La Bible du Coeur de Jésus

Edouard Glotin

Presses de la Renaissance


Notes et Annexes

Introduction

Annexes
Haurietis Aquas
Le Coeur de Jésus et le Shabbat juif
Benoît XVI : Lettre au R.P. Kolvenbach (50° anniv. d'HA)
Benoît XVI : Message de Carême 2007

Commentaires
des illustrations

Fig. 1 à 11
Fig. 12 à 19
Fig. 20 à 29
Fig. 30 à 39
Fig. 40 à 49
Fig. 50 à 59
Fig. 60 à 69
Fig. 70 à 83

Notes
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
• Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12

Liste des sigles
Notes du chapitre 9

2. @ Les textes-sources du catalogue populaire.
[*** Prochainement en ligne ***]

3. @ La grande promesse.
[*** Prochainement en ligne ***]

4. @ Le message à Louis XIV.
La meilleure étude à ce jour demeure celle de B. PEYROUS, « Les messages de Marguerite-Marie à Louis XIV », Colloque 1990, 269-290. Ce dix-septièmiste s’appuie sur les travaux inédits de son maître R. Darricau, ainsi que sur un dépouillement systématique de la correspondance de Madame de Maintenon. La thèse de l’auteur rejoint celle de G. GUITTON, « Le Père de la Chaize a-t-il transmis à Louis XIV le message de sainte Marguerite-Marie ? », RAM 34 (1958) 326-330. Elle est menée selon les critères universitaires qui interdisent de conclure tant que l’argumentation ne peut se prévaloir de preuves matérielles positives : l’absence d’allusion dans la correspondance de Mme de Maintenon semble à l’auteur un argument négatif décisif. Tout en prenant en compte nous aussi les recherches des historiens, notre genre littéraire nous rend plus libre de leurs conclusions. Il n’est pas déraisonnable de s’en tenir à la tradition tant que n’ont pas été produits des arguments positifs qui l’infirment.

5. @ Une quatrième source : L 97.
La quatrième source, L 97 – qui contient la fameuse promesse : « Si tu crois, tu verras la puissance de mon Cœur » – témoigne des préoccupations du milieu dévot depuis des semaines. Le message proprement dit aurait été précédé de dialogues intimes entre Jésus et la sainte : l’idée d’une réparation des politiques de l’époque était la version parodienne des prières des dévots. VO4 2, 429 ; VO5 2, 328.
Cette lettre 97 (ms 9) témoigne qu’un désir surnaturel préparait l’âme de la sainte à recevoir la communication du 17 juin et qu’elle soupçonnait que les choses ne se feraient ni simplement, ni rapidement (« avec le temps », VO4 2, 429 ; VO5 2, 328).

8. @ Défaites militaires de la France.
Défaite de d’HUMIERES à Valcourt (août 1689). La paix de Ryswick viendra clore la guerre apparemment sans vainqueur, ni vaincu, mais en réalité avec une perte considérable de puissance de la France, qui désormais doit partager son hégémonie avec l’Angleterre.

10. @ Authenticité littéraire de la promesse.
Les copies de la lettre L 100 sont de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe. Quatre d’entre elles contiennent le message. Le fait que le ms 6 (le meilleur, dû à une ancienne novice de la sainte) fait exception suggère ici une omission volontaire. Si le ms était destiné à être communiqué au dehors, se serait-on risqué à rendre public des textes qui mettaient en cause la personne sacrée du roi ? Deux autres assez longs passages ne figurent d’ailleurs pas dans ce ms 6 : l’un contenait une allusion au confesseur du monastère de Dijon et l’autre, propre au ms D2, concernait la Mère de Saumaise. Comme si la copiste avait délibérément supprimé toutes les allusions personnelles. C’est ici qu’une comparaison plus précise des manuscrits, au niveau de l’ensemble des lettres de la sainte, nous fait cruellement défaut : elle pourrait peut-être établir les principes généraux qui guidaient chacune des copistes.

11. @ La « Gran Promessa » de Valladolid.
J.-B. COUDERC, Le V.P. Bernard François de Hoyos, Paris-Leipzig, Casterman, 1907, 148-149. M. PEREZ, El poder de los débiles, Madrid, Edapor, 1991. En l’espace de quelques mois, du début mai au 17 octobre, le jeune religieux reçut une étonnante série de visions au cours desquelles, souvent par l’intercession de saints jumelés (Pierre et Paul, Ignace et Xavier, François de Sales et Marguerite-Marie, Marguerite-Marie et Thérèse d’Avila), il entre progressivement dans toute la profondeur du mystère du Cœur de Jésus, y compris ses dimensions trinitaire et mariale.

21. @ Sourires amusés de quelques chancelleries européennes.
DANIEL-ROPS, L’Eglise des temps classiques 1, Paris, Fayard, 1958, 130 : « Les ambassadeurs protestants peuvent pouffer et Hugo van Groot, celui de Suède, envoyer à son chancelier, Axel Oxenstiern, un rapport qui le désopile. » Mais le Roi Très Chrétien, qui n’hésitait pas à renouveler publiquement chaque année le geste de son père, se serait-il laissé arrêter par le simple souvenir de telles réactions ?

26. @ L’authenticité du vœu de Louis XVI.
Sous le titre de « Prière de Louis XVI », le texte de ce vœu royal circula en Vendée pendant la Terreur. Du fait qu’il ne connut une large diffusion qu’à la Restauration, on a cru pouvoir en suspecter l’authenticité (P. GIRAULT DE COURSAC, Louis XVI, roi martyr ?, Paris, Téqui, 1976 ; Montm, 179-181). Or, en juin 1792, un des martyrs de septembre faisait déjà savoir à l’une de ses correspondantes (Mère Eléonore Thérèse de Jésus, prieure de Valenciennes) que « le vendredi de la fête du Sacré-Cœur de Jésus » – soit le 15 de ce mois-là – « le Roy a fait le vœu par lequel il se met et tout son royaume sous la protection de ce Cœur adorable, avec l’engagement de lui élever un temple en son honneur et d’ériger une fête solennelle lorsqu’il sera en état de le faire », - termes qui correspondent effectivement à ce que les dévots parisiens du Sacré-Cœur pouvaient avoir retenu d’un bouche à oreille clandestin (Montm, p. 1058-59 cite ce témoignage et d’autres que Pierre de la Chapelle, membre de la Société historique et archéologique du Périgord, a recueillis en faveur de l’authenticité du vœu émis par le Roi en juin 1792). L’autographe du Bienheureux Pierre-Nicolas Psalmon*, p.s.s., est conservé au Carmel de Sclerder, en Cornouailles (Selon les carmélites, le mauvais état du document ne permet pas une photocopie. J’ai travaillé sur une copie manuscrite provenant des archives sulpiciennes de Paris).

28. @ La peste de Marseille vue par Pagnol.
L’épidémie de peste qui ravagea Marseille en 1720 laissa des traces dans la mémoire, jusque dans la littérature, par exemple chez Marcel PAGNOL, Le Temps des Amours. Souvenirs d’enfance, ch. 9 : « Les pestiférés ». Mis à part le groupe de Maître Pancrace qui doit son salut à son astuce toute provençale, la peste frappe par son aspect inexorable. C’est la mort qui avance, invisible, et s’abat sur une cité heureuse et riante, emmenant son cortège de misères : cadavres, convois funèbres, tocsin, dévouements et lâchetés humaines, et pour finir incendie des quartiers pestiférés. La peste, écrivait un médecin d’alors, « est une maladie cruelle que l’on ne guérit pas, qui se communique, et dont les vrais préservatifs sont la flamme et la fuite ». Ou encore, d’après les auteurs consultés par Maître Pancrace : « les seuls remèdes vraiment efficaces étaient la Prière de saint Roch et la bénédiction de saint François ».

29. @ Le vœu de Marseille.
Délibération de Messieurs les échevins, cité par J.-J. LANGUET, La vie de la V. Mère Marguerite-Marie, Paris, Mazières et Garnier, 1729, 387, avec une série de documents de l’évêché de Marseille, 385-401. - Après la disparition du monastère, le maire se rend aujourd’hui à la cathédrale. Chaque 8 septembre, une cérémonie analogue continue d’avoir lieu à Lyon à ND de Fourvière, également pour remercier Marie d’avoir délivré la ville d’une peste : le maire y offre un écu d’or symbolique - Toulon se consacra. Aix-en-Provence fit le vœu de la célébration perpétuelle de la Fête (1721).

35. @ Bibliographie sur Hofer.
[*** Prochainement en ligne ***]

38. @ L’exemple contagieux de Montmartre.
Vg. Bruxelles, Barcelone, etc ; en France Lyon, Bordeaux, Nantes, etc. A Rome, à côté des Thermes, l’achèvement d’une basilique, dont le pape avait en 1878 confié l’entreprise aux jésuites fut menée à son terme par Don Bosco. A Jérusalem, ambitionné pendant la guerre de 1914-1918, le projet d’un « sanctuaire de l’univers au Sacré-Cœur pour la paix » ne put être mené à terme : ce qui subsiste du dessein primitif sur le Mont des Oliviers est aujourd’hui connu comme l’Eglise du Pater. J. BENOIST- A. MONTABONE, Découvrir la Prière au Cœur de Jésus, Paris, Salvator, 2004, 62 et 69-70.

44. @ Non exempte de compromissions politiques.
D. MENOZZI, “Liturgia e politica : l’introduzione della festa di Cristo Re”, Cristianesimo nella storia, Saggi in honore di G. Alberigo, 607-656; ID., “Regalità sociale di Cristo e secolarizzazione. Alle origini della Quas Primas”, Cristianismo nella storia 16 (1995) 79-113; ID., “Devozione al SC e instaurazione del regno sociale di Cristo : la politicizzazione del culto nella Chiesa ottocentesca”, Santi, cutlti, simboli, Turin, Rosenberg et Sellier, 1995, 161-195 ; Id. Sacro Cuore. Un culto tra devozione interiore et restaurazione cristiana della società, Roma, Viella, 2001.

46. @ Un malencontreux article de Regnabit.
G. et M. de NOAILLAT, « Le Sacré-Cœur et la conversion d’Israël » (Regnabit, avril 1921) se référaient dans cet article à un célèbre faux antisémite connu sous le nom de Protocoles des Sages de Sion (1903), dont on apprenait bientôt qu’il était l’œuvre selon les uns d’un journaliste britannique, selon les autres des services secrets russes (Sur les Protocoles, mon dossier judaïsme).

49. @ Louis XIV, un roi guerrier ?
Au Dauphin sur son lit de mort (26.08.1715) : « Ne m’imitez pas dans le goût que j’ai eu pour la guerre » (cf. Ph. ERLANGER, Louis XIV, Paris, Fayard, 672). Il ne faut cependant pas oublier qu’à l’époque « la guerre reste perçue comme un état naturel », la paix comme « une courte trêve » au sein des rapports tumultueux entre les dynasties européennes. Selon Ragnhild Hatton, l’une des meilleurs connaisseurs du règne, « rien ne distingue fondamentalement le roi de France des autres chefs d’Etat héréditaires de l’époque ». Il fut même plus que d’autres attaché à la parole donnée et encouragea les médiations étrangères (J.-C. PETITFILS, Louis XIV, Paris, Perrin, 1995, 319-321).

50. @ Le « fils aîné de mon Sacré-Cœur ».
Le message démarque un titre de fonction. Un des premiers gestes de Jean Sobieski entrant à Vienne avait été d’inviter par dépêche Louis et ses sujets à se réjouir avec toute la chrétienté ; car « le Roi très chrétien en est le premier prince, comme Fils aîné de l’Eglise ». G. GUITTON, Le Père de La Chaize confesseur de Louis XIV, Paris, Beauchesne 1959, T. 1, 162. C’est seulement dans sa 2e version que Marguerite-Marie traite le roi de « fidèle ami » du divin Cœur : là encore, le glissement est net quand le message passe de la bouche du Seigneur dans celle d’une Marguerite-Marie, pleine de respect pour la « sacré personne » du monarque. L 107. VO4 2, 457 ; VO5 2, 355.

51. @ Consécration et naissance de Louis XIV.
L’allusion était propre à toucher le cœur du roi. Il savait que le « miracle » de sa naissance était dû à la campagne des dévots (Marguerite du Saint-Sacrement, figure de proue de la dévotion à la Sainte-Enfance à laquelle elle venait de se consacrer en 1636, prophétie de Jeanne de Matel) et particulièrement à l’influence du Frère Fiacre (visions en octobre et novembre 1637, dont il avait fait part à la reine) Cf. R. LAURENTIN, Le vœu de Louis XIII. Passé ou avenir de la France, Paris, Œil, 1988, 54 et sv. L’hiver de son mariage, profitant d’une tournée en Provence, le roi avait fait le pèlerinage de Cotignac (lié aux visions du Frère Fiacre) pour rendre grâces - Louis étant né trois semaines après la consécration de son père (5 septembre), l’opinion publique avait fait un lien entre les deux événements. – Le message laisse entendre qu’en dépit de sa conversion morale et des efforts de son confesseur et de sa femme, « l’état de grâce » du souverain n’était pas encore véritablement acquis.

54. @ Le message gênait la politique de Louis XIV.
Quand on saura que parmi ceux qui incitaient Louis XIV* à assumer un rôle fédérateur figurait, à côté du philosophe Leibniz*, le pape en personne, on comprendra dans quel embarras se trouvait à l’époque La Chaize*. Continuellement pressé par Innocent XI* d’intervenir auprès de son royal dirigé (1), le jésuite savait que celui-ci n’admettait pas l’ingérence de son confesseur dans les affaires du royaume. Supposons maintenant que, par : « ennemis de la Sainte Eglise », il faille entendre principalement ces redoutables turcs, qui inquiétaient le milieu dévot. La mort du Bienheureux Innocent*, le 12 août, venait d’entrouvrir la porte à une relation neuve entre Rome et Paris. Or voici en provenance d’une mystique dont La Colombière avait garanti l’authenticité (2), un message propre à tirer d’affaire le diplomatique jésuite dans ses délicates fonctions (3) : en ne faisant apparemment que suggérer au roi de mettre à l’abri son salut éternel par le moyen d’un acte de consécration, il ne pourrait être accusé de déborder son rôle ; mais, en même temps, il le préparait discrètement à accueillir de nouvelles instances romaines pour libérer la Hongrie (4), - qui ne le sera totalement qu’en 1699… sans l’aide de la France et même contre elle.
Car, peindre « le Cœur adorable » dans ses étendards, c’était au fond accepter de devenir le nouveau Constantin* pour prendre la tête d’une vaste opération de défense de la chrétienté dangereusement attaquée sur ses terres : groupée autour du roi de France, l’Europe se serait portée à la rencontre de l’Ottoman non avec l’insigne des « croisés » que celui-ci honnissait, mais sous l’emblème d’un Cœur, autour duquel se serait faite l’union sacrée des nations catholiques (France, Autriche, Espagne, Pologne). Délivrées peut-être pour toujours de la menace récurrente de l’Islam, celles-ci auraient, ce jour-là, apposé leur signature à l’acte symbolique de la naissance de « l’Europe du cœur ». En ce cas, quelle que fût la « superbe » des autres princes chrétiens (5), la Providence divine se serait chargée de l’ « abattre », - la France ayant été spontanément propulsée à la tête de l’opération. La fierté du Roi Très Chrétien l’empêcha-t-elle de croire à la promesse du Seigneur (6) ? En tout cas, afin de peser à revers sur l’Autriche, il maintint son alliance avec le Turc et persista à privilégier les intérêts du Royaume sur ceux de l’Eglise, qui étaient en l’occurrence ceux de l’Europe. On voit que, relue à la source, l’histoire de l’apposition du Sacré-Cœur sur le drapeau français disqualifiait d’avance les tentatives modernes de récupération nationaliste (7).
Cf. A. Y. HARAN, Le lys et le globe. Messianisme dynastique et rêve impérial aux XVIe et XVIIe siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2000. Faute d’avoir pris la tête de l’opération de salut de l’Europe, Louis XIV aura laissé finalement à l’Empereur (bien que celui-ci y ait peu contribué personnellement) la gloire de la victoire, obtenant ainsi l’effet inverse de l’affaiblissement qu’il recherchait pour l’Autriche. V.-L. Tapié, « Europe et chrétienté. Idée chrétienne et gloire dynastique dans la politique européenne au moment du siège de Vienne (1683) », Gregorianum, 1961, 268-289.

55. @ Une occasion manquée ?
Il sera trop tard quand Louis XIV, l’année de sa mort, signera l’ordre de mission d’un ambassadeur à Rome chargé de proposer l’union des trois nations catholiques (France-Autriche-Espagne) « nécessaire au maintien de la paix en Europe » Cf. J.-C. PETITFILS, Louis XIV, Paris, Perrin, 1995, 668 : « La politique royale suivait un plan logique qui comblait d’aise les dévots. Face au nouveau danger du « parti protestant » des puissances nordiques, ce n’était pas l’Europe supranationale des Habsbourg que le roi tentait de promouvoir, mais l’Europe des Etats catholiques, sous la houlette de la France. » Cf. Ph. ERLANGER, Louis XIV, Fayard, 1965, 5e partie, § 23 : La chance perdue pour le XXe siècle, 660-663 : « Les instructions de ce diplomate rédigées par Torcy selon les directives du Roi, qui les signa le 3 janvier 1715, font rêver. Que de catastrophes l’humanité se serait peut-être épargnées si ce « grand dessein » avait été poursuivi ! […] La rivalité Bourbon-Habsbourg était, en effet, un anachronisme. Les malheurs des temps modernes vinrent de ce qu’elle se survécut artificiellement pendant un demi-siècle et, même ensuite, se perpétua sous la forme d’un préjugé tenace (note 1 : Jusqu’en 1917, quand l’Autriche offrit une paix séparée). […] Le Comte de Luc […] ne put arriver à Vienne qu’en juillet. Six semaines après, Louis XIV était mort et l’occasion perdue. Lorsqu’en 1756, Louis XV reprit enfin le plan de son aïeul, il était trop tard pour arrêter le processus qui menait inexorablement aux guerres mondiales. »

58. @ La France, nation choisie pour combattre l’irréligion ?
Sur cette relecture de l’histoire, cf. les jésuites Boylesve, Alet, etc. Cf. D. MENOZZI, … J. BENOIST, …

61. @ Le projet avorté de basilique internationale à Paray-le-Monial.
[*** Prochainement en ligne ***]

62. @ Le dossier historique.
Le minutieux dossier rassemblé par D. Menozzi (cf. ci-dessus : 44. @ Non exempte de compromissions politiques) témoigne de ces incessants arbitrages exercés par les papes. A notre sens, les conclusions de l’auteur s’appliquent davantage à la mentalité la plus commune chez les catholiques de l’époque qu’aux positions mesurées qu’après discussions adoptent finalement les papes à partir de Léon XIII. Sa sensibilité d’historien le rend plus sensible à la tonalité des expressions, forcément tributaires d’un contexte culturel, qu’à ce qu’elles véhiculent de justesse théologique. Il faut d’ailleurs lui rendre cette justice qu’il conclut heureusement (Menozzi, p. 202-204) sur le changement de ton de Jean-Paul II, à la fois ouvert à son époque et fidèle à ce que contient d’imprescriptible la position de l’Eglise.

65. @ Le Cœur de Jésus au centre de la création.
Le lien du Cœur de Jésus avec son règne social a été abondamment développé par la réflexion catholique du XIXe et du 20e siècles. La place centrale de ce Cœur dans le plan créateur de Dieu l’a moins été. Plus haut (8), on a cependant signalé deux noms : ceux de Félix Anizan* ou de Balthasar*, dans son Cœur du monde. Il faudrait leur ajouter ceux de Déodat de Basly* et de Jules Chevalier*. Avec l’école franciscaine, le premier voit le Christ comme l’exemplaire divin en fonction duquel, avant même le péché de l’homme, Dieu a pensé toute la création. Prolongeant la pensée du bienheureux Duns Scot*, le théologien français concluait : au centre de la création, le Christ, de toute éternité prédestiné à s’incarner ; au centre du Christ, son cœur, soleil divin enveloppant de ses rayons le ciel et la terre (9). Quant au fondateur des Missionnaires d’Issoudun, il avait l’intuition de la nature symbolique du cœur, faisant – dans tout homme d’abord, puis dans le Christ, homme parfait – le trait d’union entre le monde angélique et l’univers matériel (10). Au XVIIe, saint Jean Eudes* avait exprimé dans un contexte marial une idée voisine : « Le véritable Cœur de Marie, qui est Jésus, est le centre de tous les cœurs des hommes et des Anges (11). » Il avait même le premier – on le verra en son lieu (12) – développé une symbolique cosmique du Cœur de Jésus. « Cœur de feu, s’écriait-il, […] diffuse-toi dans tout l’univers (13) ».

71. @ JEAN XXIII et la « Nouvelle Pentecôte ».
JEAN XXIII, Constitution apostolique « Humanæ salutis », 25. 12.61, DC 1962, 104. Cette bulle d’indiction fut signée le matin de Noël et lue devant les quatre basiliques romaines. En affirmant que la prière pour une nouvelle Pentecôte montait quotidiennement d’un peu partout, Jean XXIII sous-entendait qu’elle exprimait un désir habitant, depuis quelque temps déjà, le cœur de l’Eglise. Pourtant que pouvait-il bien savoir à l’époque de la prophétie d’une Marthe Robin, qui, dans les années 30, entrevoyait l’éclosion d’une « Pentecôte d’amour » ? Ou de celle de la mystique mexicaine Concepcion de Armida, dont le journal spirituel mettait, dès 1916, l’annonce de cette « nouvelle Pentecôte » dans la bouche même du Seigneur (14) ? Par contre, le pape venait de béatifier Elena Guerra. Or c’était cette religieuse italienne qui avait poussé Léon XIII à inaugurer le XXe siècle en chantant lui-même le Veni Creator Spiritus au nom de toute l’Eglise, le 1er janvier 1901 (15). Mais surtout, Jean XXIII savait, pour l’avoir constaté de ses yeux, qu’une nouvelle manifestation de la Pentecôte était possible. Un témoin oculaire a rapporté que le futur pape Roncalli aimait à se rendre de temps en temps dans un village perdu de Tchécoslovaquie où d’humbles paysans, suite à un « réveil charismatique » dont ils avaient été gratifiés au XIe siècle, expérimentaient sans discontinuer, depuis des générations, les fruits de l’effusion de l’Esprit (16).

75. @ Le troisième secret de Fatima.
Les trois petits bergers avaient vu « le pape tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches ». DC 97 (2000) 675. Lors de la divulgation du secret, le Cardinal Sodano précisera : « La clé de lecture du texte ne peut que revêtir un caractère symbolique. Le pape « marchant péniblement vers la croix parmi les cadavres de personnes martyrisées (évêques, prêtres, religieux, religieuses et nombreux laïcs) tombe à terre comme mort, sous les coups d’une arme à feu ». DC 97 (2000) 675. Dans un long commentaire théologique, le Cardinal Ratzinger rejetait les « interprétations fatalistes » de ce secret. Si les personnes humaines y apparaissent « comme dans un miroir », c’est qu’il s’agit de symboles : « Les temps sont présentés de manière condensée : dans la vision, nous pouvons reconnaître le siècle écoulé comme le siècle des martyrs […]. Dans le chemin de croix de ce siècle, le Pape a un rôle spécial. Dans sa pénible montée sur la montagne, nous pouvons sans aucun doute trouver différents Papes qui, depuis Pie X, ont partagé les souffrances de ce siècle […] Dans la vision, le Pape aussi est tué sur la voie des martyrs. Lorsque, après l’attentat du 13 mai 1981, le pape se fit apporter le texte de la troisième partie du ‘secret’ 1, ne devait-il pas y reconnaître son propre destin ? Il a été très proche des portes de la mort […] Qu’ici une ‘main maternelle’ [Jean-Paul II] ait dévié la balle mortelle montre seulement encore une fois qu’il n’existe pas de destin immuable, que la foi et la prière sont des puissances qui peuvent influer sur l’histoire. » DC 97 (2000) 682.

78. @ Fatima et le nazisme.
Le 2 décembre 1940, Lucie écrivait à Pie XII que la protection dont jouirait le Portugal pendant les hostilités était la preuve des grâces que le Seigneur accorderait à d’autres nations si, comme lui, elles se consacraient au Cœur immaculé de Marie. En signe de gratitude pour la fin du conflit, le pape fit solennellement couronner la statue de la Cova da Iria le 13 mai 1946.

80. @ Extraits plus abondants des lettres de sœur Lucie.
[*** Prochainement en ligne ***]

83. @ Le processus consécratoire en Pologne.
Son origine polonaise prédisposait Jean-Paul II à mettre sa confiance dans ces actes répétés de consécration. A l’exemple du roi Louis XIII* vouant sa couronne à Marie (Abbeville, 1638), le roi Casimir*, deux décennies plus tard (Lwow, 1656), avait fait don de son royaume à la Reine du ciel pour la remercier de la victoire qu’il venait de remporter à Czestochowa sur les suédois. Mais, à la différence de la France, la Pologne du XXe siècle a inlassablement renouvelé sa consécration : le 27 juillet 1920 après la proclamation de son indépendance ; le 8 septembre 1946 après la défaite nazie ; le 26 août 1956 pour le tricentenaire du serment de Casimir ; le 3 mai 1966 à l’occasion du millénaire de la Pologne ; le 5 septembre 1971 enfin, sous la forme d’une consécration plus particulière des peuples slaves par les évêques polonais. A son premier voyage en Pologne, l’un des premiers gestes du nouveau pape fut de « confirmer tous [ces] actes de consécration » par un double renouvellement, les 4 et 6 juin 1979. Ces répétitions, à première vue obsessives, marquent en réalité une conviction bien ancrée dans la conscience du pape : la consécration est moins un acte ponctuel qu’un processus dans lequel peuples et individus sont appelés à s’immerger progressivement. Les faits du « printemps polonais » et les libérations intervenues en 1989 dans les pays de l’Est authentifient ce processus consécratoire et justifient son extension à l’Eglise entière.

91. @ L’origine du concept de « nouvelle évangélisation ».
En fait, l’expression date du tout début du pontificat de Jean-Paul II, car on la trouve déjà dans sa bouche lors de son premier voyage dans sa patrie : « Une nouvelle évangélisation est commencée, proclamait-il le 9 juin 1979 devant les travailleurs de Nowa Huta, une évangélisation qui ressemble à une deuxième annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même (17). » Dans son principe, on peut d’ailleurs faire remonter l’idée à 1974, où le futur pape en avait lui-même jeté les bases. Après le synode des évêques, c’est le cardinal Wojtyla, en effet, que Paul VI avait chargé de tracer le plan de ce qui allait devenir la grande charte de l’évangélisation dans le monde moderne. Or on lit au début de cette Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (8.12.75) : les évêques attendent du pape « un élan nouveau, capable de créer, dans une Eglise encore plus enracinée dans la force et la puissance immortelles de la Pentecôte, des temps nouveaux d’évangélisation (18). ».

110. @ La révolution non-violente du peuple philippin.
On pense ici à la révolution non-violente où, en février 1986, « en l’espace de soixante-dix-sept heures », le peuple philippin s’est libéré sans effusion de sang d’une dictature de quatorze ans : « Des millions de gens de tous milieux […] ont uni leurs mains et leurs cœurs dans une démonstration extraordinaire de force non violente […] Et derrière eux, au milieu d’eux, parfois littéralement devant eux se tenait l’Eglise. » Mgr FRANCISCO F. CLAVER, s.j. : « L’Eglise et la révolution : la solution philippine”, Etudes, 1986, 751.




NOTES :

(1) G. GUITTON, Le Père de La Chaize confesseur de Louis XIV, Paris, Beauchesne 1959, T. 1, 158.

(2) La Chaize avait été recteur de la Colombière au collège de la Trinité à Lyon, puis c’est lui qui étant son Supérieur provincial l’avait nommé à Paray (selon l’un des Pères de leur résidence, c’était en faveur d’une personne qui avait besoin de lui. On peut penser que La Chaize n’avait pas été étranger à sa nomination à Londres.

(3) G. Guitton n’a pas vu le lien au vœu, alors qu’il admet que La Chaize* ne peut pas, un jour ou l’autre avant 1689, ne pas avoir parlé au roi « de l’union entre les princes chrétiens… Le pressa-t-il de s’allier avec l’Autriche contre les turcs ? Nul ne saurait le dire ». G. GUITTON, Le Père de La Chaize confesseur de Louis XIV, Paris, Beauchesne 1959, T. 1, 161.

(4) La situation sera favorable en 1691 quand à la mort de Louvois, Louis XIV reprendra en mains la politique étrangère du Royaume (J.-C. PETITFILS, Louis XIV, Paris, Perrin, 1995, qui a pu intégrer les apports récents des historiens anglo-saxons) Thèse : c’est seulement à cette date que Louis n’est plus l’arbitre entre les ministres, mais concentre entre ses mains tous les pouvoirs). Un nouveau pontife, Innocent XII, s’installe à Rome en juillet de cette année-là (J.-C. PETITFILS, op. cit., 508 : « Avec le pontificat d’Innocent XII, l’entente fut parfaite : […] le pape oeuvra en faveur d’un rapprochement entre les belligérants.»).

(5) Qui sont les « ennemis » ? Comme souvent dans la prophétie biblique, les plans sont mêlés. Il semble qu’il faudrait distinguer la première catégorie d’ennemis – en l’occurrence au côté des belligérants protestants de la Ligue d’Augsbourg la maison d’Autriche et celle d’Espagne, ces « têtes » couronnées – et les « ennemis de la sainte Eglise », qui ne peuvent désigner des nations catholiques. De même il y a une ambiguïté sur le mot « armes », qui évoque d’abord le blason royal, et par conséquent la victoire promise pourrait n’être pas purement militaire : c’est unis dans la paix que les princes chrétiens se seraient portés à la rencontre du Turc. – Il reste qu’il est question de « tous les ennemis de la Sainte Eglise ». Faudrait-il y englober aussi les coalisés protestants de la Ligue ?

(6) Le message ménageait pourtant les susceptibilités royales ! Ce sont les autres princes chrétiens qui étaient qualifiés d’ « orgueilleux ». Le Très Chrétien était seulement invité à laisser le cœur de Jésus triompher du sien. et à proclamer dans sa consécration qu’il voulait, en son nom et celui des grands de la terre, réparer l’humiliation subie par Jésus devant Hérode et Pilate. Tout ceci s’inscrivait bien dans la continuité de la consécration de son père Louis XIII, cf. l’ouvrage de R. LAURENTIN, Le vœu de Louis XIII. Passé ou avenir de la France, Paris, Œil, 1988. Sur l’impression de douceur presque modeste que le roi laisse après la mort de Louvois à ses ministres et généraux, cf. J.-C. PETITFILS, Louis XIV, Paris, Perrin, 1995, 516 (on a l’impression qu’il faut distinguer le bonhomme et l’homme d’Etat se référant à sa gloire).

(7) A ma connaissance, la « critique interne » des termes du message telle je viens de la tenter à la double lumière du langage codé du Seigneur et des événements de la grande politique de l’époque n’a encore été entreprise par personne, - y compris par B. PEYROUS, « Les messages de Marguerite-Marie à Louis XIV », Colloque 1990, 269-290. Elle appelle donc corrections et compléments.

(8) Cf. Ch. 3, sect. 3.

(9) G. DE BECKER, Lexique pour la théologie du Cœur du Christ, Paris, 1978 ; art. BASLY, 44. Voir Déodat de Basly, Le Sacré Cœur, Paris-Lille, DDB., 1900, 60-64 (rééd.).

(10) J. CHEVALIER, Le Sacré Cœur de Jésus, Paris, 1883, 306-313.

(11) CA 2, 4 ; OC 6, 168.

(12) Cf. Ch. 10, sect. 2.

(13) Hymne de Matines de la Solennité du Cœur de Jésus : OC 11, 469. Traduction de P. MILCENT, Saint Jean Eudes, Paris, Cerf, 1985, 453.

(14) M.- M. PHILIPON, Conchita. Journal spirituel d’une mère de famille, Paris, DDB, 4e éd., 220.

(15) P. MANSFIELD, Comme une nouvelle Pentecôte, Ed. de l’Emmanuel, 1992, 29-31. Or c’est ce premier jour du XXe siècle, vers 23 h, qu’au Kansas Agnès Ozman se mit à parler en langues après l’imposition des mains du pasteur Charles Fox Parham, - événement considéré comme la naissance du pentecôtisme américain.

(16) P. MANSFIELD, op. cit. 27-29.

(17) DC 1979, 638

(18) EN 2



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