saint Maxime le Confesseur, Cerf, Paris, 2003, p. 367.


a. La mise en lumière de la volonté humaine du Christ dans l’agonie.

20. @ Textes de Maxime et traductions.
Pour les Opuscules Théologiques et Polémiques, nous citerons Th. Pol. Traduction des Opuscules théologiques et polémiques IV, XX, XXIV, VI, VII, XVI et III qui traitent de l’Agonie du Christ par M.H. CONGOURDEAU : MAXIME le CONFESSEUR, L’agonie du Christ, Migne. Brepols, Col. « Les Pères dans la foi », n° 64, Paris, 1996. Traduction partielle des Opuscules VII, XVI et III dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 123-126 et de l’Opuscule VI, p. 87-90. Traduction intégrale des Opuscules (quelque peu obscure !) par E. PONSOYE dans : MAXIME le CONFESSEUR, Opuscules théologiques et polémiques, Cerf, Paris, 1998, précédée d’une introduction (très éclairante) de J.C. LARCHET sur chaque Opuscule. De nombreux passages de Th. Pol. sont aussi traduits dans J.C. Larchet, La divinisation de l’homme selon Maxime le Confesseur.
Pour la Dispute avec Pyrrhus, nous nous référons à M. DOUCET, « Dispute de Maxime le Confesseur avec Pyrrhus », Introduction, texte critique, traduction et notes, thèse ronéotypée, Montréal, 1972. Nous citerons : Pyr. Dans la Dispute avec Pyrrhus (324 A-C), Maxime ne citera plus explicitement le texte de l'agonie. En revanche, il citera les textes de Phil 2,8 et Ps 40 (39),7-9 qui sont voisins par le sens.

21. @ Le texte de l’agonie : à l’origine de la question des deux volontés ou simplement à l’appui ?
Pour le premier point de vue, cf. la position de F.M. LÉTHEL, en ce qui concerne Serge : op. cit. p. 61 ; en ce qui concerne Maxime : Ibid, p. 73. Pour le second point de vue, cf. la position de M. Doucet. En ce qui concerne Maxime : « L’agonie n’est qu’un cas, plus manifeste et plus dramatique, parmi tous les cas où le Christ a dû agir contre son inclination naturelle, où son humanité a été le théâtre d’un conflit interne ». Cf. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… » p. 68 et « La volonté humaine du Christ… p. 141. En ce qui concerne Serge, cf. Ibid. p. 62.

22. @ Maxime, un auteur difficile malgré lui.
Maxime qualifie lui-même son langage de « technique, subtil et difficile à saisir pour le grand nombre » (Pyr. PG 91, 300A. Traduction Doucet, p. 555). Il est certain que sans les controverses multiples auxquelles il a dû faire face, l’humble moine n’aurait sans doute pas été poussé à ces élaborations si techniques.
Sur le lien entre réflexion théologique et vie spirituelle chez Maxime, voir les introductions des Th. Pol. 4, 7 et 20 par exemple. Cf. M.H. CONGOURDEAU, op. cit. p. 132-133.

23. @ Une avancée décisive.
A propos de Th. Pol. 6, PG 91, 65AB. Traduction de F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 87-88. Voir le commentaire de J.C. Larchet dans E. PONSOYE, op. cit. p. 47-48.
La majorité des commentaires patristiques antérieurs à Maxime sur la scène de l’Agonie y voyaient une manifestation de la volonté humaine du Christ pour le refus de la coupe, distinguée de l’expression de sa volonté divine dans la seconde partie de la prière. La volonté humaine du Christ était conçue ici comme un mouvement spontané qui refuse la mort, opposé mais non contraire à la volonté divine, mouvement très naturel et non répréhensible. Les monothélites attribuaient eux aussi le refus de la coupe dans l’Agonie à une volonté humaine, mais ils niaient qu’elle puisse être l’expression d’une volonté humaine du Christ car elle serait dans ce cas opposée à la volonté divine. Ils attribuaient ces paroles à « l’homme de notre sorte », marqué par le péché.
Maxime part de ce même texte et retourne l’argument. Pour cela, il saisit l’ensemble des paroles du Christ à l’Agonie et notamment la deuxième partie pour mettre en valeur l’acceptation de la Passion. Rien ne s’oppose à attribuer celle-ci à une volonté humaine finalement en accord avec la volonté divine après avoir surmonté son premier mouvement de répulsion.
Ainsi, dès le début de la controverse, le texte de l’agonie est-il en arrière-fond du Psèphos du patriarche Serge, qui s’emploie à rejeter les deux opérations et implicitement la volonté humaine du Christ en liant nécessairement altérité et contrariété des volontés. Cf. F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 36-45 et remarques de M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 58-63. Serge se réfère au modèle conceptuel de Sévère d’Antioche pour ce qui est de la volonté. Cf. M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… », p. 132-134. D’où la réponse de Maxime dans la première partie du sixième Opuscule théologique et polémique.
Dans ce même opuscule Maxime montre aussi que l'acceptation de la coupe ne peut venir de la volonté divine. "La notion même d'acceptation et d'obéissance implique une identité d'objet voulu (thelèthen) mais une altérité des actes de volonté ; or, il est impossible de situer cette altérité dans la divinité : l'unité numérique de vouloir, comme celle de substance, du Père et du Fils, est une doctrine assurée depuis l'enseignement trinitaire des Cappadociens", commente M. DOUCET, Pyr. p. 231. S'il n'y avait que la volonté divine à l'œuvre dans cette scène, il faudrait aussi lui attribuer le refus de la coupe, ce qui est impossible. Le refus de la coupe et son acceptation proviennent donc de la volonté humaine du Christ. Cf. Th. Pol. 6, 68A-C. Ce thème sera repris plus simplement dans Th. Pol. 7, 80C-81B cité dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 124. De plus, le fait que l’agonie soit une prière humblement exprimée au Père manifeste déjà par elle-même l’existence d’une volonté humaine subordonnée à la volonté divine. Cf. sur ce point M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 71 et P. PIRET, Le Christ et la Trinité selon Maxime le Confesseur, Beauchesne, Paris, 1983, p. 249-263 : « La prière d’obéissance au Père ».

24. @ Balthasar manque la découverte originale de Maxime dans l’agonie.
H. URS von BALTHASAR, Liturgie Cosmique, Aubier, Paris, 1947, p. 196-203. M. Doucet commente : U.v.Balthasar « campe, symétriquement, deux volontés, l’une face à l’autre : la divine qui agit sur l’humaine pour la soumettre… Notre auteur insiste sur le fait que la volonté de refus est une volonté spirituelle, mais il ne mentionne pas l’acte d’obéissance de la même volonté humaine… Dans le texte évangélique : ‘non comme je veux…’, Urs von Balthasar ne considère donc que la volonté divine qui affronte, et la volonté humaine, qui refuse, succombant, en quelque sorte, à l’alexandrinisme, polarisé sur le Logos. Il mentionne, en passant, les mots ‘soumission’ et ‘obéissance’. Mais la manière dont il envisage le drame de la passion ne permet pas de parler de vraie obéissance ; il faut pour cela une instance, dans l’homme, qui effectue la soumission. La contradiction, si contradiction il y a (ce qui n’est pas le cas), n’est pas entre les deux natures du Christ, ou entre la volonté divine et la volonté humaine, juxtaposées comme deux réalités symétriques dans leur actualisation. Alors que la volonté divine du Christ d’affronter la mort est actuelle et efficace, sa volonté de refus de la mort est une tendance, une « velléité », une poussée de nature, réprimée en sa racine, par un acte de cette même faculté, en accord avec la volonté de son autre nature » (« La volonté humaine du Christ… p. 135-136).
Plus tard pourtant, Balthasar remarquera le rôle de la liberté humaine de Jésus dans l’agonie. Cf. La Dramatique divine, III, L’action, Culture et Vérité, Namur, 1990, p. 338 où l’auteur renvoie au livre de F.M. Léthel.

25. @ La réflexion sur la volonté fait un pas décisif avec Maxime.
« La réflexion sur la volonté (faculté inconnue d’Aristote, qui ne parlait que de désir) a fait un pas décisif grâce à Maxime, génial inventeur de la thelèsis, et à sa réflexion sur les implications de l’agonie du Christ à Gethsémani. Autrement dit, c’est un de ces cas où l’on voit les nécessités de la théologie chrétienne, ici la christologie, provoquer un progrès décisif dans la réflexion sur l’homme, l’anthropologie (l’autre cas le plus notable est celui de la maturation du concept de personne provoquée par les besoins du dogme trinitaire) » (J.P. TORRELL, Le Verbe incarné, T. 3, Cerf, Paris, 2002, p. 319).
« Le vouloir naturel, c’est sans doute le souhait aristotélicien. Mais au lieu de faire surgir, avec Aristote, ce souhait sur le fond indifférencité du désir, saint Maxime, et par là il dépasse de loin Aristote, le fait surgir dans la thélèsis, mot qu’Aristote ignorait comme il ignorait la chose qu’il désigne ». note 102 : « Les origines de la notion de thélèsis restent obscures… La notion d’une volonté de Dieu devait être décisive pour l’élaboration du concept d’appétit rationnel ; en particulier, le texte de saint Luc, 22, 42 : ‘Père… que ce ne soit pas ma volonté (thélèma), mais la tienne qui se fasse’ (cf. Mt, 26, 39 ; Mc, 14, 36, qui emploient le verbe thélô), qui a joué dans la querelle monothéliste un rôle décisif, commande le vocabulaire de saint Maxime et l’amène à reconnaître, outre la thélèsis divine, une thélèsis humaine. Il semble bien, en définitive, que ce soit saint Maxime qui ait élaboré le concept technique de thélèsis ; sans doute a-t-il essayé de se trouver des répondants chez les Pères, mais… ». « La thélèsis, ce n’est plus un désir raisonnable par accident, c’est un désir rationnel par nature, c’est une faculté (dunamis), emportée par son propre élan, avant toute intervention de la connaissance, vers ce même bien universel de la nature que la raison est faite pour connaître. Cette faculté est une propriété de la nature humaine et c’est naturellement aussi que surgit en elle, dès qu’intervient une représentation simple, exclusive de toute délibération, l’acte qu’est le souhait, élevé ainsi pour la première fois à la dignité d’acte de la volonté ». note 104 : « Cette distinction de la volonté thélèsis, qui est la faculté, et du souhait, boulèsis, qui est son acte, a été comprise à contresens par le moyen âge… » (R.A. GAUTHIER, « Saint Maxime le Confesseur et la psychologie de l’acte humain », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 21, 1954, p. 78-79).
Entre Aristote et Maxime, on peut cependant mentionner la pensée de saint Augustin qui a eu l’occasion de réfléchir avec profondeur sur la volonté humaine. Cf. quelques passages de la deuxième partie du De Trinitate : la fin du livre X (X, 14 et suiv.) et dans le livre XIII (III, 6 à VII, 10), où il y a des développements sur volonté et bonheur, et sur la distinction augustinienne uti/frui par rapport à la volonté. Cf. la thèse de E. BERMON : Le cogito dans la pensée de saint Augustin, Paris, Vrin, 2001, (le dernier chapitre porte sur l'image trinitaire intelligence, volonté et mémoire chez Augustin).


b. La « rétraction » face à la coupe.

26. @ La rétraction devant la coupe selon les monothélites.
Attribuée à « l’homme de notre sorte » (Th. Pol. 6, 65A). « Par appropriation » (Pyr, 304AB. Cf. F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 50-51).

27. @ La complexité de l’acte volontaire dans l’agonie.
« Si le Christ priait pour que cela ne se fît pas puis pour que cela se fît, il ne s'agissait certes pas de la même chose considérée sous le même rapport... » (Th. Pol. 3, 48BD, cité dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 126). En tant qu’homme, le Christ « avait une volonté naturelle : par cette volonté, selon l’Economie pour nous, il refusait la mort, puis, dans un mouvement inverse, il s’élançait vers elle par le parfait consentement à la volonté du Père » ( Th. Pol. 7, 81B cité dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 124). Le mouvement naturel de conservation dans l'être est distingué de l'acte réflexif de consentement. "Cette poussée restait à l'état d'orientation sans passer à l'acte pour devenir force motrice du comportement... La volonté de refus est une tendance, une poussée de nature, réprimée en sa racine par un acte de cette même faculté" (M. DOUCET dans Pyr, p. 233-235). Il y a donc dans la même volonté humaine du Christ, deux niveaux : un désir naturel, spontané, antérieur au mouvement réflexif ; désir qui, parce qu’il est spirituel, est une volonté naturelle ; et un mouvement réflexif par lequel cette volonté passe à l’acte.
M. Doucet propose de distinguer quatre moments du processus volontaire dans l’agonie, "quatre actes (incluant une ébauche d’acte) de volonté et deux objets de volonté : (1) l'acte de volonté du Christ exprimé par les mots (acte réprimé), dont l'objet est l'éloignement du calice ; (2) l'acte de volonté du Père dont l'objet est le calice, exprimé par les mots : ; (3) l'acte par lequel le Christ accepte la mort et en même temps la volonté du Père ; cet acte ne correspond à aucun mot dans le texte évangélique, mais est signifié par l’ensemble de l’expression ; (4) l'acte de volonté du Christ comme Verbe Monogène, personne distincte dans la Trinité ; cet acte est numériquement identique à celui du Père" (« La volonté humaine du Christ… », p. 132).
Plus tard, Saint Thomas d'Aquin distinguera trois niveaux dans l'acte de volonté. (Voir Somme Théologique, IIIa pars Q.18, art. 5, conclusion. Il peut être légitime de rapprocher sur ce point l’analyse de Maxime de celle de Saint Thomas d’Aquin. Cf. M. DOUCET, « La volonté humaine… », p. 137) : Il y a d’abord la volonté spirituelle rationnelle qui concorde avec la volonté divine, la volonté spirituelle naturelle -c'est ici que nous pouvons situer le refus de la coupe- et enfin la « volonté de sensualité ». Saint Thomas va jusqu’à appeler ainsi l’appétit sensible. Cf. la note de J.P. TORRELL dans sa traduction de la Somme Théologique : Le Verbe incarné, III, Cerf, Paris, 2002, note explicative 44, p. 316-317. La volonté rationnelle et la volonté naturelle sont toutes deux spirituelles. Toutefois, ce ne sont pas deux volontés sur le même plan mais deux éléments de l'acte volontaire du sujet humain (IIIa, qu. 18, a. 6).

29. @ Le texte de l’agonie implicitement présent aux conciles de Latran et de Constantinople III.
Le « plein accord » des volontés (Latran. D 510-511) qui ne sont pas « opposées », bien au contraire, la volonté humaine se « soumet » à la volonté divine, étant « totalement divinisée » (Constantinople III. D 556), pour la réalisation du « salut » (D 510 et 558), tels sont les termes employés par les deux conciles. Constantinople III cite Jn 6, 38 : « Je suis descendu du ciel, non pour faire mon vouloir, mais le vouloir du Père qui m’a envoyé » (D 556). On peut légitimement penser que « cette dernière péricope », « d’un sens plus général », « englobe Mt 26, 39 » (M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… », p. 150, note 148). Voir sur cette question, l’avis divergent de F.M LÉTHEL, op. cit. p. 112, note 18 et M. DOUCET, op. cit. p. 149-150 et l’article « Est-ce que le monothélisme… », p. 78-82.

30. @ Le terme « chair » à Constantinople III.
Le terme « chair » est à prendre au sens large, biblique et patristique désignant le tout de l’homme créé et pas seulement l’ordre sensible. Cf. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 62-63, 68 et 80.


c. L’adhésion de la volonté humaine à la volonté divine.

@ GRÉGOIRE de NAZIANZE, Disc. 30, 12
‘Car l’acte de volonté de celui que l’on considère en tant que Sauveur n’est pas opposé à Dieu, étant totalement divinisé’. Citation de GRÉGOIRE de NAZIANZE, Disc. 30, 12, PG 36, 117C, S.C. 250, p. 249. Maxime s’était attaché à montrer, notamment en Th. Pol. 4, 20, 6, 7, 3, le sens orthodoxe de l’expression « totalement divinisé » appliquée au vouloir humain contre les monothélites qui l’invoquaient à l’appui de leurs thèses.

32. @ « Cohésion », « accord » et « obéissance » de la volonté humaine à la volonté divine.
Sur l’obéissance, la cohésion et l’accord des volontés, cf. M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… » p. 144-152. L’auteur résume la position de Maxime dans un tableau p. 156.

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La « cohésion » des volontés s’enracine dans la « compénétration » des natures, la « périchorèse » qui réalise une « communication des idiomes » qui n’est pas un simple échange verbal d’attributs, mais une communication en profondeur des natures par un échange réel de leurs propriétés. Sur le rapport entre la « cohésion » (sumphuia) et périchorèse, cf. M. DOUCET, « La volonté humaine… », p. 150-151. Sur la « périchorèse », qui concerne ici non les Personnes divines mais les deux natures du Christ, cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 333-346. Pour illustrer la périchorèse des deux natures, Maxime recourt à l’image du fer incandescent (Cf. Th. Pol. 16, PG 91, 189C-192A. Traduction dans J.C. LARCHET, op. cit. p. 340).
La cohésion et l’accord sont exprimés l’un à côté de l’autre dans le 7° Opuscule théologique et polémique, lorsque Maxime parle de la volonté humaine du Christ « tout entière divinisée, en son accord (sunneusis) et sa cohésion (sumphuia) avec celle du Père (PG 91, 81D).
Dans un passage très synthétique Maxime affirme : « C’est pourquoi il dit : ‘Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi. Cependant, que soit faite non ma volonté mais la tienne’. Il montrait ainsi, en même temps que le recul (sustolè), l’élan du vouloir humain, informé (tupoumenèn) et réalisé (ginomenèn) dans la cohésion (sumphuia) avec le divin, selon la conjonction entre la raison de la nature (logos tès phuseôs) et le mode de l’économie (tropos tès oikonomias). Car l’incarnation manifeste de façon éclatante la nature et l’économie, je veux dire la raison naturelle des réalités unies [les deux natures du Christ], et le mode de l’union selon l’hypostase : la première réalité [raison naturelle] garantit les natures, la seconde réalité [mode de l’économie] les innove, sans changement ni confusion » (Th. Pol. 3, PG 91, 48C). Sur la notion d’innovation chez Maxime, cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 263-273.
L’union hypostatique réalise une cohésion des deux natures par laquelle, la nature humaine et en particulier la volonté est divinisée et accède à un mode d’être nouveau. C’est à partir de là que s’exprime la volonté humaine en acte, dans un accord constamment renouvelé avec la volonté divine. Cet accord parcourt toute la vie du Christ et s’exprime spécialement dans l’ultime heure que nous envisageons ici. L’économie, c’est l’action concrète du Christ qui s’enracine dans la cohésion des deux natures, ainsi que le manifeste l’acceptation du calice qui suit le mouvement de répulsion. Ce mouvement de recul nous fait voir, quant à lui la pleine vérité de la nature humaine de Jésus. Même idée dans le texte suivant :
« La parole ‘Non pas comme je veux, mais comme tu veux’ ne montre rien d’autre que le fait que le Christ avait revêtu une chair craignant la mort. En effet, c’est à elle qu’il appartient de craindre la mort, de la refuser et d’être en agonie. Tantôt il la laisse à elle seule, dépouillée de sa propre puissance afin d’en confirmer la nature en montrant sa faiblesse, tantôt il ne cache pas sa puissance afin que tu saches qu’Il n’était pas un homme pur et simple ; de même en effet qu’on aurait pensé cela s’il avait toujours montré ce qui est humain, de même s’Il avait toujours accompli ce qui relève de la Divinité, on ne croirait pas le logos de l’Economie. Pour cette raison, il fait alterner et mêle ses paroles aussi bien que ses actes… Ainsi, en tant que Dieu, il prédit le futur, et en tant qu’homme, il recule devant la mort » (Th. Pol. 24, 268 BC, cité dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 73-74).

Maxime commente aussi dans ses écrits l’obéissance du Christ : « Puisque le même était tout entier Dieu avec l’humanité et tout entier homme avec la divinité, comme homme, en lui-même et par lui-même, il a soumis sa volonté humaine à Dieu le Père, en se donnant lui-même comme exemplaire excellent et modèle à imiter, afin que nous aussi, le considérant comme le chef de notre salut, nous soumettions de plein gré notre volonté à Dieu, en ne voulant plus que ce qu’il veut lui-même » (Pyr, PG 91, 305CD, p. 644. cf. Th. Pol. VII, cité dans F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 123, §2). L'obéissance du Christ à Gethsémani est vue ici sous l'angle de l'exemplarité bien que le rôle du Sauveur ne se limite pas à ce niveau.
« ‘Devenu obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix’ (Phil 2,8). Est-ce donc en voulant qu’il a obéi ou en ne voulant pas ? Eh bien, si c’est en ne voulant pas, on parlera à juste titre de tyrannie et non d’obéissance. Mais, si c’est en voulant, et s’il s’est fait obéissant non comme Dieu, mais comme homme… il était donc doué de la volonté aussi comme homme » (Pyr, 324A-B, p. 662). Nous avons ici l’expression d’une obéissance active, fruit d’une décision volontaire, témoin d’une volonté créée qui de ce fait peut vraiment obéir.

Notons que Constantinople III utilise aussi le terme de « communion » (koinônia) pour désigner le rapport entre volonté humaine et volonté divine : « l’une et l’autre nature veut et opère ce qui lui est propre en communion avec l’autre » (D 558).
Le Cardinal Ratzinger a montré comment une théologie de la « communion » (cf. Act 2, 42 ; 4, 32), qui concerne d’abord les mystères de l’Eglise et de l’eucharistie, trouve son fondement dans le Christ et spécialement dans la communion de ses volontés humaine et divine (J. RATZINGER, Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé, Paris, Salvator, 2006, 81-114).
Ainsi, la notion de synergie nous conduit-elle au mystère de la communion. De la communion trinitaire à la communion des volontés dans le Christ et à la communion des fidèles dans l’Eglise, Corps du Christ, par l’eucharistie. Nous retrouvons ici le thème cher à St Jean Eudes (Cf. chapitre 10-2).
Ce thème de la « communion » mis en lumière par Cardinal Ratzinger aurait mérité une place plus importante dans le texte même de la Bible du Cœur de Jésus, mais nous l’avons découvert trop tard…


d. Le mode particulier d’exercice de la volonté humaine chez le Christ.

33. @ La distinction entre logos et tropos.
La distinction entre logos (élément essentiel, raison) et tropos (mode), parcourt toute l’œuvre de Maxime.
« une chose est le logos de l’être, une autre le tropos du comment être, celui-là ressortissant à la nature, celui-là à l’économie. Leur concours fait le grand mystère de la physiologie extraordinaire de Jésus » (Amb. Th. 5, PG 91, 1052B cité dans J.C. LARCHET, op. cit. p. 348).
Cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 347-351. La distinction logos / tropos est une distinction générale dont le sens varie en fonction des nombreux domaines où Maxime l’applique. Cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 141-151. La compréhension du terme tropos est au cœur d’une controverse qui implique notamment J.M. GARRIGUES et J.C. LARCHET. Cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 263-273.
« Car dans le Seigneur, les réalités naturelles ne l’emportent pas, comme en nous sur le vouloir ; mais, de même qu’ayant eu vraiment faim et soif, ce n’est pas selon notre tropos à nous qu’il a eu faim et soif mais selon le tropos qui nous dépasse, car c’était de son plein gré ; ainsi, en proie à une véritable frayeur, ce n’est pas comme nous mais d’une manière qui nous dépasse qu’il a éprouvé la frayeur. Et, pour parler en général, tout ce qu'il y a de naturel dans le Christ a aussi, lié au logos qui s'y trouve, le tropos qui dépasse la nature, afin que la nature soit confirmée par le logos et l'économie par le tropos » (Pyr. PG 91, 297 D - 300 A, p. 554-555).
« de son plein gré » : Du fait du tropos singulier de la nature humaine assumée par le Verbe, les mouvements de la chair tout comme la crainte devant les souffrances et la mort étaient, contrairement à nous, volontaires dans le Christ, par sa volonté divine mais aussi humaine, comme le précisera Maxime. Cf. M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… » p. 137-141.
Saint Thomas d’Aquin reprend la pensé de Maxime lorsqu’il écrit : « C’est pourquoi la volonté humaine du Christ fut elle-même affectée d’un mode déterminé du fait qu’elle se trouvait dans une hypostase divine, de façon à ce qu’elle se meuve toujours au gré de la volonté divine » S. T. IIIa pars, qu.18, art.1, ad 4. Cf. J.P. TORRELL, Le Verbe incarné, T 3, p. 428.

35. @ L'exclusion de la gnômè dans le Christ.
Dans le cadre de la querelle monothélite, Maxime sera amené à exclure du Christ la gnômè (vouloir délibératif, délibération) et la proairesis (choix décidé), par réaction contre ses adversaires qui attribuaient au Christ une unique volonté « gnômique ». Sur la question si difficile de l’exclusion de la gnômè dans le Christ chez Maxime, cf. M. DOUCET, Pyr, p. 320-324 et l’excellente synthèse des pp. 386-401. Cf. les commentaires de J.C. LARCHET dans E. PONSOYE, op. cit. p. 54-55 et 60-61. Sur la distinction entre volonté naturelle et volonté gnômique, cf. R.A. GAUTHIER, « Saint Maxime le Confesseur et la psychologie de l’acte humain », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 21, 1954, p. 77-82.
Dans Th. Pol. 7, Maxime exclut pour la première fois explicitement la gnômè du Christ. Il écrit à propos du Christ : « il avait un vouloir humain, mais ce vouloir n’était pas contraire à celui de Dieu ; car ce vouloir n’était en rien délibératif, mais il était proprement naturel, marqué éternellement par sa divinité par essence, et mû vers l’accomplissement de l’économie du salut » (81D).
En Th. Pol. 16, Maxime distingue la volonté naturelle et la volonté délibérative qui « est l’élan du libre choix qui fait que l’on se tourne d’un côté ou de l’autre. Elle est une marque distinctive, non de la nature, mais proprement de la personne (prosôpou) et de l’hypostase » (192B). Ainsi, il n’y a « pas en Christ de place pour un conflit que causerait la division [de deux volontés délibératives] » (192D).
La gnômè caractérise donc une personne et plus précisément le choix personnel de l’homme de notre sorte. Maxime ne rejette pas la gnômè dans le Christ uniquement parce qu’elle relève de la personne - et il n’y a pas deux personnes dans le Christ - mais aussi parce qu’elle relève d’une personne comme nous, affectés que nous sommes d’un mode d’exercice particulier de la volonté.
En Th. Pol. 3, il affirme : « le fait d’être toujours capable de parler relève de la nature, alors que le fait de parler d’une façon déterminée relève de l’hypostase. Il en va de même pour ‘être capable de vouloir’ et ‘vouloir’. Or si ‘être capable de vouloir’ et ‘vouloir’ ne sont pas la même chose - car l’un, comme je l’ai dit, est du domaine de l’essence, et l’autre du domaine de la délibération de celui qui veut - le Verbe incarné avait donc, en tant qu’homme, la capacité de vouloir, [qui se trouvait] suscitée et modelée par sa volonté divine. ‘Car son vouloir, dit le grand Grégoire, n’était en rien contraire à Dieu. Il était tout entier déifié’. Mais si [le vouloir du Christ] a été déifié, il l’a été bien évidemment par son accord avec celui qui le déifiait. Or ce qui déifie et ce qui est déifié sont assurément deux, et ne sont pas un seul et le même par nature » (48A-B).
La volonté humaine est dite « suscitée et modelée » par la volonté divine. Le concile de Constantinople III parlera du vouloir humain « mû et soumis au vouloir divin » (D 556). Faut-il comprendre que la volonté divine se substituerait à la volonté humaine dans son exercice ? Certainement pas. La nature humaine n’est pas un instrument inerte dont se servirait la nature divine. La question de l’instrument et de la pleine réalité des causes secondes sera approfondie par la théologie postérieure. Pour Maxime, cf. J.C. LARCHET, op. cit. p. 312-314. Il faut plutôt entendre qu’il n’y a pas dans le Christ de passage à l’acte de la volonté humaine qui serait autonome, à part de l’union à la volonté divine. Maxime n’exclut bien évidemment pas le passage à l’acte de la volonté humaine ; il y a bien dans le Christ une volonté naturelle et une volonté réflexive, mais ce passage se fait sur un mode propre chez le Christ.

« Est-ce à dire que, en distinguant, avec le moine inconnu, le thelèma phusikon du thelèma gnômikon (10) et en attribuant seulement le premier au Christ, il a refusé à son humanité les actes concrets de vouloir pour ne lui en reconnaître que la simple faculté ? … En réalité, chez Maxime, la distinction entre la volonté naturelle et la volonté gnomique n’est pas une distinction de deux volontés, mais la distinction de la puissance et de sa détermination ; l’une et l’autre sont dans la nature humaine. Maxime répète souvent que le Christ n’est rien d’autre que ses natures, de sorte que la Personne comme telle n’est pas en lui un ‘lieu’ dans lequel puisse trouver place un vouloir personnel. Il en est d’ailleurs ainsi en tout homme : la personne imprime une orientation au vouloir naturel en l’actualisant d’une manière déterminée, mais le vouloir ainsi orienté reste le vouloir de la nature humaine. Dans la métaphysique de Maxime, comme de tous les penseurs des 6° et 7° siècles, la nature commune (l’eidos), porteuse de caractères naturels également communs (comme la volonté-puissance), est rendue singulière dans l’hypostase ; mais le fait que ce soit l’hypostase qui rende la nature singulière n’empêche pas celle-ci d’être elle-même porteuse des caractères singuliers (comme telle détermination de la volonté). Maxime ne refuse pas au Christ la volonté gnomique parce qu’elle relève de la personne ; dans le Dispute, il rejette d’ailleurs l’expression ‘volonté gnomique’ au profit du mot ‘gnomè’ ; il n’associe pas celle-ci à l’exercice pur et simple de la volonté mais à un mode déterminé de cet exercice, celui qui inclut la possibilité de déviation… En disant que le Christ voulait (èthelen) de deux façons, selon ses deux natures (11), Maxime affirme à la fois un double exercice concret du vouloir et la double racine de ces actes dans la nature ; dans les textes scripturaires qu’il apporte comme preuve d’un vouloir humain dans le Christ (12), les objets concrets assignés à ce vouloir montrent qu’il s’agit bien d’un vouloir en acte ; si le Christ a obéi (13), c’est dans un acte de son vouloir humain. La volonté humaine du Christ est humaine tout entière, puissance et acte, même si elle est d’une Personne divine. La divinité du sujet qui oriente la puissance naturelle se répercute sur la puissance en assurant sa stabilité indéfectible ; mais ce n’est pas par sa volonté divine qu’il assure cette modalité de son vouloir humain » (M. Doucet dans Pyr, p. 389-392).

36. @ Peut-on parler d’une faillibilité de la Vierge Marie ?
Jusqu’où l’intelligence et la volonté de la Vierge ont-elles été éclairées et soutenues par la grâce divine ? Il est certain que la Vierge Marie était comblée d’une grâce qualitativement différente de celle de la première Eve. Pour Marie, en effet, la Conception Immaculée est déjà le fruit anticipé des mérites du Christ Rédempteur, alors que pour Eve, il s’agit d’un état de grâce protologique. La question est posée de savoir si la faillibilité de Marie n’a été en fait qu’une possibilité théorique, au regard de l’union « complète et définitive » à Dieu qui caractérise le « mariage spirituel » des « septièmes demeures », terme du cheminement de la vie mystique… (P. M.E. de L’ENFANT JÉSUS, Je veux voir Dieu, Editions du Carmel, Venasque, 1988, p. 971). Est-il possible de vivre dans l’état présent de viator un état d’impeccabilité comparable à celui du Christ ?
Il semble que nous ayons minimisé la grâce offerte par le Seigneur à la Vierge Marie.
En effet, bien que la définition du dogme de l’Immaculée Conception ne concerne directement que le premier moment de l’existence de Marie, l’Eglise a toujours cru que la Vierge a été exempte de tout péché durant toute son existence, par une grâce spéciale du Seigneur. Le Concile de Trente exprime cette conviction en disant que personne « ne peut éviter, dans toute sa vie, tout péché, même véniel, si ce n’est en vertu d’un privilège particulier, comme celui que l’Eglise reconnaît (tenet) à la Vierge Marie » (D 1573. Cf. Catéchèse de JEAN-PAUL II du 19 juin 1996 : « Sainte tout au long de sa vie », Marie dans le Mystère du Christ et de l’Eglise, Parole et Silence, 1998, p. 86-88.).
On peut donc bien parler d’une faillibilité de Marie (J.H. Nicolas emploie le terme : « peccable ») pour distinguer son état de celui du Christ chez qui la grâce d’union excluait une telle peccabilité. Mais, la faillibilité de Marie apparaît comme une possibilité théorique en raison de cette grâce éminente qu’elle a reçue de Dieu. Cela ne diminue en rien le mérite de Marie que nous avons souligné dans le texte du chapitre 11, p. 573. Cf. J. H. NICOLAS, Synthèse Dogmatique, 493-495.

37. @ La liberté parfaite du Christ.
« La perfection de l’acte de volonté du Christ et des bienheureux contient eminenter celle de la gnômè et de son mode dégradé d’actuation ». M. DOUCET dans Pyr. p. 396.
Il y a dans le Christ une volonté rationnelle et réflexive mais non délibérative, « sans délibération, informée par une saisie intuitive de rapports », (M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 76. ) ce qui introduit la question d’un mode de connaissance sui generis du Christ.
« Pour le Maxime d’Amb 7 et de toujours, la liberté (autexousion) s’épanouit d’autant plus en liberté filiale que l’influence divine sur l’homme est plus grande, que celui-ci est plus « passif » face à Dieu. Et comme Dieu est en opération dans la nature elle-même, en tant qu’il la crée et dans le dynamisme de la nature, en tant qu’il est son telos, la liberté d’auto-détermination s’épanouit d’autant plus que, sous l’influence d’un tel dynamisme sur elle, elle est plus fixée dans le bien. Au ciel, l’énergie divine enveloppe et pénètre la nature et les puissances des bienheureux à tel point qu’ils atteignent dans l’actualisation transcendante de ces puissances le maximum d’auto-détermination et de nouveauté ; dans l’ ‘extase’ de la puissance naturelle hors de ses limites, tout le ‘vieux’, tout ce que Grégoire de Nysse comparaît à une carapace de tortue (Cf. PG 44, 1296-97), a été volatilisé. Au stade inchoatif de la vie terrestre, même s’il y a ‘passivité’ face à Dieu, la liberté est d’une qualité inférieure, la « nouveauté’ n’est pas aussi grande. C’est là la doctrine traditionnelle, basée entre autres textes sur Rm 8, 14-17 ; on la retrouve dans les commentaires de saint Thomas sur la ‘passivité’ que comportent les dons du Saint Esprit (cf. S.T., Ia IIae, qu. 68) et dans les Exercices de saint Ignace, pour lequel l’élection qui, sous la motion et l’attirance divines, ne laisse place à aucune délibération ni hésitation, est le type et l’idéal de la liberté (cf. G. FESSARD, La dialectique des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, Paris, 1956, p. 74) ». (M. DOUCET, « Vues récentes sur les ‘métamorphoses’ de la pensée de saint Maxime le Confesseur », Science et Esprit (31), 1979, p. 287. cf. p. 285-287).

On citera encore K. Rahner qui va dans le même sens : « Dieu seul peut réaliser quelque chose qui garde encore une valeur en face de lui. C’est là que réside le mystère de la création active qui ne peut être attribuée qu’à Dieu. Une dépendance radicale à son égard NE CROIT PAS EN PROPORTION INVERSE, MAIS EN PROPORTION EGALE, avec une véritable autonomie devant lui ». (Ecrits Théologiques, T. 1, « Problèmes actuels de christologie », « Personne divine et liberté humaine ? », 133).
M. Doucet note : « Le mot ‘autonomie’ ne convient guère cependant, si on le rapporte à l’humanité du Verbe non subsistante. C’est le Verbe en sa nature humaine qui est parfaitement maître de lui-même, autexousios , terme qui convient mieux que celui d’‘autonomie’ parce que celui-ci peut impliquer l’indépendance face aux normes morales » (Pyr., 401, note 35).

Le Cardinal J. Ratzinger, soulignant lui aussi l’importance de Constantinople III pour la christologie, a développé le même thème de l’authentique liberté du Christ (et de l’homme). J. RATZINGER, Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé, Paris, Salvator, 2006 (reprenant une conférence donnée en 1982), 43-49 et, dans une méditation de style plus simple : Le Ressuscité, Paris, DDB, 1986, p. 94-101.

38. @ Le processus volontaire chez Maxime et Thomas d’Aquin.
« bien qu’elle soit déterminée au bien, la volonté du Christ n’est pourtant pas déterminée à tel bien ou à tel autre. C’est pourquoi il appartient au Christ de choisir par son libre-arbitre confirmé dans le bien, comme font les bienheureux » (Qu. 18, art. 4, ad. 3. Voir note explicative 49, p. 321-322). Nous n’entrerons pas ici dans la présentation détaillée du processus volontaire que fera Maxime. Voir Th. Pol. I ; Pyr. 293BC, p. 549 et J.C. LARCHET, op. cit. p. 135-141. Nous laisserons aussi de côté la très difficile question de la correspondance entre les termes grecs de Maxime et les termes latins de la théologie médiévale. Saint Thomas d’Aquin fait des rapprochements de vocabulaire en ST, IIIa, Qu 18, art. 3-4. Sur la correspondance entre la distinction thelèsis / boulèsis et voluntas ut natura / voluntas ut ratio, cf. J.P. TORRELL, Le Verbe incarné, T. 3, p. 426 et note explicative 46, p. 318-319. Sur la différence entre gnômè et liberum arbitrium, cf. F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 127-129 et sur le rapport entre gnômè et voluntas ut ratio, cf. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 75-76.
Au delà des différences superficielles, on peut dire que Thomas et Maxime via le Damascène sont d’accords sur le fond. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 76. Saint Thomas d’Aquin gardera au Christ l’electio, terme par lequel il traduit la proairesis grecque. L’electio est l’acte du libre arbitre et manifeste la voluntas ut ratio, mais sans la « recherche laborieuse » que traduit chez lui la gnômè. ST, IIIa, Qu. 18, art. 4.


e. L'incidence sotériologique de l’affirmation d’une volonté humaine dans le Christ.

39. @ Le concile du Latran et le vocabulaire de Maxime sur le salut.
« Par nature, à même de vouloir » (thelètikon kata phusin) de Latran (D 510) reprend le phusei thelètikos de Th. Pol. 6. « Comme homme, non seulement le Christ veut, c’est-à-dire est le sujet d’une succession « ponctuelle » d’actes de volonté, mais il est, à partir d’eux, qualifié d’une manière permanente dans son être, il est thelètikos <à même de vouloir, apte à vouloir> : application du principe ab esse ad posse valet illatio » (M. DOUCET, « La volonté humaine… », p. 126. Cf. p.143). Sur le rapport avec la voluntas ut natura des théologiens médiévaux, cf. M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 73-74. Sur la sotériologie de Maxime, cf. M. DOUCET, Pyr., p. 196-221.

40. @ Peine et faute en Th. Pol. 20.
Peine, punition, châtiment (epitimia) d’un côté ; blâme, déshonneur, outrage, indignité, mépris (atimia) de l’autre. Ce dernier terme est employé avec son contraire en 2 Co 6, 8 : « dans la gloire et le mépris ». F.M. Léthel traduit par extension : « faute » (op. cit. p. 77), M. Doucet par « culpabilité » (Pyr., p. 313).

41. @ Peut-on contester la frontière entre peines assumées et péchés appropriés par le Christ ?
H. Urs von Balthasar conteste la frontière entre les passions non blâmables et les passions coupables et plaide pour une réelle irruption de ces dernières dans la conscience du Christ, accentuant encore plus la « contradiction » entre l’homme et Dieu dans la scène de l’Agonie. « Est-il juste… de dire qu’il ne s’agit là que d’une appropriation de relation… d’où serait exclue toute communication ontologique ? L’union du Christ avec la nature humaine n’est pas une pure relation morale, et la faute héréditaire a précisément son siège dans cette nature… Il s’est approprié de cette façon non seulement notre volonté qui est ordonnée naturellement, mais aussi notre volonté qui choisit librement, proairèsis » (24).
« U. v. Balthasar distingue avec Maxime les deux espèces d’appropriations mentionnées plus haut (25). Mais il voudrait introduire dans l’humanité du Christ plus que ne le fait Maxime. L’appropriation des passions selon leur aspect de culpabilité (pathè atimias)… inclurait même, selon lui, une communication ontique (‘seinshaft’) du fait de l’union ontique du Christ avec la nature humaine et la présence de la faute originelle dans l’universalité de cette nature comme telle » (M. DOUCET, Pyr., 314).

Et ailleurs, Balthasar de continuer : « Il ne faudrait pas hésiter à concéder à l’âme de Jésus plus d’obscurcissement passionnel que Maxime n’est prêt à le faire, car la distinction entre les pathè atimias (passions coupables), qui n’appartiennent pas purement et simplement à la nature mais la défigurent, et les pathè epitimias (passions-châtiment), que le Christ pouvait assumer, est fluide et la délimitation appartient au style et au goût du théologien de cette époque là » (26).
« En autant que la nature déchue et soumise aux passions est en quelque sorte essentiellement pécheresse, la zone dangereuse n’est pas ici [sc. dans le Christ] non plus tout à fait endiguée » (27).
« V. Balthasar tente d’exprimer la présence de notre insoumission dans le Christ par l’image d’un acteur qui joue un personnage (28). On peut douter que ce langage figuré réussisse à préciser une appropriation vraiment intermédiaire entre les deux autres. D’ailleurs, v. Balthasar n’est pas tout à fait cohérent : il met ensemble, comme possédés en vertu de cette appropriation intermédiaire, et les pathè atimias et notre proairesis et notre volonté naturelle. A propos de la proairesis, il écrit : ‘Dans le Christ doit aussi être présent le stade imparfait du choix en tant que déjà librement dépassé (29). Auparavant il a pourtant relié la volonté naturelle à l’appropriation substantielle. Pour un rattachement plus que relationnel de la proairesis au Christ, il se base sur un texte de Maxime ; mais celui-ci, en interprétant les Pères qui ont mentionné une proairesis dans le Christ, prend soin de préciser qu’ils ont voulu signifier la volonté naturelle, s’ils ont mis en lui la proairesis d’une manière substantielle, ou bien notre propre proairesis, s’ils l’ont mise en lui par appropriation ; l’opposition oudiôdôs - kat' oikeiôsin est sans intermédiaire. U. von Balthasar parle d’ ‘une entrée du péché sur la scène intérieure de l’Homme-Dieu’ tout en précisant qu’il s’agit de ‘la forme du péché déjà vidée de son contenu’ (30), ce qui équivaut à une entrée des seuls pathè epitimias. Il écrit encore : ‘Par sa soumission à la volonté du Père, le Christ n’a pas seulement soumis sa propre humanité (‘sein eigenes Menschliches’) mais l’humanité en général (‘das Menschliche überhaupt’), l’humanité entière et même ce qui était non soumis en elle’ (31). Il y a là une traduction inexacte d’un passage de la Dispute. Le neutre ‘to anthrôpinon’ (32), doit se traduire par ‘sa volonté’ et non par ‘l’humanité en général’ : ‘to anthrôpinon’ est opposé à ‘to èmeteron’ qui suit, et on voit par les lignes qui précèdent qu’il s’agit du thelèma ; ailleurs (33), c’est ‘thelèma’ et non ‘nature humaine’ que Maxime donne comme complément à ‘upoklinô’ et à ‘upogassô’, tout en mentionnant, comme dans la Dispute, que le Christ se donne là en exemple.
La distinction ente les deux aspects ou logoi des pathè correspond au langage du concile de Trente, qui n’appelle « péché », la fomes peccati, la concupiscence que parce qu’elle procède du péché et incline au péché (34). L’élimination de la démarcation entre les deux aspects du domaine passionnel est le fait des réformateurs selon lesquels la concupiscence est une réalité en soi peccamineuse, qui ne permet qu’une justification extrinsèque, forensique (abandonnée par K. Barth), grâce à quoi l’homme est simul justus et peccator. Il n’y a pas lieu de projeter sur Maxime la dialectique hégélienne (la « thèse » qu’est l’insubordination présente en tant que dépassée de toujours dans la « synthèse ») et de s’écarter par là de la division bipartite de l’appropriation. Le tropos divin selon lequel subsiste l’humanité du Christ lui permet d’avoir en lui, d’une part, par une appropriation substantielle, nos passions sous leur aspect de punition non blâmable et notre volonté naturelle, et, d’autre part, seulement par une appropriation relationnelle, nos propres désordres et notre proairesis fluctuante. La communauté ontique de nature entre le Christ et nous n’en demande pas plus » (M. DOUCET, Pyr., 315-317).

Cf. II° Concile de Constantinople (553), canon 12 que l’on cite comme autorité pour montrer que le Christ n’avait pas en lui de péché ni de passion blâmable (concupiscence…) : « Si quelqu'un défend l'impie Théodore de Mopsueste qui affirme qu’un autre est le Dieu Verbe et un autre le Christ qui, troublé par les passions de l'âme et les désirs de la chair, s'est peu à peu libéré des choses inférieures et ainsi, rendu meilleur par le progrès de ses œuvres et devenu tout à fait irréprochable par son comportement… et après la résurrection, est devenu immuable en ses pensées et totalement impeccable... qu'il soit anathème » (35).


Constantinople III pointe des conciles christologiques et centre de l’histoire des conciles.

44. @ Théorie « physique » de la rédemption ou / et satisfaction méritoire.
Théorie « physique » de la rédemption ou - et satisfaction par l’action libre et méritoire. Différence d’accent entre théologie orientale et occidentale du salut dans le Christ.
Au concile de Constantinople III, la réflexion dogmatique de l’Orient a posé la condition sine qua non de l’activité de la liberté du Christ pour le salut de l’humanité qui sera développée en occident avec la théologie des mérites du Christ. Ainsi qu’en témoigne le concile de Trente : « le Fils unique bien-aimé de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ… ‘alors que nous étions ennemis’ (Rm 5, 10), ‘à cause du grand amour dont il nous a aimés’ (Ep 2,4), par sa très sainte Passion sur le bois de la croix nous a mérité la justification et a satisfait pour nous à Dieu son Père » (D 1529. Cf. D 1560).

« On saisit bien l’originalité de la notion de mérite en voyant ce qu’elle ajoute à ce que serait une conception purement physique de la rédemption comme on a voulu polémiquement la prêter aux Pères grecs. Il est bien vrai que du fait que le Christ est, et qu’il s’unit notre nature humaine dans la sainteté de sa Personne, notre nature est sauvée, parce qu’assumée et divinisée. Mais cet acte d’assomption qui est déjà foncièrement salvifique, puisqu’il est acte du Fils dans la chair, n’a pas encore déployé toute la richesse de son contenu pour nous. S’il est bien impliqué que Dieu nous est réellement communiqué puisque notre nature est ramenée à la vie divine de la Personne unique du Fils, il n’est pas encore montré cependant par là comment cette communication est une transfiguration de notre liberté pécheresse dans une reconnaissance filiale des droits de Dieu…
Si l’écriture nous dit que cet acte fut initial (He 10, 5 et sv.), c’est avec des termes qui présupposent qu’il a eu tout un développement historique conduisant le Christ de la naissance à la mort, faisant de Lui le grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédech, pleinement manifesté…
Comme il n’y a pas de réconciliation sans satisfaction il n’y a pas de salut par une incarnation qui serait pur mystère d’être et de nature sans être un mystère d’acte et de liberté… la réflexion dogmatique de l’Orient s’est moins sentie portée à décrire cette activité de la liberté du Christ dans le salut de l’humanité par Dieu que celle de l’Occident ; mais elle en a posé la condition sine qua non, au terme des grandes questions christologiques, en définissant contre le monothélisme la réalité de la volonté humaine du Christ ».
« On voit donc comment ce qu’il y a de conception physique de l’incarnation et du salut chez les Pères grecs, loin de détruire ou de repousser la conception plus volontiers subjective et morale de ce même salut chez les Pères latins, la fonde et la postule. Pourquoi ? Parce que la nature qu’assume le Fils dans l’incarnation est une nature humaine totale, donc libre et pouvant mériter. On voit aussi comment la conception plus subjective du salut, dans la ligne de la satisfaction et du mérite, ne doit pas faire oublier la conception plus physique du salut, parce que ce que le Christ mérite pour nous c’est que la vie divine de son être de médiation nous soit réellement communiquée. En d’autres termes, la notion de mérites resterait formelle si l’on perdait de vue qu’il s’agit du mérite de l’homme-Dieu, pour la divinisation de l’humanité, de même que la notion de divinisation de l’humanité pourrait se naturaliser si l’on ne voyait pas qu’elle implique l’acte même par lequel le Fils consacre dans un acte sacerdotal de satisfaction notre humanité à son Père. Incarnation et satisfaction se présupposent réciproquement dans le salut : la première est la condition ontologique de l’activité sanctifiante de la liberté du Christ, la seconde l’opération effective de l’humanité ontologiquement assumée par Dieu ». G. MARTELET, La Rédemption, manuscrit non publié, mars-juin 1958, p. 123-124. Dans ce manuscrit, le père Martelet explique bien l’importance de Constantinople IIII comme charnière dans l’histoire des conciles œcuméniques.

45. @ Chalcédoine, Latran et Constantinople III.
Sur le rapport entre le concile de Chalcédoine d’une part, les conciles de Latran et de Constantinople III d’autre part, voir la différence des points de vue entre F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 107-112 et M. DOUCET, « Est-ce que le monothélisme… », p. 78-82 et « La volonté humaine du Christ, p. 149-150.

47. @ Les conciles œcuméniques postérieurs à Constantinople III.
Nicée II (787) et Constantinople IV (869) consacré à la question du patriarche Photius sont les deux derniers conciles d’Orient. Nous laisserons de côté les conciles œcuméniques du Moyen-âge latin qui n’ont pas été l’occasion d’apports doctrinaux décisifs. Signalons les essais d’union avec les églises séparées au II° concile de Lyon (1274) et au concile de Florence (1439-1442) qui donneront lieu à des professions de foi qui préciseront certaines notions.


Constantinople III et Nicée II, fondements dogmatiques du Cœur de Jésus.

48. @ Maxime et le primat de la volonté dans la nature humaine.
« Cette puissance naturelle est première par rapport à toutes les propriétés et mouvements naturels qui sont dans la nature. C’est en effet selon elle seule que nous désirons naturellement être, vivre, nous mouvoir, penser, parler, sentir, manger, dormir, nous reposer, ni souffrir ni mourir, et de façon générale, avoir parfaitement tout ce qui conserve la nature et être privé de tout ce qui la détruit » (Th. Pol. 16, PG 91, 193D-196A. Cf. F.M. LÉTHEL, op. cit. p. 105, note 4).

49. @ L’évolution de la symbolique chrétienne depuis Nicée II.
Elle aboutit notamment au culte de l’image du Cœur de Jésus et à l’image du Christ miséricordieux de sœur Faustine. Elle est également associée au culte des images et les reliques. Cf. au concile de Trente : D 1821-1825. Il y aurait, à côté d’un aspect christologique, un aspect « anthropologique » de la symbolique chrétienne.


La profondeur abyssale du mystère de Jésus.

52. @ L’agonie selon A. Feuillet.
A. FEUILLET, L'agonie de Gethsémani, Gabalda, Paris, 1977.
• « L’agonie de Gethsémani et la peur de la mort » (p. 189-192),
• « L’agonie de Gethsémani et l’expérience de l’abandon par Dieu » (p. 192-199),
• « L’agonie de Gethsémani, épreuve messianique » (p. 200-206),
• « L’intervention des puissances mauvaises et la victoire du Christ » (p. 206-213).
Ces quatre interprétations de la scène ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Cependant, ce sont les deux dernières qui, vraisemblablement, nous font entrer dans le cœur du problème.
L’auteur accorde aussi une attention spéciale au « pourquoi de la présence des disciples » (p. 216-223).

53. @ L’âme du Christ troublée.
« Mon âme est toute troublée » (Jn 12, 27). Ce texte apparaît comme un équivalent johannique de l’agonie chez les synoptiques. Maxime n’accepterait sans doute pas de parler de contradiction interne dans la volonté du Christ, de recherche tâtonnante du bien, de désarroi, d’hésitation ou d’incertitude sur la voie à tenir. Cf. M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… », p. 134-136. « L’actualisation de la volonté du Christ est sui generis, sans la gnômè qui caractérise cette actualisation chez les autres » (Pyr., p. 135, note 65. Cf. Pyr., 308B-309A).

54. @ Blaise Pascal et le mystère de Jésus.
B. PASCAL, « Le Mystère de Jésus ». Cf. Pensées et Opuscules, ed. Brunschvicg, § 553. « Le Mystère de Jésus » a aussi été publié dans A. FEUILLET, op. cit. p. 265-269. E. Osty voyait dans « Le Mystère de Jésus », le meilleur commentaire de l’agonie (La Bible, note sur Mc 14, 32-42). Quelques extraits :
« Jésus est seul dans la terre, non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance ».
« Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain ».
« Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit ».
« Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive : ‘Mon âme est triste jusqu’à la mort’ ».
« Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble ; mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment ».
« Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là ».
« Jésus prie dans l’incertitude de la volonté du Père et craint la mort. Mais l’ayant connue il va au-devant s’offrir à elle. Eamus. Processit.
« Il ne prie qu’une fois que le calice passe et encore avec soumission, et deux fois qu’il vienne s’il le faut ».
« Console-toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé ».
« Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi ».
« ‘Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur’. Je le perdrai donc Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance. ‘Non, car moi par qui tu l’apprends t’en peux guérir et ce que je te dis est un signe que je te veux guérir. A mesure que tu les expieras tu les connaîtras et il te sera dit : Vois le péchés qui te sont remis’ ».

55. @ Hans Urs von Balthasar et l’agonie.
Voir par exemple : « Le Mystère pascal » dans Mysterium Salutis, T. 12, Cerf, Paris, 1972, p. 93 et sv.
Notons que le CEC (631-637) n’a pas repris la théologie balthasarienne de la descente aux enfers. Cf. C. von SCHÖNBORN, « Il concetto teologico del catéchismo della Chiesa Cattolica », in X Anniversario Editionis CEC conventus Catechisticus Internationalis, Rome, octobre 2002, p. 2-3. Cf. JEAN-PAUL II, « Il est descendu aux enfers », audience générale du 11 janvier 1989, DC (1989), n°1979, p. 223-225.

56. @ Le Christ en son humanité sainte est chargé de nos péchés.
Il nous semble d’une part dangereux de contester la démarcation entre peine et faute, entre assomption de notre nature et de ses passions non coupables et appropriation de nos péchés. Nous avons vu comment Maxime distinguait bien les deux plans (cf. ch. 11, e : L'incidence sotériologique de l’affirmation d’une volonté humaine dans le Christ). Une telle distinction rend compte du fait que le Christ « a été éprouvé en tout, d’une manière semblable à l’exception du péché » (He, 4, 15). Or, cette donnée scripturaire fondamentale se trouve au cœur des définitions de Chalcédoine, de Constantinople III et de Vatican II (D 301, 554 et 4322). D’autre part, il est important de comprendre les limites d’une théologie radicale de la « kénose » qui tendrait à contester une conscience autre que strictement humaine en Jésus. Si l’agonie est vue uniquement comme une confrontation entre la divinité et l’humanité pécheresse, quelle place laisser à la médiation de l’humanité divinisée de Jésus ?
Pour une appréciation globale de cette interprétation de la passion du Christ, cf. P. DESCOUVEMONT, Les apparents paradoxes de Dieu, Paris, Presses de la Renaissance, 2003, p. 162-176. Après une présentation critique de la pensée de Luther, de Calvin et de certains prédicateurs catholiques, l’auteur souligne ce que cette interprétation comporte de vrai, au-delà des formulations excessives. « Il faut reconnaître qu’en prenant en charge une âme de pécheur pour obtenir sa conversion, les saints ont souvent senti peser sur eux toute la colère de Dieu » (p. 167). Et l’auteur de citer les exemples de sainte Marguerite Marie, du Padre Pio et de l’ordre du Carmel.

57. @ Comment parler de « tentation » chez Jésus ?
On pense aux tentations au désert et à l’heure de Gethsémani. « Faut-il dire, comme on le disait ordinairement, qu’il a été tenté ‘uniquement par une suggestion extérieure’ (ST, IIIa, Qu 41, 1). Pourtant un texte fameux de l’Ecriture invite peut-être à se demander s’il n’a pas été réellement tenté, c’est-à-dire si la tentation n’a pas, en quelque manière, eu prise sur lui : ‘Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses : il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher’ (He 4, 15). Ce dernier trait marque à notre recherche la limite à ne pas franchir ». Et l’auteur de distinguer entre « éprouver un bien comme désirable, et désirer ce bien ». « Ainsi comprise, la tentation introduit dans la psychologie de Jésus la lutte morale, non sous la forme d’un combat entre le bien et le mal à l’intime de l’âme de Jésus – le bien en lui était totalement triomphant dès le premier instant – mais sous la forme où l’accomplissement de la volonté de Dieu est, durant l’existence terrestre, souvent douloureux et même brisant : la scène de Gethsémani en témoigne de façon saisissante » (J.H. NICOLAS, Synthèse dogmatique, Editions universitaires de Fribourg, Beauchesne, Paris, 19862, p. 407-408).

58. @ L’agonie et les puissances mauvaises chez Maxime.
Dans la 21° des Questions à Thalassius (PG 90, 313C), Maxime met en relation la Passion et l’agonie avec les Puissances mauvaises.

59. @ L’agonie selon Marie d’Agreda.
Selon Marie d’Agreda : « Cette immense tristesse, cette profonde répugnance ne lui étaient pas causées par les douleurs de sa Passion, mais par la considération que, malgré elles, il y aurait encore une multitude de réprouvés qui souffriraient même davantage pour les avoir méprisées. C’était là ce calice terriblement amer dont il demandait l’éloignement, tout en se conformant néanmoins à la volonté divine » (Vie divine de la Très Sainte Vierge Marie, Editions Saint Michel, Saint Céneré, 1976, p. 248).

60. @ L’agonie selon Romano Guardini.
Remarquable commentaire de l’agonie chez Guardini. « Il est entré dans notre déchéance, comme quelqu’un qui n’a personnellement rien à faire avec elle. Il ne la connaît pas par expérience, mais comme Dieu la connaît. Voilà pourquoi cette connaissance est si terriblement lucide. Voilà pourquoi aussi sa solitude est infinie. Il est vraiment le voyant au milieu des aveugles… » (R. GUARDINI, Le Seigneur, T II, Alsatia, Paris, 1964, p. 104). « Il aurait toujours connu devant Dieu le péché du monde, il aurait toujours su, seul, ce qu’est le Dieu saint et aimant, et aurait mesuré ce qu’est le péché à ses yeux… c’est à l’heure de Gethsémani que cette souffrance permanente a atteint son paroxysme » (Ibid. p. 105).

Nous pouvons mettre en regard quelques réflexions de Jean Paul II dans sa lettre apostolique sur « Le sens chrétien de la souffrance humaine » (Salvifici doloris) de 1984 : « Sa souffrance a des dimensions humaines, elle a aussi – à un degré unique dans l’histoire de l’humanité – une profondeur et une intensité qui, bien qu’humaines, peuvent être également une profondeur et une intensité incomparables de souffrance du fait que l’Homme qui souffre est en personne le Fils unique : ‘Dieu de Dieu’. Lui seul par conséquent – lui, le Fils unique – est capable d’étreindre l’étendue du mal contenu dans le péché de l’homme : dans tout péché et dans le péché ‘total’, selon les dimensions de l’existence historique de l’humanité sur la terre » (n°17). Cf. aussi n° 18.

61. @ L’agonie à la lumière de l’expérience mystique.
Cf. JEAN PAUL II, Novo Millennio Ineunte, n° 27.
Cf. F.M. LÉTHEL, « Le mystère de l’agonie de Jésus à la lumière de la théologie de saints », Revue della Pontificia Academia Theologica, PATH, vol 2, 2003/2, p. 417-441.
Sur le rapprochement entre l’agonie de Gethsémani l’expérience mystique, cf. P. M.E. de L’ENFANT JÉSUS, Je veux voir Dieu, Editions du Carmel, Venasque, 1988, p. 123-124 ; 149-150 ; 762-763 ; 869-871.


Le versant anthropologique de l’histoire des conciles.

a. Trente : grâce et liberté

62. @ Quelques jalons dogmatiques dans l’histoire du rapport entre grâce et liberté.
La question des rapports de la liberté et de la grâce a été débattue dans l’Eglise d’occident depuis la controverse pélagienne au V° siècle. Le pélagianisme et le semi-pélagianisme ont été réfutés dans plusieurs conciles provinciaux auxquels on a par la suite reconnu une grande importance. Il s’agit notamment des conciles de Carthage en 418 (D 222-230) et d’Orange en 529 (D 370-397). La question ressurgira dans une problématique inverse au XVI° siècle avec le protestantisme puis le jansénisme. La position catholique sera explicitée au 19° concile œcuménique de Trente en particulier dans le Décret sur le péché originel en 1546 (D 1510-1516) et l’admirable Décret sur la justification de 1547 (D 1520-1583). Les discussions continueront à l’intérieur de l’Eglise et entraîneront la condamnation des erreurs de Baius en 1567 (D 1901-1980) puis celle des jansénistes notamment en 1653 (D 2001-2007) et en 1713 (D 2400-2502).

63. @ L’augustinisme.
Voir H. de LUBAC, Augustinisme et théologie moderne, Aubier, Paris, 1965.

64. @ Reconnaissance du rôle de l’activité humaine au concile de Trente.
Consistance de la liberté de l’homme dans la réponse à la grâce du Christ (D 1525-1526, 1554 et sv.). Nécessité des œuvres de pénitence et de la satisfaction (D 1689-1693 et 1712-1715). Décret sur le purgatoire (D 1820) dans la suite du 17° concile œcuménique de Florence de 1439 (D 1304) et déjà du II° concile de Lyon de 1274 (D 856). Après la mort, la liberté humaine doit souvent se soumettre à une purification passive pour pouvoir oser voir Dieu.


b. Vatican I : foi et raison

65. @ Les différents courants de pensée à l’époque de Vatican I.
La Constitution Dei Filius sur la foi (D 3000-3045) prendra position contre le rationalisme (D 3005, 3028, 3031, 3032) et le déisme (D 3027), en affirmant la possibilité et la nécessité de la révélation divine, qui est de l’ordre de la grâce. Inversement, le concile affirme contre le traditionalisme (D 3033) et le fidéisme (D 3034) la réelle contribution de la raison naturelle dans le processus de l’acte de foi. Sur ces différents mouvements de pensée, cf. G. DUMEIGE, La foi catholique, Editions de l’Orante, Paris, 1975, p. 33 et sv. Sur le fidéisme et le traditionalisme, p. 37 et sv.


c. Vatican II : Dieu et l’homme

66. @ La réflexion ecclésiologique au XX° siècle.
Le père de Lubac pressentait avec d’autres que le XX° siècle serait « le siècle de l’Eglise ». Cf. H. de LUBAC, Méditation sur l’Eglise, Aubier, Paris, 1953, p. 20. On peut citer en amont de Lumen Gentium, l’encyclique Mystici Corporis de Pie XII publiée en 1943 (D 3800-3822).

67. @ L’union de l’élément divin et humain dans l’Eglise.
Quae humano et divino coalescit elemento. M. DOUCET fait remarquer que le verbe coalescere traduit dans la PG le terme sumphuia par lequel Maxime désignait la cohésion profonde des nature divine et humaine dans le Christ. (M. DOUCET, « La volonté humaine du Christ… » p. 149, note 144).
Il y aurait vis-à-vis de l’Eglise, des tentations de même nature qu’en christologie. Séparer en l’Eglise le pur humain et le pur divin reviendrait à un nestorianisme pratique. Ne voir en l’Eglise que l’élément divin reviendrait à un monophysisme pratique. Cf. Y. CONGAR, « La piété catholique envers le Christ, l’Eglise et Marie sait-elle toujours éviter la tentation d’une tendance monophysite ? » dans Le Christ, Marie et l’Eglise, DDB, Bruges, 1952, p. 67-80.

69. @ L’Eglise sanctifiante et sanctifiée. Deux aspects de l’Eglise une.
Cf. H. de Lubac, Méditation sur l’Eglise, Aubier, Paris, 1953, ch. 3 : « Deux aspects de l’Eglise une », p. 86-94.
« L’Eglise offre en sa structure le mélange, non seulement du visible et de l’invisible, mais, dans le visible même, du divin et de l’humain » (p. 75)
Il y a deux aspects de la Sainteté de l’Eglise : l’Eglise sanctificatrice et l’Eglise sanctifiée qui sont chacune constituées d’un élément divin et humain. « Nous professons en effet que notre Eglise est… d’une part l’Eglise sanctificatrice et d’autre part… l’Eglise des sanctifiés » (Op. cit. p. 89). Cette dualité se manifeste notamment dans la distinction entre pasteurs et troupeau.
L’Eglise est d’abord sanctificatrice, communication des choses saintes, don infaillible de Dieu. A travers les sacrements qui la constituent et qu’elle dispense, à travers notamment le sacrement de l’ordre et la hiérarchie, elle conduit sûrement le troupeau et l’instruit sous la conduite de l’Esprit Saint. « Lorsque Pierre baptise, c’est Jésus qui baptise ; lorsque Judas baptise, c’est Jésus qui baptise ». C’est par cet adage célèbre que s’exprimait la foi de l’Eglise primitive.
L’Eglise sanctificatrice crée l’Eglise sanctifiée. C’est là l’Eglise dans son deuxième aspect, fruit du premier. L’Eglise est communion de ceux qui sont devenus saints par une sainteté personnelle qui est une réponse libre au don de Dieu. Cette sainteté, le chrétien peut la perdre par sa faute et il espère humblement garder cet « état de grâce » jusqu’à la patrie céleste, avec l’aide de Dieu. (cf. p. 94-95).
Ainsi, il y a deux hiérarchies : L’Eglise est « une société hiérarchique, dont certains membres sont, en vertu d’un choix qui n’est pas de Dieu seul, mis en possession de pouvoirs sacrés, de manière à perpétuer parmi nous les fonctions mêmes de Jésus-Christ ; mais elle est aussi une communauté de grâce, dans laquelle existe une autre « hiérarchie », celle-là toute intérieure et fruit de la seule élection divine, la hiérarchie de la sainteté » (p. 89-90).

70. @ L’union du Christ à chacun de nous (GS 22). Antécédents patristiques.
« Le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (GS 22). A propos de la pensée de Maxime, cf. J.C. LARCHET, La divinisation de l’homme selon saint Maxime le Confesseur, Cerf, Paris, 1996, p. 365-374.
« Cela signifie que pour Maxime le Christ n’a pas assumé une nature humaine déjà individualisée, et que dans le Christ l’âme et le corps humains ne sont pas comme chez les autres hommes synthétisés par une hypostase humaine. Le Christ est dépourvu d’hypostase humaine comme Il est dépourvu d’individualité humaine. Chez Lui, c’est l’hypostase divine qui est le principe à la fois de l’individuation de la nature humaine (plus exactement des caractères qui permettent au Christ en tant qu’homme de se distinguer des autres hommes) et de la synthèse de l’âme et du corps qui leur donne leur identité. Cette conception a des conséquences importantes pour la sotériologie puisque le Christ, n’assumant pas une nature individuelle, peut assumer la nature humaine commune, autrement dit récapituler et donc sauver et diviniser en Lui l’humanité tout entière » J.C. Larchet dans la traduction des Opuscules théologiques et polémiques de Maxime le Confesseur par E. Ponsoye, Cerf, Paris, 1998, p. 66, note 1.
« Le fils de Dieu a uni à lui-même hypostatiquement notre nature (commune) et par là a introduit en lui-même, qui est prémices, tous les hommes individuels ». M. DOUCET, « Vues récentes sur les ‘métamorphoses’ de la pensée de saint Maxime le Confesseur’ », Science et Esprit 31, 1979, p. 301.

71. @ Une synergie entre le Cœur du Christ et le cœur de l’homme.
Lorsque nous parlons de synergie des deux cœurs, nous accédons à un autre sens du mot synergie : Il s’agit là d’une union intime entre des personnes. Il y aurait donc deux niveaux où l’on pourrait repérer une synergie : Il y aurait, d’une part, la synergie dans le Christ entre sa nature divine et sa nature humaine dans l’unité de sa Personne. D’autre part, on pourrait parler de la synergie en l’homme de la nature humaine et de la grâce divine et enfin, de la synergie des deux cœurs. Cependant, il semblerait que ces deux derniers niveaux de synergie soient en fait identiques.


2. Une question ouverte : l’ « alliance » des deux Cœurs

99. @ Le parallèle entre Eve et Marie chez les Pères du IV° au XII° siècle.
Au 4ème siècle, le parallèle entre Eve, source de mort, et Marie, cause de salut ou cause de vie, est repris par saint Cyrille* de Jérusalem (36) et saint Jérôme* (37). Pour les Pères, Jésus est bien l’unique Sauveur, et cependant l’audace de leur doctrine mariale a de quoi surprendre parfois le lecteur d’aujourd’hui. Saint Epiphane* (38) applique à Marie le titre de Mère des vivants (39). Saint Jean Chrysostome* (40), dans son commentaire de Gen 3, 15, voit en la femme et sa race les ennemies perpétuelles du démon. Pour saint Ephrem*, Marie est « après le médiateur, la médiatrice du monde (41) ». Saint Ambroise* dit explicitement que Marie a engendré l’auteur du salut, opéré le salut de tous et conçu la rédemption de tous (42).

Du 5ème au 12ème siècle, les Pères affirment assez explicitement la maternité humaine et la médiation universelle de Marie. Pour saint Augustin*, Eve est cause de mort, Marie source de vie pour toute l’humanité. Il signale la coopération de charité donnée par Marie à notre rédemption (43). Pour saint Pierre* Chrysologue, Marie est « Mère des vivants par la grâce (44) » par opposition à Eve qui est « par la nature Mère de ceux qui sont morts ». Il laisse entendre que le message de l’Ange à l’Annonciation lui annonce qu’elle est associée au plan divin de la Rédemption (45).

Au 8ème siècle, saint Bède rappelle que la mort est entrée dans le monde par Eve et la vie par Marie (46). Saint André de Crète (+ 720) appelle Marie médiatrice de la grâce (47). Saint Germain de Constantinople (+730) affirme explicitement la médiation universelle de Marie : personne n’est racheté si ce n’est par la coopération de la Mère de Dieu (48) à la rédemption de son Fils. Jean d’Eubée (+744) montre la coopération de Marie à la Rédemption (49). Résumant comme à son habitude l’enseignement des Pères, Saint Jean Damascène (+754) enfin donna lui aussi à Marie le titre de Médiatrice. « Nous lui devons tous les biens accordés par Jésus-Christ » (50).

Saint Fulbert de Chartres (+1128) souligne le rôle du consentement de Marie dans l’accomplissement de notre Rédemption (51). Saint Anselme (+1109) montre que les bienfaits de la Rédemption sont venus par Marie :

« Dieu, qui a tout formé, s’est formé Lui-même du sein de Marie, et ainsi il a refait tout ce qu’il avait fait. Lui qui a pu tout faire de rien, n’a pas voulu refaire sans Marie sa création détruite. Dieu est donc le Père de toutes les choses crées, et Marie de toutes les choses recréées. Dieu est le Père de la création universelle et Marie la Mère de la rédemption universelle (52) ».

Et Eadmer (+1124) de préciser : c’est par ses mérites qu’elle a contribué à la Rédemption (53).

108. @ Le parallèle entre Eve et Marie après saint Bernard.
Pour saint Albert le Grand (13ème siècle), Marie est « associée au Christ » (coadiutrix et socia Christi). Dans son cœur, elle ressentit les souffrances de Jésus (54). Elle est associée à la Passion de son Fils, comme « une aide assortie (55) » pour l’œuvre du salut. Pour saint Thomas d’Aquin, le consentement de Marie à l’Annonciation a comme autorisé le mariage spirituel du Fils de Dieu et de la nature humaine : « Et voilà pourquoi l'annonciation demandait le consentement de la Vierge représentant toute la nature humaine (56) ».

Richard de Saint-Laurent, à la même époque, célèbre Marie « aide associée et dévouée à la rédemption du monde (57) ». Saint Bonaventure décrit poétiquement Marie devenue, par ses mérites, ses exemples et son intercession (58), la porte du Ciel.

Saint Bernardin de Sienne (+1444) verra bientôt dans le consentement de Marie une consécration de tout son être au sacrifice rédempteur. Cette consécration lui permit de bénéficier de la rédemption, non pour ses propres péchés, mais pour l’humanité entière (59). Selon Clichtove (+1543), Marie peut être appelée « rédemptrice et réparatrice » du genre humain, en raison de ses souffrances librement acceptées (60).

118. @ La coopération singulière de Marie à l’œuvre rédemptrice selon Jean-Paul II.
Quoi qu’il en soit, le « mode absolument singulier » de la coopération de Marie à l’œuvre de la Rédemption ouvre une nouvelle perspective doctrinale dans la compréhension du mystère du salut. Dans une lettre du 8 septembre 1986 au Cardinal Sin, Jean-Paul II citait deux passages de sa propre encyclique Redemptoris Mater pour montrer que d’une part la maternité de Marie a connu une transformation progressive et que d’autre part le Fils a lui même donné à l’homme sa Mère au pied de la croix :
« Au long du chemin de cette collaboration à l’œuvre de son Fils Rédempteur, la maternité même de Marie connaissait une transformation singulière, s'imprégnant toujours davantage de «charité ardente» envers tous ceux auxquels s'adressait la mission du Christ ». C’est cette « Mère que le Christ, dans le mystère de la Rédemption, a donnée à l'homme en la personne de l'Apôtre Jean. C'est pourquoi Marie, par sa nouvelle maternité dans l'Esprit, englobe tous et chacun dans l'Eglise, englobe aussi tous et chacun par l'Eglise ».
Ayant l’occasion de s’exprimer, le 4 juin 1995, devant la Congrégation des Sacrés-Cœurs (ORe 1395 :7), le pape rappellera que le vocabulaire du « cœur » permet d’exprimer le rôle dévolu au Fils et à la Mère en des termes qui en manifestent l’intériorité réciproque : « Entre les deux cœurs il y a un échange de dons dans le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption. »
Mais, surtout, la catéchèse de Jean-Paul II montre que la coopération singulière de Marie est la clef de voûte de son rôle dans l’économie du salut, « la finalité même de sa vocation surnaturelle impliquée dans sa maternité divine. L’association de Marie au sacrifice du Christ, qui fait d’elle comme ‘nouvelle Eve’ la mère des rachetés apparaît désormais de manière saisissante dans la catéchèse du pape, comme l’accomplissement parfait de son fiat ».

127. @ Le Rosaire et le Christ présent dans l’eucharistie.
Depuis le début du millénaire, Jean-Paul II ne cesse d’appeler l’Eglise à une contemplation du lumineux visage du Christ qui nous fasse accéder à la profondeur du mystère de son « cœur ». Or, du point de vue pratique, le Rosaire par « son déroulement répétitif constitue une sorte de pédagogie de l’amour, visant à enflammer le cœur du même amour que celui que Marie nourrit envers son Fils ». Le plus humble des fidèles s’y exerce alors, comme celle-ci, à « un regard pénétrant, capable de lire dans l’intimité de Jésus, jusqu’à en percevoir les sentiments cachés ». Or c’est tout particulièrement l’adoration eucharistique qui nous rend sensibles au délaissement actuel de Jésus. On comprend dès lors pourquoi l’Eglise a récemment rappelé que, contrairement à une idée reçue, elle pouvait se conjuguer avec la méditation des mystères du Rosaire (61).


Tableau des conciles œcuméniques. 1° version

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NOTES :

(1) Même si, sur certains points, nous estimons que l’auteur accorde peut-être trop de crédit à ces théologiens (cf. p. 127-128 ; 177-179). Nous reviendrons longuement dans le ch. 12 sur la question délicate de la conscience du Christ que l’auteur aborde p. 185-188.

(2) Sermons sur le Cantique. T. 2 (Sermons 16-32), Paris, 1998, p. 289.

(3) Pensées, éd. Brunschvicg, 583.

(4) Etym : souffrance du Père. Tendance hérétique des 2° et 3° siècles, dans la mouvance du modalisme qui, en n’affirmant pas suffisamment la distinction des personnes divines, aboutissait à dire que c’était l’unique personne divine, donc le Père qui a souffert en Jésus.

(5) Il n’y a certes pas deux personnes en Jésus. La Personne du Verbe est divine, incréée. Pourtant, parler de « personne humaine » à propos du Verbe incarné peut aussi avoir un intérêt, à condition de ne pas la comprendre comme une personne humaine distincte du Verbe. « C’est le Verbe qui est devenu personne humaine, sans cesser d’être Personne divine. Il semble que ce soit une expression valable et nécessaire du mystère de l’incarnation. Elle permet en outre de réfuter l’objection fondamentale… : comment Jésus serait-il un homme véritable, pleinement un homme s’il était dénué de ce qui fait la plus précieuse valeur d’un homme, la personnalité ? Si on répond qu’il a la personnalité divine, que signifie cette réponse ? Est-ce que l’homme-Jésus a la personnalité divine ? Cela ne peut s’entendre que de la manière qui a été dite : une personnalité qu’a un homme est une personnalité humaine ; il faut donc dire : la Personne divine, en s’incarnant, est devenue personne humaine sans cesser pour autant d’être Personne divine, la seconde Personne de la Trinité » (J. H. NICOLAS, Synthèse dogmatique, 340). Sur ce point, en prolongement de la position de saint Thomas, cf. J. P. Torrell, Le Verbe Incarné, T. 1, Paris, Cerf, 2002, 331.

(6) cf. les développements de Vatican II sur « la dignité de la personne humaine » dans Gaudium et Spes 12 et sv..

(7) K. RAHNER, H. VORGRIMLER, Petit dictionnaire de Théologie catholique, Paris, Seuil, 1970, article « personne », p. 358.

(8) Mais c’est le Verbe qui « possède, qui porte et fait subsister cette ‘nature’ » (Petit dictionnaire, 359).

(9) K. RAHNER, Petit dictionnaire de Théologie Catholique, p. 361.

(10) Th. Pol. 16, PG 91, 185D, 191B.

(11) Pyr, 289B.

(12) Pyr, 320D-324A.

(13) Pyr, 324A-B.

(24) Liturgie Cosmique, Aubier, Paris, 1947, p. 200 ; Kosmische Liturgie, 1961, p. 265.

(25) « substantielle » et « relationnelle », Pyr 304A.

(26) Kosmische Liturgie. Das Weltbild Maximus des Bekenners, zweite völlig veränderte Auflage, Einsiedeln, 1961, p. 252.

(27) Liturgie Cosmique, 1947, p. 201 ; Kosmische Liturgie, 1961, p. 266.

(28) Liturgie Cosmique, 1947, p. 200 ; Kosmische Liturgie, 1961, 265.

(29) Kosmische Liturgie, 1961, 265.

(30) Liturgie Cosmique, 1947, 201 ; Kosmische Liturgie, 1961, 266-267.

(31) Liturgie Cosmique, 1947, 200 ; Kosmische Liturgie, 1961, 265.

(32) Pyr, 305C12.

(33) Cf. PG 91, 80D-81A.

(34) D. 1515.

(35) F.C. 328, D. 434.

(36) Cat, XII, 5, 15 ; PG 33, 741AB.

(37) Epist., XXII, 21 ; PL 22, 408.

(38) Haer., LXXVIII, 18, PG, 42, 728CD-729AB.

(39) Cf. Gn 3, 20.

(40) In Gen., III, hom. XVII, 1. PG 53, 143.

(41) L’authenticité, affirmée par Lamy (1882-89) et Assémani (1740), n’est pas certaine. Voir DTC IX, II, 1927, col 2390.

(42) De instit. virg. XXI ; PL 16, 326 sq.

(43) De agone christiano, PL 40, 303.

(44) Serm., CXL, PL III, 573.

(45) Serm., CXLII. PL III, 579.

(46) Hom. 1, in festo Annunt., PL 44, 9 ; Homl. II in festo Visitationis B. M., col. 16 sq.

(47) In Nat. B.M., Hom. IV, col 865, dispensatrice et cause de la vie, In Dormitione S. M. col.1108.

(48) In Dorm. B.M., II, PG 48, 349.

(49) Sermo in concept. Deiparae, XXI, PG 49, 721.

(50) In Dorm. B. M., Hom. I,8, PG 46, 713.

(51) Serm. XLV De Annunc. PL 141, 336.

(52) Orat. XLVCII sq, LII sq, PL 158, 945 sq, 955, 959, 964. Cf. LH, 8 décembre.

(53) De excel. B.M. IX, XI, PL 159, 573, 577 sq.

(54) Mariale sive quaestiones super evang. Missus est, Q. XLII, Opera omnia, Paris 1898, t. XXXVII, p. 81.

(55) Cf. Gen 2, 18. G. FRENAUD, Etudes Mariales, 1957, La nouvelle Eve, t.4, « Adjutorium simile sibi » p. 39 sq.

(56) ST, III Qu.30 a. 1.

(57) RICHARD DE SAINT-LAURENT, De laudibus B. M., III, XIII, 5. Dans les Œuvres d’Albert le Grand, Lyon 1651, t. XXb, 96. devota coadjutrix ad mundi redemptionem.

(58) Sermo VI, de annunciatione BMV, Opera omnia, Quaracchi, 1901, t. IX, 705.

(59) Sermo. Pro festivitatibus V. Mariae, VIII a.1, C. III. Opera omnia, Paris, 1635, t. IV, p. 726.

(60) De dolore B.M.V. in passione Filii sui, XI sq, Paris, 1517, p 70 sq.

(61) Instruction Redemptionis Sacramentum, 25 mars 2004, n°137 : « En présence du Saint-Sacrement conservé ou exposé, il est possible aussi de prévoir la prière mariale du Rosaire, qui est merveilleuse ‘de simplicité et de profondeur’ (RV 16). Cependant, si on prie le Rosaire en présence du Saint-Sacrement, surtout s’il est exposé, il faut mettre en lumière la nature de cette prière en tant que contemplation des mystères de la vie du Christ Rédempteur et du dessein de salut du Père tout-puissant, en recourant principalement à des lectures choisies dans la Sainte Écriture ».



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