La Bible du Coeur de Jésus

Edouard Glotin

Presses de la Renaissance


Notes et Annexes

Introduction

Annexes
Haurietis Aquas
Le Coeur de Jésus et le Shabbat juif
Benoît XVI : Lettre au R.P. Kolvenbach (50° anniv. d'HA)
Benoît XVI : Message de Carême 2007

Commentaires
des illustrations

Fig. 1 à 11
Fig. 12 à 19
Fig. 20 à 29
Fig. 30 à 39
Fig. 40 à 49
Fig. 50 à 59
Fig. 60 à 69
Fig. 70 à 83

Notes
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
• Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12

Liste des sigles
Notes du chapitre 3

1. @ L’emploi du mot « cœur » dans le concile Vatican II.
119 fois, ce qui est considérable pour un concile. 5 fois le cœur du Christ ; 114 fois le cœur de l’homme. Voir J. G. BOVENMAERS, Biblical spirituality of the Heart, New York, Alba House, 1991, p. X et 180-181.

3. @ Le “coeur” hébraïque.
Voir liste en appendice de J.G. BOVENMAERS, Biblical spirituality of the Heart, New York, Alba House, 1991, 199-204.

5. @ Cœur et os.
Cette profondeur du cœur, plus secrète encore que celle des os, n’échappe pas au regard de son Créateur (1Sm 16, 7 ; Is 29, 13), même si le mensonge ou la dissimulation peuvent donner le change à autrui : « l’être (anthropos) caché du cœur » (1P 3, 4), c’est celui que rien ne peut farder aux yeux de Dieu.

6. @ Cœur, langue, main.
B. de Geradon, Le cœur, la langue, les mains, Paris, 1974 ; P. MOURLON-BEERNAERT, s.j., Cœur-langue-mains dans la Bible. Un langage sur l’homme, Cahiers évangile n° 46, Paris, Cerf, déc. 1983.

7. @ L’opposition visage/coeur.
Plus contemplative, mais du même ordre, l’opposition du VISAGE et du cœur connote plus directement encore celle du visible et de l’invisible. L’homme est structurellement un être biface : le cœur en est la face cachée, mystérieusement tournée - parfois à l’insu du sujet lui-même – vers Dieu.

9. @ Le « cœur » dans certaines étymologies africaines.
Eric LONGUEMARE. Etude non publiée. « Le cœur dans les langues de l’Afrique subsaharienne ». Chap. II, « Le cœur dans les langues des Plateaux d’Afrique Centrale », Art.II « Langues Nilo-saharien, groupe soudanais central, sous-groupe Sara-Bongo-Baguirmien » § 2 : « Mbai », p. 13. « Le cœur se dit ngar Kam, ce qui se traduit littéralement “par chef de l’intérieur”. Nous reconnaissons le deuxième mot, kam, proche de kèm-en Sar, qui désigne l’intérieur, le ventre. Ngar veut dire chef. Le cœur est donc considéré en Mbai comme le siège de la volonté ; c’est lui décide, la décision étant une faculté propre au chef ».

12. @ Le cœur dans les grandes civilisations anciennes.
Sur tous ces points, voir EC 1950, DDB, 1950. J. DORESSE, « Le cœur et les anciens Egyptiens, p. 82-87 ; SWAMI ADIDEVANANDA, « La notion de cœur dans la vie spirituelle de l’Inde » p. 88-95. Voir aussi Harri HOLMA, Die Namen der Körperteile im Assyrisch-Babylonischen, eine lexikalisch-etymologische Studie, Helsinki, Suomalaisen Tiedeakatemian Kustantama, 1911.

14. @ Le foie, un équivalent archaïque du cœur ?
Attesté seulement dans un cantique prémonarchique (Gn 49, 6) et conjecturé par certains exégètes dans 5 antiques pièces des deux collections ‘davidiques’ du psautier (Ps 7, 6 ; 16, 9 ; 30, 13 ; 57, 9 = 108, 2), l’usage anthropologique du foie (kâbêd) semble un archaïsme, d’ailleurs éliminé par la massore et (sauf en Gn 49, 6) par les LXX, en profitant de l’homonymie des consonnes radicales des mots foie et gloire (kâbôd). Sur ce point, ‘l’hébreu n’a pas suivi l’akkadien’ et son usage métaphorique du foie (Dhorme). L’élimination culturelle du foie, pourtant considérablement valorisé chez les peuples méditerranéens (Romains, Grecs, Etrusques, Babyloniens) et jusqu’en Chine par la pratique divinatoire des haruspices, traduirait le réflexe d’auto-préservation de l’identité juive face d’abord aux cultes cananéens, puis à la religion chaldéenne (Le Goff). La prescription répétée, sous forme souvent stéréotypée, de l’Exode et du Lévitique de ‘faire fumer’ devant le Seigneur le lobe du foie des victimes sacrées aurait peut-être été destinée à soustraire cette partie de l’animal à l’hépatomancie (Lv 3, 4, note TOB). – Dans la même ligne polémique, à noter qu’à l’époque perse, le Livre de Tobie (6, 5-8 ; 8, 2) associera, comme remède antidémoniaque, la combustion du cœur à celle du foie du poisson, lequel, dans la littérature chrétienne postérieure, symbolisera le Christ.
En ce qui concerne le Coran, L. MASSIGNON, « Le cœur (Al–Qalb) dans la prière et la méditation musulmanes », EC 1950, p. 96 note que le mot « foie (fu’âd) », synonyme atténué du cœur, n’y figure que 16 fois, contre 131 emplois du mot « cœur (qalb) ».

15. @ Le cœur avait-il déjà « rendu l’âme » ?
« L’évènement décisif dans cette histoire des noms du cœur est l’avènement en Grèce de l’esprit philosophique ; or celui-ci est essentiellement esprit de discrimination et de différentiation ; dans la masse confuse des faits de conscience uniformément situés dans l’intérieur de l’homme, et plus spécialement dans le cœur ou les régions voisines, par une mentalité séculaire, l’esprit grec va distinguer, classer, localiser diversement » (A. GUILLAUMONT, ES 1950, 53-54). Sur Homère et Hésiode, A. GUILLAUMONT, « Les sens des noms du cœur dans l’Antiquité », ES 1950, 52-53, sur Platon et ses successeurs, 54-57, sur Aristote, 58.

16. @ Le platonisme des Pères et la notion biblique du cœur.
Il est vrai que nous ne savons pas ce que le Pseudo Denys aurait dit dans une Théologie symbolique, qui ne nous est pas parvenue ou qui, peut-être, est simplement demeurée à l’état de projet. Pour une vue d’ensemble, A. GUILLAUMONT, « Les sens des noms du cœur dans l’Antiquité », ES 1950, p. 67 et sv..

20. @ L’outil de l’analogie » chez saint Thomas.
Tout d’abord, rappelons-nous qu’il applique la catégorie de l’analogie dans un cadre aristotélicien : elle explique alors, avons-nous dit, qu’un organe corporel puisse « signifier » (càd. symboliser) une réalité purement spirituelle, intérieure pourtant elle-aussi au composé humain.
L’équivalence du cœur et de l’esprit est justifiée, comme celle de la volonté, par une stricte « analogie de proportionnalité »

« La raison supérieure (ou mens) est à la vie spirituelle ce que le cœur est à la vie corporelle. »
Or qu’est le cœur physique en bon aristotélisme, sinon le « principe » de cette vie corporelle ? On en déduira donc « analogiquement » que le cœur-esprit - comme c’est aussi le cas du cœur-volonté - est le « principe » de la vie spirituelle. Le « cœur » biblique a bien pour fonction de désigner la source de la personnalité humaine ; mais, en distinguant plus clairement les plans, l’analogie aide à sauvegarder la nature spirituelle de l’âme.

22. @ L’âme spirituelle, premier principe de tout l’être vivant.
Distinguer l’âme comme « premier moteur » hors de la série empirique et le cœur comme premier de la série homogène des mouvements vitaux du corps.
Pour Thomas d’Aquin, à la suite d’Aristote, l’âme est « forme » et « acte » du corps d’un être vivant. Techniquement, elle se définit comme « acte premier d’un corps en puissance à vivre » ou encore : « acte premier d’un corps organisé » (Commentaire du Traité de l’âme d’Aristote par Thomas d’Aquin, Livre II, leçon 1, n° 229 et sq.). Il y a donc âme aussi bien de la carotte que du lapin et de l’enfant. Tout être vivant est animé, ce qui le distingue de l’objet inerte. Etre animé signifie avoir de façon substantielle le principe intime de sa propre motion. Un caillou est mû, un cheval se meut. L’effet premier de l’âme est la vie biologique : assimilation, restauration et croissance de l’organisme, et reproduction. Chez l’animal, elle ajoute toutes les opérations de la sensibilité, du désir instinctif et de la locomotion. L’âme, dans sa conception philosophique, n’est donc pas nécessairement un principe spirituel. Mais chez l’homme, on constate sa nature différente des autres vivants, par sa faculté de poser des opérations intellectuelles et volontaires indépendantes de tout conditionnement organique et matériel. Cela ne fait pas de l’âme humaine un esprit, car elle demeure essentiellement forme du corps humain (c’est pour saint Thomas un argument important pour justifier la résurrection des corps), mais elle dépasse les seules potentialités physiques par des facultés proprement spirituelles. Par son âme, l’homme est à peine moins qu’un ange et infiniment plus que le reste de la Création.
Le dernier relent de platonisme sera éliminé à la fin du 14e lorsque le concile de Vienne (1312) précisera contre Olivi que c’est bien l’âme intellective (et non seulement l’âme végétative) qui informe le corps. (D 902).

24. @ Le cœur, « sacrement » de l’âme.
Bien sûr, on se place ici au plan symbolique. Car, à parler plus précisément, l’organe cardiaque n’est principe de vie qu’en un sens dérivé et second : c’est l’âme (anima), en tant que principe d’unité de l’organisme, qui est radicalement le « premier principe » immanent de toute vie. Quel rapport exact le cœur de l’homme entretient-il donc avec son âme personnelle ? Il n’en est pas à proprement parler le « siège », pas plus qu’aucun autre organe, car, à cette époque, il est devenu clair pour tous, comme ce l’était déjà pour Grégoire de Nysse ou Augustin, que l’âme est immanente à la totalité corporelle comme telle : à ce titre, nous l’avons dit, elle imprime sa « marque » - on disait : elle l’ « informe » - sur chaque organe et chaque cellule du corps. A partir de ce principe, il est possible de préciser encore le rapport symbolique qui unit le cœur et l’âme.
Le cœur en effet conserve un privilège sur tous les autres organes : « L’âme n’est pas en toute partie du corps selon toutes ses puissances, mais elle est ‘dans la partie du corps qui est proportionnée à l’opération de cette puissance’. Elle est par la vue dans l’œil, par l’ouïe dans l’oreille… En ce sens, il est légitime de dire – et saint Thomas ne s’en prive pas – que l’âme informe à titre principal le cœur, centre du dynamisme vital qui parcourt le corps. On peut alors affirmer que le cœur joue, pour ce qui est de l’activité vitale, un rôle pour ainsi dire médiateur entre l’âme et l’ensemble de l’organisme : ‘Le cœur reçoit la vie de l’âme et la transmet au corps, à la façon d’un intermédiaire (medium) entre l’âme et le corps »(S.T. BONINO, « Le cœur selon Saint Thomas d’Aquin », Colloque 1999, 132-133). L’exégète dominicain cité ici en conclurait volontiers que, s’il n’y a pas à proprement parler de « siège » de l’âme, du moins Thomas a-t-il établi en quel sens le symbole du cœur en « est en quelque sorte le signe et le sacrement au milieu du corps » (S.T. BONINO, « Le cœur selon Saint Thomas d’Aquin », Colloque 1999, 140, note 67).

29. @ Le cœur, « soleil » de la vie animale.
Traduit en termes symboliques, la prééminence du cœur est depuis longtemps comparée à celle du soleil. Dans la civilisation greco-latine, le soleil est le Cœur du monde. « Dispensateur de lumière, chante Proclos, ô maître qui détiens la clé de la source entretenant la vie […], occupant au dessus de l’Ether le trône du milieu et ayant pour figure un cercle éblouissant qui est le Cœur du monde, tu remplis tout d’une providence capable de réveiller l’intelligence (Hymnes, I, au dieu Soleil, 3-22 et In. Tim. 171CD). » « Le soleil avec la force d’un cœur disperse et répand hors de lui-même la chaleur et la lumière, comme si c’était le sang et le souffle. » PLUTARQUE, Sur la face qui est dans la lune 15, 4. « Le nom d’Intelligence du monde que l’on donne au soleil répond à celui de Cœur du ciel : source de la lumière éthérée, le soleil est pour ce fluide ce que le cœur est pour l’être animé » MACROBE, Songe de Scipion I, 20.
L’équivalence symbolique du cœur et du soleil a existé dans d’autres aires culturelles, telles l’Islam ou la Chine. Pour Al-Jili, le cœur est aux autres facultés ce que le soleil est aux planètes. Chez les Chinois, le « Cœur » était conçu comme le souverain, l’empereur, le maître qui détient l’autorité. Il était source de vie et de lumière, soleil de l’Homme, - l’organe du cœur n’étant que le ministre d’état, l’ambassadeur qui exécute les ordres de ce souverain.
En Occident, il semble que c’est au 12e siècle que se fait la redécouverte du cœur comme soleil du corps. Au siècle suivant, la rigueur ontologique de Thomas d’Aquin lui a permis de situer la considération de l’organe cardiaque à son juste niveau, celui de la spécificité animale dans sa double opposition à la sphère de l’humain et à celle du végétal. Puisque l’animal même non rationnel a un cœur, c’est donc que celui-ci n’est pas de soi le siège des fonctions spécifiquement humaines de l’intelligence et de la volonté et que son rôle est proprement végétatif : ce qu’est le soleil pour la plante, le cœur l’est pour l’animal. Nous dirions aujourd’hui : un seuil paléontologique a été franchi avec l’apparition du cœur, qui permit jadis à l’animal non seulement de s’émanciper définitivement à la fois des variations du cycle solaire et de la dépendance du sol - auquel l’arbre, ce roi du végétal, restera rivé -, mais de puiser dans son alimentation buccale et pulmonaire des principes nutritifs plus variés et plus riches, constamment adaptables à une demande énergétique que la motricité de l’individu soumet à d’amples et brusques variations.
Au tout début du 17e siècle, la convergence entre le néo-platonisme et l’alchimie s’opérera chez un hermétiste tel que Robert Fludd. Reprenant l’idée grecque que l’âme du monde est dans le soleil et selon l’adage alchimique : « Le cœur est le fils mondain du soleil (Cor est solis mundani filius) », Fludd énonce que « le cœur est dit le siège de l’âme humaine, comme le soleil est le siège de l’âme du monde ». D’usage courant sous la plume des médecins du XVIIe, l’analogie entre le cœur et le soleil reposait essentiellement sur l’idée que le cœur était « le fourneau de la chaleur naturelle ». Même après sa découverte des circuits de la circulation sanguine, appelée à révolutionner la médecine, William Harvey, fidèle à l’antique thèse de la chaleur innée, maintiendra que le cœur peut être dit à juste titre le « soleil du microcosme » en ce qu’il communique à tout le corps la vie et la chaleur.
Cette symbolique solaire est si naturelle qu’on la retrouve dans les visions de sainte Marguerite Marie : « Les premiers vendredis du mois […], ce cœur m’était représenté comme un soleil brillant (A 55). » Bref, nous pouvons conclure avec Olivier Clément : « Le cœur est le soleil resté intérieur » (cité par Jean-Louis Bruguès dans Colloque 1999, 336.

30. @ Cœur et âme chez Descartes.
Dans la V° partie de son célèbre Discours de la Méthode (1637), c’est l’explication qu’il propose du mouvement du cœur humain et des artères qui est donnée en exemple par Descartes pour montrer à ses lecteurs le bien fondé de la méthode et plus généralement de la nouvelle philosophie qu’il entend offrir à ses contemporains.
Chacun sait comment le dualisme cartésien distingue l’évidence immédiate du « Je pense » (Cogito) et le caractère problématique de l’expérience sensible et du monde extérieur. Lorsqu’il envisage l’homme, on n’est pas étonné de voir Descartes distinguer radicalement l’âme et le corps.
Pour Descartes, l’organisme vivant peut être comparé à une machine, à un automate très perfectionné, ce qui abolit par principe la frontière entre l’inanimé et le vivant. Si la pensée, l’âme rationnelle constitue pour Descartes le fondement premier de la philosophie, en revanche, il récuse l’existence d’une âme végétative et d’une âme sensitive, en réaction contre « l’Ecole », la tradition scolastique face à laquelle il entend renouveler toute chose. Dans cette perspective, le mouvement de l’âme et celui du corps sont totalement distincts et autonomes.
Le discours cartésien sur l’âme s’ouvre sur une métaphysique qui accorde à Dieu un rôle essentiel. En même temps, Descartes participe avec les chercheurs et médecins de son temps à la découverte des mécanismes corporels tel le fonctionnement du cœur.
Descartes se situe dans la ligne des travaux de Harvey qu’il soutient dans sa description de la circulation sanguine tout en proposant une autre explication, malheureusement fausse, du fonctionnement de l’organe cardiaque.
Cf. V. AUCANTE, « Le rôle du cœur de Fludd à Descartes et Harvey, in « Pour une civilisation du cœur, Actes du congrès de Paray-le-Monial, 13-15 octobre 1999 », Ed. de l’Emmanuel, Paris, 2000, p. 51-61 ; G. SANHUEZA, La pensée biologique de Descartes dans ses rapports avec la philosophie scolastique. Le cas Gomez-Péreira, Paris, L’Harmattan, 1997 ; E. GILSON, Etudes sur le rôle de la pensée médiévale dans la formation du système cartésien, Paris, Vrin, 1930, ch. II : « Descartes, Harvey et la scolastique », p. 51-101.
Dès lors, la connexion de l'âme et du corps deviendra le problème central du dualisme cartésien. C’est notamment avec l’un de ses dernier ouvrages : Les passions de l’âme (1649), que Descartes affronte le problème de l’interaction et même de l’interdépendance entre l’âme et le corps. Ce n’est pas dans le cœur, traditionnellement siège des émotions, mais dans la célèbre « glande pinéale » que Descartes croira trouver la fonction médiatrice si problématique entre le corporel et le spirituel.
C’est en partie face aux apories inévitables dans lesquelles nous conduit la position cartésienne, que les modernes s’orienteront vers une approche unitaire comme celle de Karl Rahner où le « cœur » retrouvera un rôle central. (Cf. ci-dessous : @ Le coeur selon Karl Rahner).

31. @ Le cœur selon Karl Rahner.
La théorie du professeur d’Innsbruck puisera à trois sources. C’est d’abord à la phénoménologie contemporaine qu’il empruntera une conception unitaire du symbole du cœur comme « le centre qui à la fois s’irradie dans l’éventail des aspects physiologiques et spirituels de l’être humain et maintient cette pluralité même sous le signe de son unité » (Encyclopédie de la foi, Paris, Cerf, 1965, t. 1, 199). Ensuite une série d’études d’ethnologues et d’universitaires que les carmes français venaient de dédier aux grandes religions permettra au jésuite allemand de vérifier l’ancienneté historique et l’universalité géographique de cette acception du terme (EC 1950 : Le Cœur). Enfin et surtout Rahner héritait, sur place au Tyrol, d’une conviction bien ancrée, depuis quarante ans, chez ses prédécesseurs locaux : l’école jésuite d’Innsbruck constatait en effet, dès 1908, que la spiritualité du Cœur de Jésus avait beaucoup laissé perdre de la richesse biblique du mot « cœur » et elle incriminait les théologiens de l’époque qui, à l’inverse des auteurs inspirés, tendaient à réduire son symbole à une simple métaphore, dérivée du sens propre de ce mot, - ce sens propre désignant selon eux, bien entendu, l’organe conçu en un sens exclusivement physiologique.
Inlassablement, pendant trente ans, le jésuite plaidera pour une inversion de la problématique : le sens « symbolique » aurait bel et bien été, dans l’ensemble des langues humaines, le sens premier du mot « cœur », dont les anatomistes et les physiologistes ont dû laborieusement extraire le sens ou le terme « dérivé » (1) qui ont fini par désigner restrictivement l’organe.
L’auteur rejoint ici les thèses de l’école herméneutique, pour qui l’homme technico-scientifique se découvre aujourd’hui environné de toutes parts d’un homo symbolicus, indestructiblement enraciné dans l’inconscient collectif.

35. @ Cœur et âme.
Ici le cœur et l’âme ont historiquement partie indissolublement liée. Dès lors, en effet, qu’il s’agit de se représenter l’homme comme totalité une, il y a convergence évidente de deux langages, pourtant très différents : ni l’âme ni le cœur ne font nombre avec le corps, puisqu’ils en indiquent l’une le principe philosophique d’unité, l’autre le « dedans symbolique ».

36. @ L’opposition symbolique tête / cœur. Historique.
L’opposition symbolique de la tête et du cœur ne date pas d’hier : ni des découvertes médicales du 20e siècle sur la biologie du cerveau, ni même de celles du XVIIe sur les mécanismes de la circulation sanguine. On pouvait déjà la lire en filigrane du texte biblique. Sauf – mais la différence est de taille - que le symbolisme de la tête s’y bornait alors à celui du « chef ». L’ancienne symbolique chrétienne exigeait, par exemple, que la femme prie le « chef » voilé, conformément au jeu de mots de saint Paul (qui exige d’être replacé dans son époque pour ne pas s’en choquer) : « Toute femme qui prie ou prophétise le chef nu - c’est-à-dire nu-tête (kephalê) - fait affront à son chef (kephalê) » (1 Co 11, 5), c’est-à-dire à l’Homme dont elle a été – symboliquement – tirée (Gn 2, 22-24). Mais surtout la grandiose vision cosmique des dernières Epîtres pauliniennes est celle du Christ, « Tête » (Col 1,18 ; Ep 1, 22) de son Corps mystique : elle a autorisé jusqu’en notre temps une subtile dialectique du Christ et de l’Esprit, conçus respectivement comme les deux pôles symboliques de l’Eglise, - la « supériorité » du Christ l’établissant dans la position de son « Chef (kephalê) » visible et l’ « intériorité » de l’Esprit le constituant comme son « cœur » - c’est-à-dire : son « âme » - invisible. « Qu’il suffise d’affirmer que si le Christ est la tête de l’Eglise, le Saint-Esprit en est l’âme » LEON XIII, Encyclique « Divinum illud » ( Acta Sanctae Sedis, t. 29, 650). La doctrine a été reprise par Pie XII dans MC.
Sur la position de St Thomas à propos de la métaphore de la tête appliquée au Christ, cf. S. BONINO, « Le cœur selon saint Thomas d’Aquin », Colloque 1999, p.139-140.
Chacun saisit aussitôt la métamorphose actuelle de l’opposition symbolique.

37. @ La « culture courtoise ».
[*** Bientôt en ligne ***]

41. @ L’influence du « roman de chevalerie » sur Ignace de Loyola.
Avant qu’elle ne culbute dans la figure grotesque du chevalier errant - dont Cervantès devait nous dessiner la croustillante caricature sous les traits de son infortuné Don Quichotte (1605-1615) -, cette culture « courtoise » marquera l’Europe longtemps : comme en témoigne l’autobiographie d’Ignace de Loyola (Récit, § 5-8.), le début du 16e siècle connaissait encore la floraison de ces « livres mondains et menteurs, que l’on a coutume d’appeler livres de chevalerie ». Seule la grâce divine avait fait échapper le jeune converti à la fascination morbide de « la dame » lointaine, au service de laquelle il imaginait, en termes de parfaite courtoisie, « pièces de vers » et « faits d’armes ».

46. @ Le Cœur de Jésus dans le graphisme médiéval :
De la même façon, dès que l’art du blason aura fait sa place au cœur, la mystique germanique pourra présenter à l’adoration du croyant le Cœur de Jésus occupant, au 15e siècle, le centre de l’image des plaies du Christ (2) : il appartiendra alors au REGARD contemplatif d’y discerner peu à peu le symbole privilégié de l’amour divin.

50. @ Le cœur chez les philosophes du 19e siècle.
Mais la grande tradition philosophique du début du 19e siècle n’abandonnera pas pour autant la notion intellectuelle du cœur-intuition. Pour Hegel, par exemple, tout l’effort de ce qu’il appelle l’« esprit » consiste à réconcilier le « cœur » et la « raison », et à passer ainsi de la CERTITUDE subjective à l’absolu de la VERITE moyennant une démarche d’objectivation. Mais, parce qu’au départ de l’itinéraire philosophique cette première certitude immédiate (3) porte sur l’héritage historique de la pensée humaine, le « cœur » est bien pour lui le lieu d’une première saisie intuitive : c’est dans le « cœur » que la mémoire humaine conserve tout un patrimoine universel de représentations communes qu’il s’agit non de critiquer a priori comme irrationnelles, mais de soumettre à la vérification systématique de la raison discursive pour éventuellement les purifier.

51. @ Le cœur chez les spirituels de la fin du XVIIe.
Nous n’avons conservé qu’un seul passage où sainte Marguerite-Marie définisse formellement ce qu’elle entend par « cœur » et c’est pour en faire – à la différence de l’ « esprit » (lieu du dépouillement de soi dans la foi) - le « siège de l’amour et de la volonté » (VO4, 2, 691), - ce qu’il faut probablement traduire : siège d’une volonté inséparable de l’affectivité. L’ « amour » venant en tête, l’affectif colore d’emblée le volontaire, qui perd ainsi toute connotation « volontariste » pour revêtir une nuance salésienne d’abandon tranquille.

53. @ Dissociation entre volonté et affectivité.
A la suite du pasteur et philosophe écossais Thomas Reid (1710-1796) Essai sur les facultés intellectuelles (1785), Essai sur les facultés actives (1788), on la rencontre chez le spiritualiste Adolphe Garnier.

55. @ Volonté et affectivité.
Si on suit cette conception éducative d’une liberté de libération débordant notre simple liberté d’arbitrage, où réside donc le pouvoir de la volonté à l’égard de ces instincts ? La réponse tient en un mot : dans l’affectivité profonde du sujet raisonnable.
On remarquera en effet que ce pouvoir ne s’exerce pas de façon systématiquement répressive à la façon d’un pouvoir discrétionnaire, mais le plus souvent amicalement comme une autorité parentale à qui la vie a appris à composer habilement pour arriver à ses fins. Selon saint Thomas, qui suit ici Aristote, « la raison s’impose aux tendances de plaisir et d’agressivité non par un pouvoir despotique comme celui du maître sur l’esclave, mais par un pouvoir politique ou royal s’adressant à des hommes libres qui ne sont pas entièrement soumis au commandement » (ST Ia IIae, 17, 7). La volonté est essentiellement la faculté de hiérarchiser adroitement la complexité de nos désirs en vue des buts qu’elle poursuit : « Au lieu de concevoir une volonté surplombant un fouillis de désirs et imposant sa domination, il faut plutôt la concevoir comme immergée dans un monde de représentations dynamiques et s’efforçant, avec patience et détermination, de faire prévaloir des attraits supérieurs en fonction d’un projet personnel» (Ch. BERNARD, TA, 241. Par rapport à la notion d’ « l’option fondamentale », celle de « projet personnel » offre l’avantage de connoter aussi la notion d’adaptation des moyens à la réalisation du but).

56. @ La volonté comme tendance vers le Bien :
Le dynamisme de la volonté était au centre de la conception classique, vg. la métaphysique grecque de la volonté comme tendance vers le Bien et la théologie chrétienne de la charité comme « visée de la fin dernière (intentio finis ultimi) ». Un des fondements de l’éthique, le mérite dépend de l’orientation de la volonté vers la fin (l’intention), mais présuppose l’imputabilité morale de l’acte qui provient du libre-arbitre.

Sur l’imputabilité morale des actes de l’homme, le texte clé est le passage de la Somme Théologique sur le volontaire et l’involontaire. C’est l’action volontaire qui engage la liberté éthique de l’homme, au plan naturel comme surnaturel. Seule l’action essentiellement involontaire le dégage de sa responsabilité. Cf. ST, Ia IIae, question 6 : « Le volontaire et l’involontaire » dont voici quelques extraits :

« Seront mus de manière parfaite, par un principe intrinsèque, les êtres où l'on trouve un principe intrinsèque tel que, non seulement ils soient mus, mais qu'ils soient mus vers une fin ... Tout ce qui agit ou est mû de l'intérieur, en ayant connaissance de la fin, possède en soi le principe de son acte pour agir en vue d'une fin ... Ainsi, parce que l'une et l'autre de ces conditions viennent d'un principe intrinsèque (qu'ils agissent, et qu'ils agissent pour une fin), les actes et les mouvements de ces êtres sont dits volontaires, cette appellation impliquant qu'actes et mouvements procèdent d'une inclination propre. C'est pourquoi, on appelle volontaire, non seulement "ce qui procède d'un principe intérieur", mais en y ajoutant "de science". Aussi, puisque l'homme excelle à connaître la fin de son oeuvre et à se mouvoir lui-même, c'est dans ses actes que l'on trouve le plus haut degré de volontaire » (art.1).

« On appelle volontaire ce qui procède de la volonté. Mais il y a deux façons pour une chose de procéder d'une autre : directement, c'est-à-dire comme un être procède d'un agent. Ou bien indirectement, du fait même qu'il n'y a pas d'action. Toutefois, il est à remarquer que les conséquences d'une absence d'acte ne doivent pas toujours être attribuées, comme à leur cause, à l'agent du seul fait qu'il n'agit pas, mais seulement lorsqu'il peut et doit agir. Donc, puisque la volonté peut, en voulant et en agissant, s'interdire de ne pas vouloir et de ne pas agir, et puisque parfois elle le doit, ne pas vouloir et ne pas agir lui est imputé comme venant d'elle. De cette façon le volontaire peut exister sans acte ; tantôt sans acte extérieur mais avec un acte intérieur comme lorsqu'on veut ne pas agir, tantôt même sans acte intérieur comme lorsqu'on ne veut pas » (art.3).

« La volonté comporte deux actes : l'un qui procède immédiatement d'elle, étant comme émis par cette faculté ; cet acte dit "élicite", c'est le vouloir. L'autre acte est celui qu'elle commande et qui suppose la médiation d'une autre puissance, par exemple marcher et parler: ce sont des actes que la volonté commande et qui sont exécutés par l'intermédiaire de la puissance motrice. S'il s'agit des actes "impérés", c'est-à-dire commandés, la volonté peut souffrir violence ; les membres extérieurs peuvent en effet être empêchés par violence d'exécuter le commandement de la volonté. Mais dans son acte propre, élicite, la volonté ne peut être affectée par aucune violence. La raison en est que l'acte de volonté n'est rien d'autre qu'une inclination qui procède d'un principe intérieur doué de connaissance. Or ce qui est contraint et violent vient d'un principe extérieur. Il est donc contraire à l'acte même de la volonté d'être contraint ou violenté ... On peut traîner un homme par force, mais que cela vienne de sa volonté est contraire à la notion même de violence » (art.4).

« La violence s'oppose directement au volontaire, comme aussi au naturel. ... Dans les choses qui sont douées de connaissance la violence agit contre la volonté. Et ce qui va contre la volonté est dénommé involontaire. La violence est donc cause d'involontaire ... Il faut reconnaître que ce qui est fait par crainte est "mêlé de volontaire et d'involontaire". Mais, tout bien pesé, de telles actions sont plus volontaires qu'involontaires ; elles sont volontaires absolument, et involontaires de façon relative ... Bien loin de causer de l'involontaire, la convoitise contribue plutôt à rendre l'acte volontaire. On qualifie en effet une chose de volontaire du fait que la volonté s'y porte. Or, sous l'influence de la convoitise, la volonté est inclinée à vouloir ce qu'elle convoite. C'est pourquoi la convoitise rend l'acte volontaire, bien plutôt qu'involontaire ... L'ignorance peut causer de l'involontaire pour cette raison qu'elle prive de la connaissance requise pour le volontaire. L'ignorance peut se rapporter à l'acte de connaissance de trois manières, selon qu'elle lui est concomitante, conséquence ou antécédente.

1° Concomitante, l'ignorance porte sur ce qui se fait, mais de telle sorte que, si l'on savait, on ne l'en ferait pas moins. Une telle ignorance n'est pas cause d'involontaire d'après Aristote puisqu'elle ne produit rien qui contrarie la volonté; mais elle est cause de "non volontaire", car on ne peut vouloir en acte ce que l'on ignore.

2° L'ignorance est conséquente par rapport à la volonté en tant qu'elle est volontaire. Ou bien l'acte de volonté se porte sur l'ignorance elle-même. C'est ce qu'on appelle l'ignorance affectée. D'une autre façon, on appelle ignorance volontaire celle de quelqu'un qui peut et doit savoir. Etant involontaire de l'une ou de l'autre de ces façons, l'ignorance ne peut être cause d'involontaire absolu; elle cause alors cependant de l'involontaire relatif, en tant qu'elle précède un mouvement de la volonté orienté vers l'action, mouvement qui ne se serait pas produit s'il y avait eu connaissance.

3° Est antécédente enfin par rapport à la volonté, l'ignorance qui, tout en n'étant pas volontaire, porte cependant à vouloir ce qu'on ne voudrait pas autrement. Ainsi lorsqu'un homme ignore telle circonstance d'un acte qu'il n'était pas tenu de connaître et, à cause de cela, fait ce qu'il n'eût pas accompli s'il l'avait sue. C'est le cas de celui qui, malgré les précautions prises, ignore que quelqu'un marche sur la route et lance une flèche qui le tue. Cette ignorance-là est cause pure et simple d'involontaire » (art. 5-8).

58. @ Note exégétique du pape dans Dives in misericordia.
Note sur Hesed et rahamim.

Pour définir la miséricorde, les Livres de l'Ancien Testament emploient essentiellement deux expressions ; chacune d'entre elles a une nuance sémantique différente. En tout premier lieu, il y a le terme "hesed", qui indique une profonde attitude de "bonté". Lorsqu'il indique les rapports entre deux hommes, ceux-ci sont non seulement bienveillants l'un envers l'autre, mais en même temps réciproquement fidèles en raison d'un engagement intérieur, et donc aussi en vertu d'une fidélité à l'égard d'eux-mêmes. Si hesed signifie aussi "grâce" ou "amour", c'est précisément sur la base d'une telle fidélité. Le fait que cet engagement ait un caractère non seulement moral, mais quasi juridique, ne change rien. Lorsque, dans l'Ancien Testament, le mot hesed est rapporté au Seigneur, cela arrive toujours en rapport à l'Alliance que Dieu a conclue avec Israël. De la part de Dieu, cette Alliance fut un don et une grâce pour Israël. Cependant, puisque, en cohérence avec l'Alliance conclue, Dieu s'était engagé à la respecter, hesed acquérait, en un certain sens, un contenu légal. L'engagement juridique de la part de Dieu cessait de l'obliger, lorsque Israël enfreignait l'Alliance et n'en respectait pas les conditions. Mais précisément alors, hesed, cessant d'être une obligation juridique, révélait son aspect plus profond : elle se manifestait telle qu'elle était dans son principe, c'est-à-dire comme un amour qui donne, un amour plus puissant que la trahison, une grâce plus forte que le péché.

Cette fidélité à l'égard de la "fille de mon peuple" infidèle (Lm 4,3 ; Lm 4,6) est, en définitive, de la part de Dieu, fidélité à lui-même ; cela apparaît évident surtout dans le retour fréquent du binôme hesed / we'emet (= grâce et fidélité), qu'on pourrait considérer comme une hendiadys (cf par exemple Ex 34,6 ; 2S 2,6 ; 15,20 ; Ps 25,10 ; Ps 40,11-12 ; Ps 85,11 ; Ps 138,2 (soit respectivement Ps 24 39 84 137) Mi 7,20). "Ce n'est pas à cause de vous que j'agis ainsi, maison d'Israël, mais c'est pour mon saint Nom" (Ex 36,22). Ainsi Israël, accablé de fautes pour avoir enfreint l'Alliance, ne peut prétendre avoir droit à la hesed de Dieu en se fondant sur une justice légale ; et pourtant, il peut et il doit garder l'espoir et la confiance de l'obtenir, parce que le Dieu de l'Alliance est réellement "responsable de son amour". Le fruit d'un tel amour, c'est le pardon et la restauration de la grâce, le rétablissement de l'alliance intérieure.

Le second mot, qui sert dans la terminologie de l'Ancien Testament à définir la miséricorde, est rahamim. Il a une nuance différente de celui de hesed. Tandis que ce dernier met en évidence ces caractères : être fidèle à soi-même et "être responsable de son amour" (qui sont en un certain sens des caractères masculins), rahamim, déjà dans sa racine sémantique, dénote l'amour de la mère (rehem = le sein maternel). Du lien très profond et originaire, et même de l'unité qui lie la mère à l'enfant, naît un rapport particulier avec lui, un amour tout spécial. De cet amour, on peut dire qu'il est entièrement gratuit, qu'il n'est pas le fruit d'un mérite, et que, sous cet aspect, il constitue une nécessité intérieure : c'est une exigence du coeur. Il y a là une variante presque "féminine" de la fidélité masculine à soi-même, exprimée par la hesed. Sur cet arrière-fond psychologique, rahamim engendre une échelle de sentiments, parmi lesquels se trouvent la bonté et la tendresse, la patience et la compréhension, c'est-à-dire la promptitude à pardonner.

L'Ancien Testament attribue au Seigneur justement ces caractères, quand il parle de lui en utilisant le terme de rahamim. Nous lisons dans Isaïe : "Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi je ne t'oublierai pas" (Is 49,15). Cet amour, fidèle et invincible grâce à la force mystérieuse de la maternité, est exprimé dans les textes vétéro-testamentaires de diverses manières : comme salut dans les dangers, spécialement ceux qui viennent des ennemis ; mais aussi comme pardon des péchés - à l'égard des individus, et aussi de tout Israël -, et enfin, dans la promptitude à accomplir la promesse et l'espérance (eschatologiques), malgré l'infidélité humaine, comme nous le lisons dans le livre d'Osée : "Je les guérirai de leur infidélité, je les aimerai de bon coeur " (Os 14,5).

Dans la terminologie de l'Ancien Testament, nous trouvons encore d'autres expressions, rapportées au même contenu fondamental de diverses manières. Cependant, les deux précédentes méritent une attention particulière. En elles se manifeste clairement leur aspect anthropomorphique originaire : en considérant la miséricorde divine, les auteurs bibliques se servent des mots qui correspondent à la conscience et à l'expérience de leurs contemporains. La terminologie grecque de la version des Septante montre une richesse moins grande que celle de la version hébraïque: aussi n'offre-t-elle pas toutes les nuances sémantiques propres au texte original. En tout cas, le Nouveau Testament construit sur la richesse et la profondeur qui définissaient déjà l'Ancien Testament.

De la sorte, nous héritons de l'Ancien Testament - comme en une synthèse spéciale - non seulement la richesse des expressions utilisées par ses Livres pour définir la miséricorde divine, mais aussi une "psychologie" évidemment anthropomorphique, qui est propre à Dieu : l'image émouvante de son amour, qui, au contact du mal et en particulier du péché de l'homme et du peuple, se manifeste comme miséricorde. Cette image est composée en plus du contenu général du verbe hanan, du contenu de hesed et de celui rahamim. Le terme de hanan exprime un concept plus large ; il signifie en effet la manifestation de la grâce, qui comporte, pour ainsi dire, une prédisposition constante, magnanime, bienveillante et pleine de clémence.

En plus de ces éléments sémantiques fondamentaux, le concept de miséricorde dans l'Ancien Testament est aussi composé de ce qu'exprime le verbe hamal, qui signifie littéralement "épargner (l'ennemi vaincu)", mais aussi "manifester pitié et compassion" et, par conséquent, pardon et rémission de la faute. Le terme de hus, lui aussi, exprime la pitié et la compassion, mais surtout dans un sens affectif. Ces mots apparaissent dans les textes bibliques plus rarement, pour traduire la miséricorde. En outre, il faut souligner le terme déjà indiqué de 'emet, qui signifie en premier lieu "solidité, sécurité" (dans le grec des Septante : "vérité"), et ensuite "fidélité", et qui semble de la sorte être lié avec le contenu sémantique propre du terme hesed.

60. @ Cœur et émotions.
C’est le cas notamment des émotions. A la différence de sentiments profonds, qui nourrissent l’action tenace, celles-là peuvent au contraire s’avérer « déréglantes » du comportement (Pradines, t. 1, sect. 4, ch. 2 : Les affections déréglantes : les émotions). Elles engendrent alors l’instabilité des individus et la versatilité des foules. La promptitude avec laquelle l’opinion publique s’enflamme au gré des images que les médias lui présentent n’a d’égale que la difficulté de chacun à ouvrir son cœur aux droits des autres pour mesurer les vrais enjeux éthiques des situations. La symbolique biblique des « entrailles » prend aujourd’hui la couleur d’un cruel aphorisme : « L’homme moderne, a-t-on dit, a la tripe sensible, mais le cœur dur. »

64. @ Cœur biblique et cœur moderne.
En son temps, l’encyclique Haurietis Aquas n’avait pas osé s’attaquer au traitement du cœur biblique. En revanche, elle avait posé les principes d’une juste conception du cœur moderne. Distinguant deux niveaux dans le cœur humain du Christ, elle avait noté l’analogie qui les unit (HA 58) : le même mot « amour » y désigne en effet à la fois son affectivité psychologique et sa charité spirituelle. Or, selon la conception classique, la charité a son siège dans la volonté, conçue indissociablement comme source de la décision et du dynamisme affectif. C’était clairement inviter les modernes à ne plus briser l’harmonie du volontaire et de l’affectif. Bien plus : en fondant sa requête sur la notion d’ « analogie », l’encyclique se montrait parfaitement cohérente avec l’herméneutique contemporaine, comme il a été dit plus haut à propos de la « hauteur » du symbole.
Et « l’homme raisonnable » ?
Cette réconciliation du cœur traditionnel et du cœur moderne peut sonner comme un désaveu de certaines présentations contemporaines de « l’homme biblique ». Remarquant la fréquence du « leb » hébraïque dans les Proverbes et les autres écrits des sages d’Israël, un excellent traité d’Anthropologie de l’Ancien Testament définit le cœur comme « l’homme doué de raison » (H. W. WOLFF, Anthropologie de l’Ancien Testament, Genève, 1974, 43). N’est-ce pas signifier l’incompatibilité définitive du cœur biblique avec le cœur affectif des modernes ? Or il n’en est rien.
L’auteur invite certes son lecteur à ne pas plaquer trop vite son concept moderne de « cœur » sur le mot biblique. Mais chacun doit aussi prendre garde à l’idée qu’il se fait de l’ « homme doué de raison ». Le sage de l’ancien testament n’est pas le contraire d’un affectif : il est, par opposition à l’ « insensé », celui, au contraire, qui a réussi de telle façon l’unité affective de son être qu’il est capable de raisonner sainement. La définition classique de l’homme comme « animal rationnel (animal rationale) » ne prétend d’ailleurs pas exalter la raison au détriment des autres facultés de l’âme. Elle enregistre simplement que la psychologie animale a franchi un seuil décisif avec l’apparition de l’intelligence : grâce à elle, l’affectivité et la volonté de l’homme acquièrent une dimension spirituelle, que ne comportent pas, chez l’animal, les tendances de désir et d’agressivité. En réalité, quand le traité cité parle d’ « homme doué de raison », il exprime sur l’homme un point de vue « synthétique ». A la différence de « notre langage analytique et différentiel » (H. W. WOLFF, Anthropologie de l’Ancien Testament, 14), la mentalité sémitique considère toujours l’individu comme un tout : parler d’âme (nefesh), de chair (basar), d’esprit (ruah), de cœur (leb), c’est parler chaque fois de son être tout entier , - mais en tant que « besogneux » dans le premier cas, de « périssable » dans le second, de « doté de pouvoirs » ou de « doué de raison » dans les deux derniers. On oppose ici l’une à l’autre non les facultés de l’âme, mais des définitions globales de la situation de l’homme dans le monde.
C’est pourquoi, aujourd’hui moins que jamais, la revalorisation de l’affectivité ne doit conduire à minimiser le rôle de l’intelligence dans la construction de la personnalité. C’est l’exercice de la raison qui permet à chacun d’entre nous de prendre un recul salutaire par rapport aux constantes sollicitations de ses instincts. On connaît le principe central de l’éthique kantienne : si je veux sortir de l’individualisme, je dois agir selon des principes moraux dont la raison pratique peut, en théorie, me démontrer la validité universelle, selon la règle d’or de Jésus : « Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux » (Mt 7, 12 ; Lc 6, 31). Comme Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant reconnaît cependant que le « cœur » de l’homme simple et droit discerne intuitivement ces principes. D’une façon plus générale, les médiévaux avaient reconnu l’implication réciproque, dans le cœur de l’homme, de l’intelligence et de la volonté, laquelle à son tour implique l’affectivité (Cf. C. A. BERNARD, TA, 206-208). De toutes les manières, même si la « tête » est plus apte à la symboliser, la raison, comme les autres facultés de l’âme, fait donc bien partie du cœur biblique, pris dans toute son extension.

65. @ La profondeur de la volonté.
L’intelligence est le siège de la foi, mais la volonté est celui de la charité. C’est ainsi que la méditation chrétienne suit normalement l’itinéraire mémoire-intelligence-volonté. C’est au troisième stade que du cœur enflammé naissent les décisions qui conduisent à s’engager dans l’action. On ne nie pas pour autant le cercle que forment l’intelligence et la volonté. Cf. E. GLOTIN, La Bible du Cœur de Jésus, p. 143, figure 1 : l’axe hébraïque et l’axe grec.

67. @ L’acte comme perfection de l’être.
L’être est une notion fortement analogique (Cf. note sur l’analogie). La première distinction porte sur l’être en puissance opposé à l’être en acte, tant au niveau accidentel que substantiel (seconde distinction de l’être). L’être en acte est l’être effectif, réalisé et présent dans son accomplissement, tandis que l’être en puissance n’existe que dans le manque de perfection de l’être en acte. L’être en acte inachevé est porteur d’être en puissance, dans la mesure où il aspire à sa perfection. La matière est l’être en puissance par excellence. Elle est appétit de la forme, « … comme la femelle désire le mâle » dit Aristote à la fin du premier livre de sa Physique. Comme être en puissance, elle est « proche de la chose », sans être chose elle-même. L’acte représente donc la perfection de la puissance, et la première perfection qu’il lui donne, c’est d’être effectivement. C’est la forme naturelle (acte) qui donne à la matière d’être, et dans cette union, c’est l’être naturel tout entier qui reçoit également l’être. L’acte qui fait être est dit acte premier. Il ne représente pas l’ultime de la perfection de l’être, car celui-ci comporte encore de la puissance. L’être qui existe par son acte premier est porteur de possibilités d’opérer qui lui permettent de réaliser sa perfection ultime. On appelle acte second cette opération de la faculté. Recevant son âme comme acte premier, l’homme se trouve doté d’intelligence, c’est à dire de capacité de comprendre. Lorsqu’il exerce effectivement cette faculté, il est en acte second et réalise ainsi la perfection ultime de son être.

68. @ Une métaphysique du cœur.
Les fondements de cette métaphysique selon l’hylémorphisme aristotélicien de saint Thomas.
Noter l’objection de Rahner (K. Rahner, « Quelques thèses pour une théologie de la dévotion au Sacré-Cœur », p. 160-163 dans : [J. Stirli], Le Cœur du Sauveur, Mulhouse, Salvator, 1956, Original allemand : Cor Salvatoris, Fribourg, Herder, 1954) : le « centre de la personne » n’est pas toujours amour. Il se situe ici au niveau de l’être, antérieur à l’agir qui vient lui donner sa perfection.

83. @ Félix ANIZAN. « Le Centre du Plan divin »
« Notre siècle, à qui manque si douloureusement le souffle de l’esprit, semble ainsi fait pourtant qu’il ne se courbera qu’au souffle d’une Pentecôte : celui qui accompagne la descente du feu. » (F. ANIZAN, Précis de vérités premières sur le rayonnement du Sacré-Cœur dans la pensée humaine, 1928, 41). L’humble religieux qui, dès mai 1927, appelait ainsi de ses vœux la nouvelle Pentecôte, était pourtant avant tout un intellectuel préoccupé des dérives de la philosophie occidentale. S’il devait, dans ces années 1920, échouer à faire de Paray-le-Monial un véritable centre pour le « rayonnement du Sacré-Cœur dans la pensée humaine » (Titre de son livre de 1928), Félix Anizan n’en a pas moins tracé un impressionnant programme d’avenir.
Anticipant d’un quart de siècle sur l’encyclique Haurietis Aquas, il martelait sa conviction : plutôt que « dévotion », le mystère du Cœur de Jésus était « révélation » ou, pour éviter toute emphase, « manifestation » : « La manifestation du Sacré-Cœur - précisait-il, glosant Bossuet -, c’est le rappel que nous fait Jésus-Christ de tous les mystères du christianisme, sous le symbole de son Cœur où est leur véritable origine. » (F. ANIZAN, Précis de vérités premières sur le rayonnement du Sacré-Cœur dans la pensée humaine, 1928, 9). Qu’ajoutait à la grande et unique Révélation chrétienne ce rappel ? Rien de neuf, sinon l’approche symbolique en tant que telle. Approche bien peu familière au néo-thomisme qui dominait alors la théologie catholique. Anizan émargeait certes lui-même à ce courant, mais c’était pour noter déjà, anticipant sur les recherches actuelles (4), que l’expression symbolique n’avait nullement été étrangère à saint Thomas lui-même. Il plaidera donc jusqu’au bout en faveur d’une nouvelle « tournure d’esprit » qu’il appelait « figurative » : à ce titre, le petit traité de symbolique du Cœur de Jésus qui, en 1942, met le point final à son œuvre inviterait à reconnaître en lui l’un des obscurs précurseurs de l’école herméneutique*. Cf. F. ANIZAN, La Puissance noétique du Cœur rayonnant, Marseille, Chez l’auteur, 1942. Voir aussi la revue Regnabit, mai 1927, p. 485 : « Saint Thomas d’Aquin enseigna aussi les vérités divines en forme symbolique. ». Anizan renvoie sur ce point à un article de la même revue, mars 1927, p. 322.

Et cependant la théorie d’Anizan avait son talon d’Achille, tout comme celles de la plupart des théologiens qui lui frayèrent la voie. Pour établir que le Cœur de Jésus était bien le « centre du plan divin », il allait du mystère au symbole et non - selon la démarche herméneutique* actuelle, qui est aussi la nôtre - du symbole au mystère. Un paragraphe de son ouvrage de 1925 est très clair à cet égard (Le Centre du plan divin, Paris, Lethielleux, 1925, 161-167). Faute d’être pleinement en possession de l’intuition biblique – et anthropologique - du cœur comme « centre », il se voyait contraint à six laborieuses pages pour démontrer le raisonnement suivant, qui procède à rebours de l’intuition symbolique : Le Christ est centre du plan divin à raison de son amour. Or le cœur est symbole de l’amour. Donc son cœur est centre du plan divin. Le raisonnement symbolique eût été : Le cœur est le symbole de l’amour. Mais il est aussi l’indicateur du centre. Donc, puisque Dieu est amour, le Cœur de Jésus est le centre du plan divin.
Accusé dès lors par les théologiens de son Institut religieux de transférer indûment à l’organe du cœur ce qui convenait à la seule personne du Christ, il peina à se défendre et fut contraint à un exil marseillais. Consultable aujourd’hui, le dossier du procès (90 pages dactylographiées environ) témoigne de la difficulté qu’il éprouva à situer le couple symbole/mystère par rapport aux catégories hylémorphiques qui étaient celles de l’Ecole. On ne peut cependant se défendre de l’impression qu’en dépit de l’imperfection de son argumentation, il était plus près de la vérité que ses juges. Il resterait à vérifier si l’ouvrage de 1942 marque un progrès dans la conception du cœur comme « indicateur du centre ».

87. @ Le cœur ou la croix ?
Sous la pression du 19e siècle finissant, l’Eglise avait pu, en effet, sembler un moment favorable à ce genre de « substitution », qui s’était effectivement opérée dans les esprits.
« Gage efficace » de la victoire qui avait sauvé Rome du désastre, la célèbre vision d’une croix dans le ciel avait jadis déterminé la conversion de Constantin et, dès lors, le jeune empereur avait fait du « chrisme », c’est-à-dire de la croix associée au nom du Christ, l’étendard de la chrétienté naissante. Mais, en lieu et place de ce célèbre labarum, « voici qu’aujourd’hui », déclarait Léon XIII, Dieu nous donne un signe d’une incomparable portée symbolique pour l’avenir : « le très sacré Cœur de Jésus, surmonté de la croix et brillant d’un étincelant éclat au milieu des flammes. C’est en lui que tous nous devons mettre notre espoir ; c’est à lui qu’il faut demander et de lui qu’il faut attendre le salut de l’humanité. » (Cf. LEON XIII, Encyclique « Annum sacrum », Acta Sanctae Sedis, XXXI (1899) 646-651). Consacrer le monde à Jésus sous le signe de son Cœur, c’était donc pour le pape de l’époque inaugurer une ère nouvelle.
Quelle que soit l’interprétation que le 20e siècle ait pu donner de cette déclaration très « romaine », il n’est pas interdit aujourd’hui de la soumettre à une exégèse plus rigoureuse. Car après tout, à examiner de près le chrisme constantinien, ce n’est pas de la croix que le cœur est venu prendre la place, mais du nom de Jésus. Dans une logique de l’imaginaire chrétien, la question devient dès lors celle-ci : la croix demeure-t-elle, elle aussi, un symbole du « centre » et quel surcroît de sens apporte-t-elle là où la place de celui-ci serait désormais signifiée plus précisément par le « cœur » ?
Pour répondre à cette double interrogation, on pourrait sans doute se placer d’emblée du point de vue du « mystère » rédempteur. Depuis longtemps, la contemplation du cœur transpercé de Jésus avait conduit insensiblement l’Eglise à mettre l’amour au centre de ce mystère. Mais inversement, lorsque le Seigneur lui-même montra à sainte Marguerite-Marie la croix entée dans ce Cœur, il invitait le regard chrétien à ne jamais dissocier le centre brûlant de l’amour de son expression crucifiante. Pourtant, quelle que soit aujourd’hui pour elle l’urgence de ce rappel, la mentalité symbolique s’y achemine par d’autres voies moins classiques peut-être, mais qui offrent l’avantage de nous reconduire, bien en amont du 17e siècle français, à la grande tradition des origines : celle de l’humanité en général et, plus particulièrement, à l’interprétation qu’en ont donnée les anciens Pères de l’Eglise.

93. @ Le cœur ou le nombril ?
GDu 1992. Le copieux index de cet ouvrage de référence ne mentionne même pas le cœur. En revanche, le mot « nombril » figure avec la mention : « cf. Centre ».

94. @ Le symbole du labyrinthe.
Cf. les dictionnaires de symbolique. Voir aussi R. GUENON, Symboles de la science sacrée, Gallimard, 1962 : chap. 22 : La caverne et le labyrinthe.




NOTES :

(1) RAHNER a osé au moins une fois le terme. Encyclopédie de la foi, t. 1, Paris, Cerf, 1965, 197.

(2) Voir A. Rosenberg, Die christliche Bildmeditation, München-Planegg, 1955.

(3) C’est-à-dire ce qui nous est donné par la mémoire ou l’intuition en amont de la « médiation » de la raison discursive.

(4) Celles par exemple du dominicain Olivier-Thomas VENARD. Voir ci-dessus ch. 2, note @ Thomas d’Aquin, poète théologien.



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