La Bible du Coeur de Jésus

Edouard Glotin

Presses de la Renaissance


Notes et Annexes

Introduction

Annexes
Haurietis Aquas
Le Coeur de Jésus et le Shabbat juif
Benoît XVI : Lettre au R.P. Kolvenbach (50° anniv. d'HA)
Benoît XVI : Message de Carême 2007

Commentaires
des illustrations

Fig. 1 à 11
Fig. 12 à 19
Fig. 20 à 29
Fig. 30 à 39
Fig. 40 à 49
Fig. 50 à 59
Fig. 60 à 69
Fig. 70 à 83

Notes
Prologue
• Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12

Liste des sigles
Notes du chapitre 1

1. @ Le Cœur de Jésus indivisiblement symbole et mystère.
Au contraire d’une tendance qui se faisait jour : dans les années 1950, deux jésuites (Fleming, Galot) proposaient « une dévotion simplifiée » au Cœur de Jésus : le mystère de l’Amour mais sans le cœur de chair. T.V. FLEMING, « Simplified devotion to the Sacred Heart », Thelogical studies 16(1955)270. J. GALOT, « Quel est l’objet de la dévotion au Sacré-Cœur ? », NRT 77 (1955) 924-938.
Jean Galot, par exemple, pensait trouver un remède à la désaffection qu’il constatait à l’époque chez les Occidentaux en distinguant deux sortes de dévotion : l’une envers la personne aimante de Jésus, l’autre envers son cœur de chair : « Celle-ci peut accompagner la dévotion au Sacré-Cœur à titre de dévotion subsidiaire, mais elle en est essentiellement distincte » (op. cit., 937). L’une s’impose donc à tout catholique, l’autre est facultative et laissée à la liberté de chacun. En effet, affirmait-il, « on se trouve devant une dualité d’objet : d’une part le cœur de chair et d’autre part l’amour » (op. cit., 928).
Galot faisait partie de cette génération de jeunes théologiens qui redécouvrait avec bonheur toute la force du récit évangélique et son livre Le cœur du Christ, DDB, 1956 (cité ici dans la 3e éd. de 1958) se présentera l’année suivante comme une relecture de la vie de Jésus recentrée sur l’amour de son « cœur », - le cœur désignant ici « toute sa personnalité en tant précisément qu’elle est foyer d’amour » (op. cit., 8). « Les évangélistes […] ont raconté la vie du Messie d’un point de vue objectif » (op. cit., 7). L’auteur, lui, se placera du point de vue de l’ « analyse psychologique » (op. cit., 7). Son introduction s’ouvre sur ces mots : « Découvrir les sentiments intimes de Jésus tels que l’évangile nous les raconte ou fait pressentir […], tel est le but de cette étude. »
Dans ces conditions, le « cœur » n’est plus qu’une métaphore pour dire l’amour. L’auteur manquait la véritable notion du symbole, - celle où l’image corporelle est intérieure à la représentation de la réalité spirituelle et ne fait qu’un avec elle. Certes son article de 1955 se concluait sur la valeur symbolique de la plaie du côté de Jésus, conformément au récit de Jn 19, 31-37. Mais, dans son livre de 1956 (op. cit., 125), il fera la part bien mince à la contemplation du Transpercé que le Disciple Bien-aimé avait prophétisée des générations à venir (Jn 19, 37): essentiellement une quinzaine de lignes d’un ouvrage qui en contient plus de 250.
Toute notre étude se situe au contraire dans la perspective de l’encyclique Haurietis Aquas. Avant même l’éclosion du mouvement symboliste moderne, le document de Pie XII rappelait de multiples façons que sans la médiation d’un « objet symbolique » (le cœur physique) on ne peut parler de « culte spécifique » rendu au Cœur de Jésus.
Contrairement à ce que je sous-entendais dans mon mémoire de licence (« Le mystère du Cœur de Jésus », Carnets du Sacré-Cœur, Montréal, 1959, n°2, p. 32), il n’est pas nécessaire que les auteurs de l’Encyclique aient expressément voulu réagir contre les idées de Fleming et de Galot. Il leur suffisait de prendre acte de ce qui avait été depuis trois siècles la pratique de la dévotion au Sacré-Cœur : la demande du Seigneur à Marguerite-Marie que la dévotion à l’amour passe par le culte d’une image. Et le peuple chrétien ne s’y était pas trompé.

2. @ Le désenchantement du monde actuel.
Le monde des peuples primitifs est un monde plein de présences dont l’homme se sent ensorcelé (verzaubert). Pour caractériser l’approche sécularisante des modernes, le philosophe Max Weber avait utilisé le terme Entzaüberung, que, dans un livre à succès, Marcel Gauchet a traduit littéralement par « désenchantement » (ce qui ne correspond pas au sens français du mot qui équivaut à « désillusion ») : M. GAUCHET, Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985. Le retour actuel du religieux donnerait plutôt raison à l’approche du collectif réalisé sous la direction d’un des meilleurs sociologues américains. [P.L. BERGER], Le réenchantement du monde, Paris, Bayard, 2001. Selon les co-auteurs, « le monde actuel est massivement religieux ; il est tout sauf le monde sécularisé qui avait été annoncé » (p. 24). A ce constat deux exceptions : l’une « apparente », qui est l’Europe occidentale (p.24), l’autre « beaucoup moins ambiguë », celle d’ « une sous-culture internationale […], « culture d’une élite ‘globalisée’ » […], « celles de gens qui ont reçu une éducation supérieure de type occidental, et en particulier en humanités et sciences sociales » (p. 26).

5. @ Le symbole savant, opérateur logique.
Sur la définition du terme, voir le vocabulaire en fin de notre ouvrage : Logiques (opérateurs). Le premier exemple d’un riche système d’opérateurs facilitant le raisonnement logique est sans doute l’algèbre de Georges Boole (1815-1864). Boole a cherché à élaborer des « tables de vérité » et des « portes logiques » pour donner une base mathématique au raisonnement. Chaque opérateur est doté de son symbole.

9. @ Fragilité du rapport symbolique.
« La notion d’échange reste très présente quand il s’agit d’une « convention » passée entre deux pays. C’est en revanche sur l’identité des acteurs que l’on pointe quand le symbolon prend le sens d’emblème religieux, l’insigne des dieux, ou militaire, comme l’enseigne, l’uniforme (sur l’histoire de la notion, cf. R. Alleau, La science des symboles, Paris, 1977, 32-35). On peut noter que, dans cette évolution du terme, c’est l’acte de mettre en rapport, indiquant la mise en présence de deux parties, en leur altérité, qui est le plus fragile. La pensée se déplace sur la chose même qui est mise en rapport, avec le risque de laisser échapper le rapport » (F. Marty, DSAM, 14, 1366).

19. @ Les « sessions sur la fonction symbolique » de J.-Fr. Froger.
Ce premier chapitre doit beaucoup à Jean-François Froger et à ses sessions d’initiation à la fonction symbolique. Je lui dois en particulier son insistance sur le réalisme de la fonction symbolique. La véritable opération symbolique s’enracine dans un objet bien réel. Elle consiste en une véritable expérience spirituelle : une longue contemplation de l’objet est indispensable pour que s’en dégage son sens symbolique. La seule question que me pose l’approche de Jean-François est son insistance à dégager de chaque objet une seule « signification symbolique » possible. J’ai peur que cette « univocité » soit « réductrice ». La seule chose qui distinguerait alors la symbolique d’un système de « concepts », ce serait son point de départ dans l’objet concret.
En Angleterre, on peut signaler les sessions de Pamela Hayes, rscj. Voir P. HAYES, The Heart is a Sacred Space. A reflection for 2000 AD, Middlegreen (UK), St-Paul, 1995.

20. @ Marcel Jousse.
C‘est en particulier l’observation des Indiens d’Amérique auprès desquels il eut l’occasion de séjourner longuement qui convainquit le jésuite français des multiples possibilités d’expression du geste. Jousse lui-même n’aurait, semble-t-il, jamais enseigné que les auditeurs de Jésus « gestuaient » proprement la parole. Mais, dans notre civilisation occidentale, il est important de redécouvrir que geste et parole ont partie liée.

22. @ Joseph Wresinski (1917-1988) et l’ATD Quart Monde.
L’abbé Pierre et le Père Joseph ont commencé par travailler ensemble. Puis ces deux fortes personnalités se sont séparées. Le P. Joseph voulut toujours associer à son action concrète sur le terrain la réflexion sociologique et il s’entoura donc de spécialistes. Ceux-ci enquêtaient sur la réalité et les causes de la misère et rédigeaient des rapports pour peser sur les décisions des pouvoirs publics. Le mouvement est l’initiateur du mot « Quart-Monde », qui désigne les pauvres de nos pays riches.
L’ouvrage fondamental sur le personnage est : Le Père Joseph. Les pauvres sont l’Eglise. Entretiens avec Gilles Anouil, Paris, Centurion, 1983. De lui on possède aussi Heureux vous les pauvres !, Paris, Cana, 1984. Les pauvres, rencontre du vrai Dieu, Paris, Cerf, 1986. Sur lui on lira : Th. MONFILS, Le Père Joseph Wresinski, Ed. Culture et vérité, 1994. Voir aussi les pages que lui a consacrées Ch.-A. BERNARD dans Le Dieu des Mystiques, t. 3 : Mystique et action, Paris, Cerf, 2000.
La cause de béatification est en vue.

23. @ La Communauté du Sappel.
La riche personnalité du P. Joseph arrivait à maintenir au mouvement un caractère laïc tout en y donnant sa place à des sessions de spiritualité chrétienne, à des pèlerinages Quart-Monde à Lourdes, voire à l’expression charismatique de la foi.
Peu de temps après la mort du fondateur, les plus engagés dans le Renouveau, trouvant de moins en moins leur place dans le mouvement, durent s’en séparer pour fonder la communauté du Sappel. Tout en gardant pleinement l’esprit du P. Joseph, le but de cette branche autonome est de favoriser l’éclosion de groupes de prière en Quart-Monde.
Essentiellement animé par deux diacres et leurs épouses, la Communauté a son centre en région lyonnaise. Elle continue la tradition de Lourdes (Bernadette est la patronne du Quart-Monde) et, en semaine sainte, a eu l’initiative d’un Chemin de croix du Quart Monde (celui-ci a donné naissance a un album de dessins, dont la publication serait proche). Elle poursuit des réunions de prière et prend en charge des jeunes du Quart-Monde. Elle dispose d’un bulletin de liaison Le Sappel. Chrétiens du Quart Monde. Communauté du Sappel, Grange Neuve, 38200 CHUZELLES.

25. @ Les deux registres de la nature et de la culture.
A titre d’exemple, voici la définition de la culture que donne un linguiste moderne : « J’appelle culture le milieu humain, tout ce qui, par-delà l’accomplissement des fonctions biologiques [la nature], donne à la vie humaine forme, sens et contenu. […]. Elle consiste en une foule de notions et de prescriptions, aussi en des interdits spécifiques […]. Le monde animal ne connaît pas de prohibition. » E. BENVENISTE, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, t. 1, 1966, 30. Sur la valeur positive des interdits dans la vie en société, voir l’ouvrage récent de Michel FIZE, Les interdits, fondements de la liberté, Paris, Presses de la Renaissance, 2004.
C’est l’anthropologie structuraliste qui s’est le plus intéressé au passage de la nature à la culture : « Le ‘lieu’ où il prospère est la frontière de ce que nous convenons d’appeler ‘nature’ et ‘culture’. » Y.SIMONIS, Claude Lévi Strauss ou la passion de l’inceste, Paris, Aubier-Montaigne, 1968, 307. Claude Lévi-Strauss est sans doute l’un des ethnologues qui s’est le plus intéressé au passage de la nature à la culture. Par ex., dans son ouvrage au titre inattendu Le cru et le cuit, 1964, il situe ce passage par rapport à la découverte du feu. Mais c’est dans la probihition de l’inceste qu’ « il voit le ‘lieu’ précis du passage de la nature à la culture » (op. cit., 38).

27. @ Les pèlerins danseurs : un itinéraire symboliste de l’éveil spirituel.
Cet itinéraire symboliste a été décrit p. 32-34 dans le premier des Cahiers « Pierres vivantes », publiés par le Mouvement.
L’originalité de Michaëlle est d’avoir su tracer à ses disciples un véritable itinéraire symboliste de l’éveil spirituel. Son intuition originelle fut celle de « douze exercices progressifs de base qui s’encastraient les uns dans les autres, déliant corporellement et spirituellement la personne humaine » (M. DOMAIN, Mon jardin après la pluie, coll. « Pourquoi je vis », Paris, Cerf, 1984, 154). Mais, dès l’automne 1978, au contact des premiers versets de saint Marc, une inspiration soudaine allait transformer ces douze exercices en un programme pédagogique de douze « sentiers » (Mc 1,3), où il s’agissait désormais de se laisser saisir, corps et âme, par le Christ. Ainsi, par exemple, dès le premier sentier, l’exercice, en salle, de la marche consciente et de la relaxation devenait-il libre démarche de « conversion » vers Dieu et d’abandon à sa grâce. Toujours en l’intégrant au pèlerinage intérieur, les cahiers Pierres vivantes (Secrétaires de l’ACOPD : Marcelle MOLHERAT, 40 rue du Puits Martel 63100 CLERMONT-FD, Suzanne ZOBLER, 1, avenue de Villars 63400 CHAMALIERES) travaillent aujourd’hui à la mise en place du geste fondateur dans l’espace et le temps symboliques : bilatéralité, verticalité, respiration, élan vital, rythme en sont les principales étapes. Ces exercices de base sont la meilleure préparation à la seconde phase de l’itinéraire qui fera entrer plus explicitement le « pèlerin » à l’intime de l’expérience chrétienne, - sans toutefois que l’on puisse prédire à quel moment se situera pour chacun l’éveil décisif.
Tout au long de ces sentiers, la pédagogie des Pèlerins danseurs débouche sur une revivification de l’acte liturgique, si bien qu’aux JMJ de 1997 une messe leur fut confiée : le geste fondamental est alors celui qui fait passer chacun de la peur d’Adam qui se cache à l’unité du Pain partagé. Si l’invocation personnelle du Nom de Jésus avait introduit Michaëlle au « lieu du Cœur », c’est au cours d’une eucharistie concélébrée qu’elle réalisa comment toute sa gestuelle partait de ce lieu corporel de la « grotte du cœur », salle de rendez-vous de l’Esprit avec la chair.

29. @ Pèlerinage intérieur et guérison physique.
GULSHAN ESTHER, Dieu était si lointain, Genève, Eau vive, 1984, p. 78-79, avant d’être miraculeusement guérie par Jésus de sa paralysie. Déçue de n’avoir pas été exaucée à la Mecque en dépit des assurances paternelles, « je ressentais toujours cette ardeur dont j’avais été témoin à la Kaaba et j’étais vaguement consciente que, pour certains privilégiés, il existait un voyage – comme le voyage du cœur soufi – dont le pèlerinage à La Mecque était le symbole visible. [..] En entendant l’appel du muezzin, c’est avec une vision claire que je me prosternais, soutenue par Salima, sur mon tapis de prière. Cette ferveur ne provenait pas de ce qu’on m’avait enseigné, mais d’un besoin authentique. A plusieurs reprises pendant la journée, ne connaissant pas d’autres moyens de prier pour ma guérison, j’égrenais le chapelet que j’avais rapporté de Médine et répétais le mot Bismillah (= « be shem Allah ») à chaque grain. Dans mon ignorance de la volonté de Dieu à cet égard, je continuais à dire mes prières mécaniquement sans voir de résultat, prête à la faire tout le reste de ma vie ».

32. @ Certains cependant opposent signe et symbole.
Il est vrai qu’une distinction est à faire, mais elle n’est pas d’opposition. Au sens, où philosophiquement, l’espèce est une subdivision du genre, le symbole est une « espèce » du signe. Tel est le positionnement du symbole adopté, par exemple, par l’un des maîtres les plus clairs de l’école herméneutique moderne tel que Ricoeur.
Mais, en matière de symbolique, il faut remarquer les différences parfois contradictoires qui apparaissent dans les définitions. J. VIDAL, Symboles et religions, Louvain-la-Neuve, 1990, 212 les croit complémentaires à condition d’adopter quatre points de vue qu’exposera notre chap. 2. Or nous montrerons dans ce chap. 2 que la vraie notion de symbole doit vérifier cumulativement ces quatre points de vue.
Il nous semble que la vague structuraliste n’a pas peu contribué à embrouiller les choses. On a voulu que toute pensée et tout langage soient symboliques. Il suffirait de la relation simple de signifiant à signifié. Ferdinand de Saussure, le fondateur de la linguistique moderne, avait tout simplement éliminé le symbole. Après lui, il y aura comme deux écoles : celle qui oppose symbole et signe (au sens où je l’ai dit), celle qui tend à les confondre.
On prend, par exemple, un point de vue génétique, qui en soi n’est pas faux : l’homme est un animal symbolisant (qui, à la différence de l’animal, perçoit les sons, ex. : « couché », autrement que de simple signaux). Puis, confondant symbole et signe, on en conclut que tout langage est symbolique. Voir, par exemple, E. BENVENISTE, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, t. 1, 1966, 28-31.

34. @ La métaphore.
Selon le mot de Bossuet, les métaphores sont des « similitudes abrégées ». Les manuels scolaires la définissent comme une « comparaison sans terme comparatif » (par ex : comme) : « Tu es mon lion superbe et généreux », écrit Victor Hugo dans Hernani. Autres définitions anciennes : la métaphore est « une similitude abrégée et une comparaison en un mot » (BOUHOURS, Entretiens d’Ariste, fin XVIIe). C’est « une figure par laquelle on transporte pour ainsi dire la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison qu’on a dans l’esprit » (DUMARS, début XVIIIe).
Dans La métaphore vive, Paul Ricoeur a longuement étudié le destin du mot depuis la définition philosophique d’Aristote (commune à sa Rhétorique et à sa Poétique) : « La métaphore est le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre, transport ou du genre à l’espèce, ou de l’espèce au genre ou de l’espèce à l’espèce ou d’après le rapport d’analogie. »



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