La Bible du Coeur de Jésus

Edouard Glotin

Presses de la Renaissance


Notes et Annexes

Introduction

Annexes
Haurietis Aquas
Le Coeur de Jésus et le Shabbat juif
Benoît XVI : Lettre au R.P. Kolvenbach (50° anniv. d'HA)
Benoît XVI : Message de Carême 2007

Commentaires
des illustrations

Fig. 1 à 11
Fig. 12 à 19
Fig. 20 à 29
Fig. 30 à 39
Fig. 40 à 49
Fig. 50 à 59
Fig. 60 à 69
Fig. 70 à 83

Notes
Prologue
Chapitre 1
• Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12

Liste des sigles
Notes du chapitre 2

1. @ Le « mandala » de J. Vidal.
Quelqu’un proposait récemment, lui aussi, d’en retenir quatre, susceptibles de constituer une sorte de mandala du symbole : J. Vidal, Symboles et religions, Cours de l’année académique 1986-1987, édité par J. Ries, Louvain-La-Neuve, Centre d’histoire des religions, 1990, 191. Les quatre dimensions de Vidal sont : le poétique, l’historique, le cosmique et l’onirique. Sur la ligne horizontale de son « mandala autour du symbole », il oppose le poétique (le mythe) à l’historique (le rite) comme l’inspirateur au réalisateur ou l’ambivalence à l’efficience ( A l’origine, le symbole est devenu parole poétique, c’est-à-dire mythe, mais en allant du poétique vers l’historique, il est devenu rite : ex. les sacrements) ; sur la verticale, la tension est entre le cosmique (qui occupe la position haute) et l’onirique (qui marque la direction de la profondeur). Sur la nécessité de ces quatre dimensions complémentaires pour qu’il y ait « symbole », voir notre chap. 1, note 34.

4. @ Langage de cohésion et langage de détermination.
Le structuralisme philosophico-linguistique contemporain de l’école saussurienne distingue deux types de langage : le langage de détermination, que développe la civilisation occidentale et qui est essentiellement opératoire ; et le langage de cohésion, à dominante symbolique, qui trouve une expression privilégiée dans la poésie et la religion (voire dans la publicité ou dans le sport, lorsque celui-ci prend des allures d’épopée ou de liturgie). On veut dire par là que le premier langage vise à la clarté et à la distinction des concepts qui facilitent les prises de décision : c’est le langage des discours utiles de la vie quotidienne, du journal télévisé, des sciences, de l’ordinateur, de la technique, du commerce, etc., mais c’est aussi celui de la philosophie spéculative lorsqu’elle conceptualise, démythise, analyse avec précision et technicité les structures du réel (scolastique, kantisme, hégélianisme…). L’autre langage, appelé aussi de fondation, parce qu’il plonge ses racines premières dans les mythes fondateurs des diverses civilisations, est ‘langage de cohésion’ non seulement parce qu’il fait l’unité ethnique du groupe humain qui en utilise les codes symboliques, mais d’abord et surtout parce que tout symbole (sum-ballein = mettre ensemble) exprime, dans sa structure même, l’unité des différents niveaux du réel (ainsi le lêb hébraïque, qui fait communiquer l’étage physique et l’étage spirituel de l’homme, manifestant par là la ‘cohésion’ intime de sa nature). La Grèce, patrie d’origine de la science et de la philosophie occidentale, s’est forgée très tôt une langue de détermination, ont le NT a bénéficié ; mais, de son côté, le succès de la Bible en Occident tient peut-être au fait que, comme langage de cohésion, sa langue s’est avérée éminemment apte à fédérer les peuples évangélisés, et ceci en raison de la plus grande vérité et densité humaines de sa symbolique religieuse.

7. @ Le sens de l’institution des « rites » sacrificiels.
Le prix de cette vie humaine se marque avant tout dans l’institution du sacrifice ; celui-ci en effet était aux antipodes d’une cruauté exercée sur la victime, il était don libre de ce que l’on a de meilleur : le pasteur Abel offrait les plus beaux de ses animaux, l’agriculteur Caïn les prémices de ses récoltes. Le sacrifice relève du troc : en échange de sa vie, l’homme abandonnait ce qu’il a de plus précieux. Le sacrifice d’Isaac dénonce la caricature monstrueuse que furent les sacrifices humains : l’idolâtre était tragiquement prêt à égorger son fils, son unique, pour arracher sa propre vie au courroux du ciel. Cette logique du rachat qui habite le sacrifice l’insère dans les procédures de don et de contre-don – échange de cadeaux dans la paix, rançon de prisonniers dans la guerre – qui fonctionnaient entre les sociétés archaïques. L’Eucharistie, sommet de la liturgie chrétienne, sublime, au creuset du cœur, cette morphologie du rite sacrificiel.

9. @ L’anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss.
Cet alinéa résume les théories du célèbre structuraliste français qui ne fait qu’appliquer ici à l’ethnologie le modèle linguistique de Saussure. Cf. Yves SIMONIS, Lévi-Strauss ou la « passion de l’inceste », Paris, Aubier-Montaigne, 1968, 159-168. Sur le lien du structural à l’inconscient chez Lévi-Strauss, cf. 81 ss. Voir aussi la préface de Cl. Lévi-Strauss à la 7e éd. de H. MAUSS, Sociologie et anthropologie, PUF, 1980, XXXII.
En fait ce couplage de l’inconscient et du langage fonctionnait comme s’il s’agissait d’éliminer l’existence, en amont du langage, de la « pensée consciente ». Or la contestation de cette conception réductrice lui vient moins aujourd’hui du côté du patrimoine philosophique de l’humanité et de sa notion du caractère immatérieldes facultés de l’âme que de l’expérimentation neuropsychologique de pointe. Cf. D. LAPLANE, La pensée d’outre-mots, éd. Synthélabo, 1997. La pensée sans langage et la relation pensée-langage. Les Empêcheurs de penser en rond, Le Plessis-Robinson, éd. Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1997. Pour un résumé de la thèse de Laplane, voir la revue Etudes, mars 2001 : « Pour les neurologues, l’existence d’une pensée sans langage apparaît de jour en jour plus évidente et déterminante dans la vie mentale. Certains envisagent même une totale indépendance de cette pensée par rapport au langage. A l’opposé, le courant très antique et actuellement majoritaire, de nature essentiellement philosophique, tient qu’il n’y a pas de pensée sans langage. La thèse ici défendue est qu’une pensée ne peut être complète sans l’intervention du langage, mais qu’elle existe largement préformée sur un mode non verbal et que le langage participe, de ce fait, à son parachèvement. » En France, François Lhermitte, en particulier, défend la thèse que la pensée sans langage peut atteindre des niveaux de performance élevés.
Selon Laplane, du point de vue fonctionnement logique, il y aurait dans le cerveau un « protosyllogisme » non langagier qui va permettre au module langagier d’exécuter le syllogisme proprement dit. Par contre, Laplane soutiendrait une « hypothèse connectiviste » selon laquelle le réseau non verbal serait influencé, dialectiquement, par le module langagier. Toutes ces thèses reposent sur les progrès considérables que réalise aujourd’hui, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, l’expérimentation la plus scientifique sur les fonctionnements cérébraux.

10. @ La symbolique transculturelle du « cœur ».
Ainsi faudra-t-il nous demander si la symbolique du cœur est tellement liée au contexte du XVIIème qu’elle ne serait plus signifiante aujourd’hui. Une réponse exhaustive à la question supposerait, certes, de prendre le temps de déchiffrer les codes sociaux qui, dans les diverses cultures, ont donné son poids symbolique au mot « cœur » ; inventorier patiemment les mythes et les rites de l’humanité dans le but de repérer les systèmes symboliques dans lesquels il joue, voilà une tâche qui se propose aux chercheurs de l’avenir. Il nous incombera seulement de répondre plus loin à deux questions : oui ou non, le cœur fait-il partie intégrante de l’imaginaire collectif de tous les temps et de tous les lieux ? Et, si comme y insiste l’école structuraliste, tout symbole joue au sein d’un système qui fonctionne à la façon d’une langue, dans quels réseaux complexes de signes s’inscrit le cœur chaque fois qu’il apparaît dans la Bible et, de façon plus large, dans la tradition judéo-chrétienne ? Au premier chef s’imposera l’inventaire approfondi de la constellation symbolique qui gravite autour du signe johannique du Cœur transpercé.

11. @ Mircea Eliade et son approche du phénomène religieux.
Bien avant l’avènement du structuralisme, au début du 20e siècle, en philosophie des religions, la théorie prévalente voyait dans les religions des mises en œuvre variées d’une force mystique éparse que d’un terme emprunté aux peuples polynésiens les ethnologues nommaient le mana (1). La phénoménologie des religions, dont Mircea Eliade (1907-1986) fut au milieu du siècle dernier le représentant le plus typique, part d’un tout autre point de vue, qui se place sous le signe du logos : toute religion est un système qui cherche l’explication du monde. La priorité est alors donnée à l’étude comparative de l’ensemble des religions, primitives ou évoluées. Cette étude repose sur l’examen des documents émanés des diverses religions, - documents qu’Eliade appelle hiérophanies, parce que chacun révèle une modalité du sacré. Un des résultats de l’enquête, c’est que le culte d’un Dieu personnel et créateur n’est pas réservé à un état évolué de la religion : on en trouve, par exemple, la croyance chez les pygmées, qui représentent pourtant un des stades les plus archaïques de la civilisation, celle des cueilleurs-chasseurs.
Pour Eliade, la pensée mythique est le revêtement d’une « philosophie » qui peut avoir autant à nous dire que les productions des Grecs et des modernes. Son Traité d’histoire des religions, Paris, Payot, 1949 contient une information considérable, classée par grands thèmes cosmiques, constituant un langage commun à la plupart des religions, judaïsme et christianisme compris (2) : le ciel, le soleil, la lune, les eaux, les pierres sacrées, la terre-mère, l’arbre, les rites agraires, l’espace sacré, le temps sacré. L’ouvrage se termine par un chapitre sur la structure des symboles, où l’auteur montre en quel sens le symbole continue à jouer un rôle important dans toutes les sociétés. Il y a une « ‘logique du symbole’, en ce sens que les symboles, de quelque nature qu’ils soient, et quel que soit le plan sur lequel ils se manifestent, sont toujours cohérents et systématiques […]. Nous y déchiffrons […] le désir d’unifier la création et d’abolir la multiplicité, désir qui est [..] à sa manière une imitation de l’activité de la raison puisque la raison tend aussi à l’unification du réel […]. La pensée symbolique rend possible à l’homme la libre circulation à travers tous les niveaux du réel. […] Tous les systèmes et les expériences anthropocosmiques sont possibles en tant que l’homme devient lui-même un symbole. » (Op. cit., p. 386-388 ; § 172).
Dans les dernières années de sa vie (1976-1983), Eliade publiera sa grande Histoire des croyances et des idées religieuses où il recherche les conditions intellectuelles qui ont présidé à la naissance des diverses religions.

12. @ La structure s’oppose à l’événement.
« La recherche structuraliste établit une relation entre ces deux types de pensée symbolique, la pensée symbolique poétique et la pensée symbolique formelle. Elle nous montre que la clef des mythes, des rites, comme du reste aussi des relations sociales, qui elles-mêmes symbolisent les mythes et sont symbolisées par eux, c’est la structure. Or on ne peut penser la structure que dans le cadre de la pensée formelle. Sans doute faut-il tenir compte du support, du matériau dans lequel s’incarne la structure, mais sa fonction est tout à fait subordonnée et seconde. La dévalorisation de la notion d’histoire l’indique du reste très clairement : la structure s’oppose à l’événement, l’intelligibilité de la relation à la pure contingence du fait, et la seule vertu du fait est de servir de prétexte à la manifestation de la structure. Il y a une théorie bien connue selon laquelle la fonction principale des mythes est de nous ramener à un événement primordial, à un temps originaire qui est en dehors de notre temps et qui le précède, mais qui peut toujours être réactivé. La pensée structuraliste détruit cette interprétation. La structure est éternelle ; certes la réalité est incessante transformation, mais ses transformations obéissent à des lois qui ont elles-mêmes un caractère structural, de telle sorte que, finalement, c’est bien la figure de l’immobile qui domine. Tout est donné une fois pour toutes, il n’y a rien d’essentiellement nouveau dans la suite des phénomènes, tout est prévisible, tout est précontenu dans la sagesse des nombres et des rapports. » J. LADRIERE, L’articulation du sens, t. I, Paris, Cerf, 1984, 52.
Ce qui a fait l’éphémère succès du structuralisme, c’est qu’il paraissait correspondre au mode de raisonnement de la communauté scientifique : « En effet, le monde scientifique est gêné par la pensée substantialiste, c’est-à-dire celle qui regarde les choses plus que les relations entre les choses. La physique moderne, la physique théorique, la physique nucléaire sont […] un type d’intelligence qui s’organise par différence entre les choses (J. VIDAL, op. cit., 339). »

13. @ L’ « euphémisation symbolique » selon Gilbert Durand.
Charles Bernard notait que pour Mircea Eliade, si l’homme éprouvait le besoin de recourir à la lecture, à l’art, à l’amour ou à la religion, c’était souvent par désir d’échapper à son « présent historique » et de réintégrer le domaine de l’ « éternel présent », qui s’oppose à l’écoulement temporel (M. ELIADE, Images et symboles, Paris, Gallimard, 1952, 41). La patiente réflexion de Gilbert Durand sur l’activité mythique devait aboutir à la même conclusion : « L’imagination organise et mesure le temps, meuble le temps par les mythes et les légendes historiques, et vient par la périodicité consoler de la fuite du temps (GDu, 224). Dans le même sens, André Malraux – dans Les voix du silence – définissait l’art plastique comme un « Anti-Destin » (GDu, 470). Gilbert Durand nomme « euphémisation » ce pouvoir qu’a l’imaginaire d’adoucir la rigueur de notre destinée humaine, ce que Charles Bernard commente ainsi : « L’idée fondamentale de Gilbert Durand est que la temporalité de l’existence humaine lui confère un caractère réaliste et tragique qu’il est nécessaire de surmonter. Tragique en ce sens que la vie contraint l’homme à attendre les maturations et que toute maturation vitale est, dans son accomplissement même, une approche de la mort : vieillissement inéluctable. D’où le désir d’anticiper et, de toute façon, de rendre simultanés les différents moments du devenir vital. Pour atteindre ce but, l’imaginaire oppose fondamentalement une visée spatiale à l’épaisseur du temps. La conscience imaginante supprime l’épaisseur du temps en étalant la réalité successive dans l’unité de l’espace et en réunissant sous le même regard instantané des périodes qui ne peuvent que se succéder. » (TS, 107) Et l’auteur d’illustrer son propos précisément par l’analyse de la constellation symbolique mise en œuvre par Jn 19, 34 (TS, 108).

14. @ Cœur de Jésus et sens de l’histoire.
Seule la première des deux visions nous intéresse pour l’instant. Nul hormis l’Agneau égorgé n’y est trouvé capable d’ouvrir le Livre scellé que le Dieu, Maître-de-tout, tient dans sa droite : ce langage symbolique nous signifie que les clefs du déchiffrement prophétique de l’Histoire n’appartiennent qu’à celui qui fut transpercé sur la croix. Autrement dit, la solution du problème herméneutique majeur – celui du sens religieux des événements mondiaux – n’est révélée par le Père qu’au cœur de son Fils ; et celui-ci ne peut le communiquer qu’en visions symboliques à des mystiques s’inscrivant, au fil des siècles, dans la grâce apocalyptique de Jean. Ainsi le statut de l’activité visionnaire dans l’Eglise se trouve défini, d’une façon radicale, par son rapport au Cœur de l’Agneau.

15. @ Parabole n’est pas allégorie.
L’exégèse moderne a compris, par exemple, que les paraboles de Jésus ne sont pas, sauf exception, des allégories dont tous les détails seraient à transposer métaphoriquement, mais que seule compte la pointe symbolique du récit, ce qui a permis de résoudre l’embarras des anciens commentateurs, celui par exemple de Thomas d’Aquin à propos de l’histoire de Lazare et du mauvais riche.
A la question : « Les damnés voudraient-ils la damnation des non damnés ? » (3), saint Thomas veut montrer que les damnés ne peuvent plus avoir de sentiment de bonté envers quiconque. Chez eux, règne « la plus parfaite haine ». « Les damnés voudraient que tous les bons soient damnés ». « Bien que la souffrance de chaque damné soit accrue par leur multitude, pourtant la haine et l’envie se développeront chez eux à un tel point qu’ils préféreront souffrir davantage avec un plus grand nombre que de souffrir moins, mais en étant seuls ».
Mais alors, comment se fait-il que, dans l’évangile, Jésus nous dise que le riche, une fois damné, éprouve de tels sentiments de compassion pour ses frères, qu’il demande à Abraham d’envoyer Lazare les avertir ? (4) Il y a là apparemment une objection importante à la solution envisagée.
Et saint Thomas de répondre : « L’envie des damnés sera telle qu’elle atteindra même la gloire de leurs proches, tandis qu’ils se verront dans le plus grand malheur : cela se produit même en cette vie, quand l’envie parvient à son comble. Pourtant, ils auront moins d’envie à l’égard de leurs proches qu’à l’égard des autres. Ils souffriraient davantage si tous leurs proches étaient damnés, tandis que les autres seraient sauvés, que si quelques-uns des leurs étaient sauvés. C’est pour cela que le riche demandait que ses frères pussent échapper à la damnation. Il savait que certains hommes seraient sauvés. Il aurait pourtant préféré encore que ses frères soient damnés ainsi que tous les autres, sans exception ».
Aujourd’hui, on proposerait une solution plus simple. On refuserait finalement l’objection ; on dirait plutôt qu’il ne faut pas comprendre cette histoire comme une allégorie où tous les détails du récit sont signifiants, mais comme une parabole où l’important est la pointe. Ici, la pointe du récit, ce que Jésus voulait nous dire, c’est que, même si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts et apparaissait à des pécheurs endurcis, ce n’est pas cela qui les ferait croire, puisqu’ils refusent les signes que le Seigneur leur envoie. Jésus s’adressait ici aux pharisiens, « eux qui aimaient l’argent, entendaient tout cela » et qui néanmoins « ricanaient à son sujet » (Lc 16, 14).
Tout se passe comme si Jésus mettait dans la bouche du mauvais riche damné, des sentiments qui en fait sont ceux des hommes de ce monde, pour pouvoir placer la pointe de son récit. L’intention de Jésus n’était pas dans ce texte de prendre parti sur la condition des damnés. On ne peut donc pas s’appuyer là-dessus pour trancher des questions sur ce sujet (5).

16. @ Le langage de Jésus, un orgue aux différents registres.
« 2. Le langage de la chair
Le langage de la chair, que Jésus emprunte lui aussi, est donc le langage de l’homme corps et esprit. Cet homme, bien que créature éphémère, pauvre et menacée de toutes parts, constitue le centre de la création et parle aussi à d’autres hommes. Comme lui-même, son langage emprunte quelque chose à toutes les sphères cosmiques auxquelles l’homme participe, et que celui-ci, en tant que microcosme, intègre en soi. Ce n’est jamais une affaire purement spirituelle ou angélique, même si l’homme est capable de produire aussi des constructions abstraites, discours dépourvu de corps et d’âme qu’il qualifie volontiers de ‘scientifique’, et sur lequel il réfléchit en des traités imposants consacrés à ‘l’analyse du langage’. À la manière de l’homme concret qu’il représente, Jésus parle différemment et de manière beaucoup plus riche. Son langage ressemble à un orgue aux multiples registres, dont il use d’un après l’autre. Déjà l’ancienne Ecriture utilisait toute une gamme de tons. On y trouve la sobriété de la prose ainsi que la poésie pathétique et émouvante, des concepts clairs mais aussi des métaphores et des images ; on y parle sous forme de sentences ou de prière, en dialogues passionnés comme en calmes médiations. On se demande comment il a pu se faire que la richesse du ‘langage de la chair’ ait été réduite aux abstractions d’une théologie qui se donne pour ‘scientifique’. Ce n’est pas dans un tel genre de discours que Jésus a enveloppé ce qu’il avait à annoncer sur Dieu aux hommes, mais dans la richesse du langage incarné dans la chair qui se trouve à la portée de tous.
On ne peut décomposer cette richesse que de manière artificielle, car l’homme est continuité, s’élevant de la manière pure à l’esprit selon une multiplicité hiérarchique de degrés où les sphères ‘inférieures’ sont elles-mêmes déjà touchées par l’esprit, lequel a besoin à son tour, afin de pouvoir penser et parler, de toute l’infrastructure qui le porte. C’est donc artificiellement que l’on différenciera trois sphères principales : la première, au plan inférieur, peut être qualifiée d’ ‘expressivité au sens général’ ; la sphère intermédiaire est celle de l’image, de la forme structurée et de l’imagination ; au niveau supérieur, on a la libre parole. Pour indiquer tout de suite leur lien entre elles, important aussi du point de vue théologique, rappelons que le Fils de Dieu fait homme est nommé également ‘expression’ (He 1, 8), ‘image’ (2Co 4, 4 ; Col 1, 15) et ‘Verbe-Parole’ (Jn 1, 1 et sv), chose qui fait ressortir aussi chez lui l’être, le comportement extérieur et la parole ».
H. URS VON BALTHASAR, La Théologique, II, Bruxelles, Lessius, 271.

« Ce n’est pas de métaphysique qu’il [Jésus] est venu parler aux hommes ; il est venu leur découvrir le cœur même de Dieu. Pour cela il utilise des images et des comparaisons traditionnelles prises dans la création même de Dieu ; de sorte que la Parole s’incarne dans la nature qui devient le lieu même où l’on peut découvrir la théologie de l’incarnation. On peut même se demander, comme fait saint Ephrem, si toute cette création n’est pas faite ‘pour parler sur Dieu à l’homme’, si elle n’est pas là pour servir de vocabulaire symbolique au Christ et exprimer les propriétés du monde spirituel en fournissant les comparaisons nécessaires. »
P. PERRIER, Evangiles : De l’oral à l’écrit, Le Sarment, 2000, 130.

18. @ Triple avènement du Christ et sens spirituel.
Cf. H. de LUBAC, Exégèse médiévale, I, 2, p. 621

20. @ L’implication mutuelle des trois théologies de Denys.
Il est important cependant pour notre propos de noter que, pour Denys, ces trois théologies, loin de s’exclure l’une l’autre, s’appelaient mutuellement.
D’une part, la théologie mystique nous enseigne que, d’une certaine façon, le symbole est le dernier mot sur Dieu. Ici-bas, en effet, nous cheminons dans la foi et Dieu reste pour nous essentiellement mystère : issue de Denys, toute une lignée de mystiques occidentaux, dont saint Jean de la Croix, expérimentera donc qu’il ne peut être atteint que dans la nuit de l’esprit. Au-delà de toutes les lumières de l’intelligence, il ne reste plus que l’image de la Ténèbre pour exprimer l’inaccessibilité du mystère divin. La théologie conceptuelle appelle donc, comme son couronnement, une expression de teneur hautement symbolique.
Mais, inversement, l’expérience symbolique de base appelle à un double titre l’intervention de l’intelligence.
D’abord, l’initiation sacramentelle aux mystères de la foi – la mystagogie -, qui, pour « fonder les âmes en Dieu », s’exprime en symboles, reçoit un complément utile de la démonstration philosophique : celle-ci « persuade et établit avec sûreté la vérité de ce qui est dit » dans l’Ecriture et dans les rites sacrés (Epistola IX, I. PG III, 1105 D).
Ensuite l’interprétation de ces rites symboliques suppose l’intervention d’une intelligence théologique purifiée par la contemplation, car la « vérité simple, merveilleuse et transcendante des symboles » ne peut être accueillie que par la « simplicité de l’intellect » (Ibid., C) : « Les saints mystères, écrivait Denys, ne s’offrent pas aisément aux profanes et ne se dévoilent qu’aux véritables amis de la sainteté, parce que seuls ils savent dégager les symboles sacrés de toute image puérile, parce que seuls ils sont capables de pénétrer par la simplicité de leur intelligence et par le pouvoir propre de leurs puissances contemplatives jusqu’à la vérité simple, surnaturelle et qui transcende les symboles » (Epistola IX, I. PG III, 1105, C). A ce titre, la présente synthèse se voudrait profondément dyonisienne : apprendre à lire dans le grand livre du Cœur de Jésus supposera la double intervention – philosophique et mystique – de l’intelligence.

21. @ La fonction du mythe dans la philosophie de Platon.
Cf. L. ROBIN, Platon, Paris, 1934, 192-196.

23. @ Les deux pôles transcendant et immanent du symbolisme cosmique.
Quels que soient ses mérites, une thèse de ce genre gagne cependant à être intégrée à une théorie plus complète du symbolisme cosmique pour pouvoir la soumettre à un questionnement théologique. Excellente pour penser symboliquement la transcendance du Père-qui-est-aux-cieux, quelle est en effet sa capacité à représenter l’immanence du Christ au cosmos en évolution ? Ne faudrait-il pas pour cela conjuguer le schème imaginaire de l’élévation vers un « en-haut » avec celui de l’intériorisation vers un « dedans » du monde ? Quel serait à cet égard le rôle d’une symbolique moderne du Cœur de Jésus ? Celui-ci ne joue-t-il pas chez certains théologiens contemporains - un Teilhard de Chardin, par exemple - le rôle de ce pôle d’immanence du divin au monde ? Voir ch. 8, 3, 2 : Teilhard de Chardin.

25. @ Bible et cosmos chez saint Bonaventure.
Pour lui « toute créature est par nature une sorte d’effigie et de similitude de la sagesse éternelle », mais l’est plus particulièrement chacune de celles qui interviennent soit dans l’Ancien Testament comme « figures », soit encore dans les formes imaginatives revêtues par les anges (dont celle du Séraphin du stigmatisé d’Assise reste pour lui le type achevé), soit surtout dans les symboles cosmico-bibliques mis en œuvre par les sept sacrements.

26. @ La notion philosophique d’ « analogie ».
L’école herméneutique reconnaît aujourd’hui l’importance de cette notion d’ « analogie » pour penser le « double sens » du symbole. Mais, bien avant eux, les médiévaux en avaient beaucoup perfectionné la théorie, héritée des penseurs grecs, et déterminé le champ d’application, qui est proprement celui de l’ontologie et de la théo-logie (au sens étymologique de sciences de l’Etre et de Dieu) : Dieu et l’être ne peuvent être enfermés dans des concepts univoques, c’est-à-dire « à sens uniforme », mais on peut en obtenir une connaissance analogique. Certains aujourd’hui parlent trop facilement d’équivocité du symbole, alors que précisément nous disposons de la catégorie d’analogie.
La notion d’analogie est de ces concepts dont la signification est variable en raison des options gnoséologiques et métaphysiques qui la sous-tendent.

Son histoire philosophique commence véritablement avec la logique d’Aristote (Analogon désignait auparavant une réalité purement mathématique : le rapport entre différentes quantités). Au tout début de son premier traité – Catégories – l’auteur commence par distinguer les divers modes de signifier d’un prédicat attribué à un sujet. Des prédicats peuvent être “synonymes”, c'est-à-dire recevoir le même nom désignant une même et unique réalité. Ainsi en est-il du mot “animal” désignant le cheval ou le canard. Des prédicats peuvent être “homonymes”, c'est-à-dire recevoir un même nom, sans pour autant que celui-ci désigne une même réalité à chaque fois. Ainsi, le mot “chien” peut désigner l’animal, mais aussi la pièce de fusil qui percute le culot de la cartouche (évidemment inconnu d’Aristote !), la fenêtre de toit (le chien assis), ou encore la constellation du Chien.

Cette distinction est fondamentale dans l’argumentation, car pour qu’un syllogisme n’ait que trois termes – majeur, moyen terme et mineur – condition formellement nécessaire, il faut évidemment que les mots les désignant soient univoques, pour que les prédicats soient synonymes. Sinon, un ou plusieurs termes seraient équivoques, et la démonstration n’aurait pas de conclusion valide. Sous l’apparence d’un syllogisme bien formé, se cacherait un sophisme à quatre termes. Comme par exemple : « toute fenêtre qui émerge de la pente d’un toit est un chien assis, or tout chien assis attend son maître, donc toutes ces fenêtres attendent leur maître ! » On comprend le vice. Où l’on voit que la question de l’univocité et de l’équivocité se situe au niveau de la signification du vocabulaire, et non de l’être des choses.

C’est dans ce débat qu’apparaît la problématique de l’analogie. Parmi les mots dotés de plusieurs significations, cette diversité peut être le pur fruit du hasard, ou de choix totalement artificiels, comme le “chien” de notre exemple. Ce terme demeure pleinement équivoque. Mais cette variété de sens peut aussi correspondre à un ordre et une hiérarchie. Aristote donne l’exemple désormais consacré de la santé. “Sain” désigne d’abord et avant tout l’équilibre d’un métabolisme. Est sain par première imposition un corps vivant. Mais peuvent être dits “sains”, les éléments qui contribuent à la santé de l’organisme, ou qui la mesurent, ou qui ne l’altèrent pas, comme l’atmosphère saine, ou l’urine saine, ou la nourriture saine. En réalité, pour ce cas de figure, Aristote n’emploie pas le terme d’analogie, mais se contente de préciser que ce nom “se dit de multiples façons”. En ce cas, la définition du premier imposé (la santé du métabolisme) se retrouve toujours dans la définition des autres, alors que l’inverse n’est pas vrai.

C’est en sciences de la nature qu’il emploiera plus volontiers le terme d’analogie et pour désigner cette fois une identité de rapports ou de fonctionnalités dans des contextes hétérogènes. Pour lui, par exemple, les arêtes du poisson sont l’analogue du squelette du vertébré, car dans les deux cas, l’office est le même, bien que la structure et les circonstances soient fortement différentes. Nous avons l’égalité de rapports suivante : arêtes / poisson = squelette / vertébré. Ce sens rejoint celui, antérieur, des mathématiques.

Enfin, le terme “analogie” peut lui-même être employé analogiquement, et s’utiliser alors au sens de comparaison ou de métaphore, dont l’unité repose non plus sur la nature des choses, mais sur l’intention de l’auteur : « Ô temps, suspend ton vol ». Le temps est à l’homme, ce qu’un rapace majestueux est à sa proie enserrée.
Le premier type d’analogie, celui de la santé, sera dit “de proportion”, alors que le second sera dit “de proportionnalité”. C’est en métaphysique, puis en théologie que cette question prend toute son ampleur. Aristote le répète à satiété, le terme “être” se dit de multiples façons, car il se distingue selon les dix “catégories” qu’il envisage dans son traité éponyme, mais aussi en chaque cas, il peut se dire soit en acte, soit en puissance. Enfin, même du non-être, on peut dire qu’il est d’une certaine manière : il est non-être. Dans sa Métaphysique, Aristote démontre que l’être se dit d’abord de la substance, comme la santé du métabolisme, puis des accidents dans la mesure de leur rattachement à la substance. “Substance” est le premier analogué de “être”. C’est pourquoi il sera l’objet principal de la métaphysique.

En théologie, la question des noms divins met la problématique de l’analogie en première ligne. En quel sens pouvons-nous dire que Dieu est juste, bon, tout puissant, sage, etc. ? La signification de ces attributs nous est d’abord donnée par notre contexte de vie naturelle. Bonté, justice, puissance, sagesse sont d’abord pour nous des données éthiques et humaines. On ne peut donc les transposer à l’identique à propos de Dieu, sans risque d’anthropomorphisme réducteur. Pour autant, ne s’agit-il que d’une façon de parler à propos de ce que nous ne pouvons en aucune façon connaître ; une façon d’exprimer notre ignorance absolue ? Si c’était le cas, à quoi bon le dire. Il suffirait d’affirmer que de Dieu, on ne peut rien dire. L’analogie est la réponse à l’exigence apparemment contradictoire de pouvoir maintenir une distance infinie entre la réalité de Dieu et la connaissance de l’homme, d’une part, et d’autre part, la capacité de l’intelligence humaine à pouvoir tenir un discours sensé sur Dieu.

“Analogie” reçoit en retour un sens encore renouvelé, pour expliquer la relation de l’Être divin à l’être créé. La question quitte le terrain du seul sens du vocabulaire pour entrer de plain-pied dans la théorie de la participation à l’être. Il s’agit en fait d’un nouveau et très vaste domaine d’étude, théologique avant d’être philosophique, que nous ne pouvons aborder ici en quelques lignes. On comprend cependant qu’en ce contexte, le terme “analogie” reçoit une signification supplémentaire, confirmant s’il en était besoin, qu’il “se dit de multiples façons”.

Références chez Thomas d’Aquin : Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 ; De Veritate q. 2, a. 11 ; Summa Theologiae q. 13, a. 5.

27. @ Thomas d’Aquin poète théologien.
Cf. Thomas–Olivier Vénard, « Note de poétique théologique, saint Thomas et la métaphore », [D. MILLET-VERARD], Le Lis et la Langue, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1997. 113-147. Voir aussi sa thèse sur le même sujet : La parole et la beauté dans la théologie, Sorbonne-Paris IV, vers 1997 (pro manuscripto). Trois importants volumes sur Thomas d’Aquin poète théologien, Genève, éd. Ad solem sont en cours d’édition : t. 1. Littérature et théologie, une saison en enfer, 2003 ; t. 2. La langue de l’ineffable. Essai sur le fondement théologique de la métaphysique, 2004. Le tome 3 ne semble pas encore paru. Dans le t. 2, sur le symbole chez saint Thomas, voir en particulier 252-261 et 444-459. Mais le mot paraît souvent pris au sens large de signe linguistique « de premier degré », selon la terminologie de Paul Ricœur.
A noter ce beau passage sur la métaphore du livre qu’il emprunte à B. MONTAGNES, « La parole de Dieu dans la création », Revue thomiste, LIV, n° 2, 238-239 : « Dieu crée l’univers comme un auteur compose un livre pour manifester sa pensée. Il faut donc qu’un livre nous soit proposé, que ce livre ait un sens et que nous soyons capables de comprendre ce sens. Telles sont les trois conditions de la connaissance de Dieu ici bas ; nous avons nécessairement besoin de trois sortes de moyens, explique saint Thomas : il faut d’abord qu’il y ait des créatures à partir desquelles s’exerce notre pensée, il faut ensuite que ces créatures portent la ressemblance divine, enfin nous avons besoin de la lumière intelligible pour déchiffrer cette image, soit par la vertu naturelle de l’intelligence soit par la grâce de la foi selon la nature des vérités contenues dans le livre des créatures. »

28. @ L’apport du thomisme à la théorie du symbole.
Peut-on découvrir plus précisément au non-spécialiste le principe thomiste qui autorise le corps à être ainsi, de par sa nature constitutive, la manifestation symbolique de l’âme humaine ? Il semble qu’il faille le chercher dans l’utilisation que saint Thomas fait de l’idée aristotélicienne de « matière » comme indétermination pure (materia prima) opposée à l’unité de l’âme. Pour le dominicain médiéval, en rigueur de termes, il ne faut pas dire comme le fera Descartes : l’âme raisonnable de l’homme s’unit à son corps, mais plutôt : l’âme s’unit à la multiplicité pure de la matière pour en faire surgir le corps. De la sorte, celui-ci apparaît en totalité comme « l’expression » de l’âme humaine comme telle, qui lui imprime sa marque ou, en termes aristotéliciens, sa « forme » jusqu’en son tréfonds le plus matériel. On en déduit un corollaire capital : en tant que principe d’unification de la matière, l’âme humaine rend présent le tout dans chaque partie du corps. De là découle leur aptitude potentielle à symboliser, chacune pour sa part, la totalité de l’homme. L’une des tâches de notre prochain chapitre sera alors d’éclairer pourquoi un organe comme le « cœur » est plus apte que d’autres à devenir, dans son acception biblique, ce symbole de la personne humaine tout entière. Cf. K. RAHNER, Ecrits Théologiques, DDB, t. 9, « Pour la théologie du symbole », 40-41..

29. @ La mystique arabe.
Notons au passage l’influence conjuguée de ces mêmes philosophies grecques sur la conception symbolique des soufis iraniens. Pour certains d’entre eux, les visions imaginatives se dérouleraient dans un monde dit « imaginal », zone d’échange mystérieux entre le corporel et le spirituel, entre le sensible et l’intelligible, royaume par excellence des anges (6).
Or cette théorie dériverait de leur coreligionnaire Avicenne (Ibn Sina), philosophe aristotélicien du Moyen âge, fortement teinté de platonisme. L’Occident a suivi Averroès ; s’il avait suivi Avicenne, nous aurions une conception plus symbolique de la raison. Chez Averroès, l’intellect agent désignait la raison universelle à laquelle nous participons, tandis que pour Avicenne l’intellect agent individuel est un ange. Une telle conception « angélique » est sans doute à mettre en relation avec la croyance de Mahomet qu’il recevait ses révélations de l’ange Gabriel. Le soufisme faisait grand cas d’un haddith du prophète, confiant qu’il avait vu son Seigneur « comme un jouvenceau à l’abondante chevelure ».
L’imagination a des sens adaptés à la perception de ce monde intermédiaire, terre céleste (malakût) où Dieu se révèle. Ce monde met en corrélation une géosophie imaginale, comprenant des cartes du paradis (7), et une hiérohistoire, dont les fameux douze imams du chiisme (8) sont les herméneutes.
C’est en Dieu que se fonde l’imaginal. Selon le célèbre soufie Ibn‘Arabi (9), le nom de Allah viendrait de la racine « nostalgie » : Dieu est triste, car il avait créé les Noms divins (10) pour être connu. Heureusement, à l’imagination créatrice de Dieu répond l’imagination du mystique : « Dieu crée dans les croyances. » Le monde imaginal est le monde où se rencontrent ces deux imaginations. La création n’est donc pas du tout fait. Dieu crée notre vision du monde en même temps qu’il le crée.
Henry Corbin (1903-1979), professeur à l’Ecole des Hautes Etudes (Sorbonne), fut le grand historien occidental du chiisme iranien (11). Il était de ceux qui prônaient le retour à l’Orient pour le salut de l’Occident. L’affirmation par les trois grandes religions du Livre de la résurrection finale redonna sens à sa propre foi chrétienne. Il reste en tout cas l’un des grands témoins de la restauration du symbolique au XXe siècle et surtout d’un intérêt renouvelé pour l’univers visionnaire (12). Voir : Henry CORBIN, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn‘Arabi, Paris, Flammarion, 1958 ; rééd. 1977. Du même : Corps spirituel et terre céleste, Buchet-Chastel, 1979 ; Avicenne et le récit visionnaire, 2 vol., Téhéran-Paris, Bibliothèque iranienne, 4 et 5, 1958 ; rééd. Berg international, 1979 ; Philosophie iranienne et philosophie comparée, Téhéran, 1977.

31. @ Présence ontologique et présence personnelle dans l’Icône.
Pour les chrétiens d’Orient, le culte des Saintes Images suppose même la réalité ontologique d’une participation analogique de la copie à cet Exemplaire transcendant, à travers laquelle celui-ci manifeste un nouveau mode de présence sensible dans l’univers matériel. De plus, pour établir la légitimité des représentations sacrées, les défenseurs des saintes images (vg. Nicéphore, Théodore, Jean de Damas) concédèrent toujours à leurs adversaires que la nature divine du Christ était certes impossible à « circonscrire » par l’image, mais, par contre, ils maintinrent fermement qu’en raison du mystère de l’Incarnation, le culte rendu à l’icône atteignait bien sa personne, bien qu’elle soit elle aussi divine.

34. @ Signifié et référent.
Ce que le réalisme médiéval appelait le « significatum ». En contredistinguant le signifié du référent, les modernes ont souvent clos artificiellement le discours sur lui-même. C’est en ce sens que Cl. Lévi-Strauss pouvait affirmer : « Les symboles sont plus réels que ce qu’ils symbolisent. » H. MAUSS, Sociologie et anthropologie, PUF, 7e éd., 1980, XXXII. Cf. René GIRARD, Je voyais tomber Satan comme l’éclair, Paris, Grasset, 1999, p.122 : « Les fausses méthodes linguistiques sont très appréciées, parce qu’elles remplacent la recherche de la vérité par les amusettes structuralistes. » Le propos est cruel, mais il marque combien, à l’orée du nouveau millénaire, le structuralisme est passé de mode. - A propos de l’influence de Saussure sur ces méthodes linguistiques, Borella remarquait déjà : « Le rapport au réel que le concept de signe semble naturellement impliquer, et qui relierait chaque signe à une res doit être soigneusement éliminé – ou, en tout cas réduit au strict minimum – au profit des rapports latéraux que chaque signe entretient avec les autres signes au sein de la même structure linguistique. » J. BORELLA, Le mystère du signe, Paris, éd. Maisonneuve & Larose, 114.

37. @ Le phénomène de la « fulgurance » créatrice.
Dans la création, même scientifique, tout n’est pas strictement rationnel ; il y a un moment qu’on appelle la fulgurance où après une période de latence, il y a l’intuition qui vient. Témoin ce texte très célèbre du mathématicien H. Poincaré (1854-1912) :
« Depuis quinze jours je m’efforçais de démontrer qu’il ne pouvait exister aucune fonction analogue à ce que j’ai appelé depuis les fonctions fuchsiennes ; j’étais alors fort ignorant. Tous les jours, je m’asseyais à ma table de travail ; j’y passais une heure ou deux ; j’essayais un grand nombre de combinaisons et je n’arrivais à aucun résultat. Un soir, je pris du café noir, contrairement à mon habitude ; je ne pus m’endormir, les idées surgissaient en foule ; je les sentais comme se heurter, jusqu’à ce que deux d’entre elles s’accrochassent pour ainsi dire, pour former une combinaison stable. Le matin, j’avais établi l’existence d’une classe de fonctions fuchsiennes, celles qui dérivent de la série hypergéométrique ; je n’eus plus qu’à rédiger les résultats, ce qui me prit quelques heures.
Je voulus ensuite représenter ces fonctions par le quotient de deux séries ; cette idée fut parfaitement consciente et réfléchie ; l’analogie avec les fonctions elliptiques me guidait. Je me demandais quelles devaient être les propriétés de ces séries, si elles existaient, et j’arrivai sans difficulté à former les séries que j’ai appelées thêtafuchsiennes.
A ce moment, je quittais Caen, que j’habitais alors, pour prendre part à une course géologique entreprise par l’Ecole des mines. Les péripéties du voyage me firent oublier mes travaux mathématiques ; arrivés à Coutances, nous montâmes dans un omnibus pour je ne sais quelle promenade ; au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l’idée me vint, sans que rien dans mes pensées antérieures parût m’y avoir préparé, que les transformations dont j’avais fait usage pour définir les fonctions fuchsiennes étaient identiques à celles de la géométrie non euclidienne. Je ne fis pas la vérification, je n’en aurais pas eu le temps puisqu’à peine dans l’omnibus je repris la conversation commencée ; mais j’eus tout de suite une entière certitude. De retour à Caen, je vérifiai le résultat à tête reposée pour l’acquit de ma conscience » (H. POINCARE, Science et méthode, Kime, 1999, publié dans : I. GAVRILOFF et B. JARROSSON, Une fourmi de 18 mètres…ça n’existe pas. La créativité au service des organisations, Paris, Dunod, 2001, ch. 1 : « Penser à côté », p. 18-20).
« Le texte de Poincaré … pose les quatre étapes désormais classiques de la découverte : recherche consciente, travail inconscient, illumination subite, vérification » (p.20) autrement dit : « information, incubation, illumination, validation » (p. 75).
« La mémoire de l’homme, en effet, ne travaille pas comme la mémoire d’un ordinateur. Elle n’enregistre pas, elle compose. Lorsque nous nous souvenons, nous nous racontons une histoire que nous recréons chaque fois. Le souvenir est récit donc création. Lorsque se produit un événement, nous lui adjoignons des hypothèses qui ne sont pas avérées. Une personne ponctuelle ne se présente pas à un rendez-vous. Immédiatement notre imagination travaille, créant des récits fictifs qui expliquent ce retard. Nous ne pouvons pas nous retenir d’échafauder ces récits, nous ne pouvons pas suspendre notre imagination. Les parents dont l’enfant est en retard ne peuvent s’empêcher d’imaginer le pire même si le pire est aussi les plus improbable. Dans l’Evolution créatrice (PUF, 1941), Henri Bergson (1859-1941) fait de la mémoire l’instrument numéro un de la création. Il semble bien que mémoire et création apparaissent comme deux faces d’une même qualité. A ce détail près, pour ce qui concerne la création scientifique, que la mémoire est une création sans œuvre alors que l’activité scientifique, comme l’écriture, comme l’art, sont des créations avec œuvre. D’où le rôle fondateur mais non suffisant de la mémoire » (p. 27).

38. @ La création scientifique.
Sciences et symboles (Actes du colloque de Tsukuba, 1984 ), Paris, 1986, 13 : « La grande enquête de Hadamard sur l’invention mathématique […], les recherches sur la psychologie et l’imagination des scientifiques eux-mêmes ont particulièrement changé le décor et affiné nos perceptions sur ce qu’on peut vraiment appeler désormais l’activité scientifique. »

@ Jung et le New Age.
La référence appuyée du New Age à la pensée jungienne démontre l’ambiguïté de celle-ci. Cf. « Jésus-Christ, le porteur d’eau vive, une réflexion chrétienne sur le ‘Nouvel Âge’ », Document du Conseil pontifical de la Culture et du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, DC n°2288, 16 mars 2003, p. 283 :
« Marilyn Ferguson a consacré un chapitre de son livre Les enfants du Verseau aux précurseurs de l’ère du Verseau, à ceux qui jetèrent les bases d’une vision transformatrice fondée sur l’élargissement de la conscience et l’expérience du dépassement de soi. Elle cite en particulier le psychologue américain William James et le psychiatre suisse Carl Gustav Jung. William James affirmait que la religion est une expérience, mais pas un dogme, et il proclamait que les hommes peuvent modifier leur attitude mentale au point de devenir les artisans de leur propre destin. Jung mit l’accent sur le caractère transcendant de la conscience et introduisit la notion d’inconscient collectif, une sorte de réservoir de symboles et de souvenirs communs aux peuples de tous les temps et de toutes les cultures. D’après Wouter Hanegraaff, ces deux auteurs ont contribué à la ‘sacralisation de la psychologie’, et de la pratique Nouvel Âge. En effet, Jung, ‘n’a pas seulement psychologisé l’ésotérisme, mais il a aussi sacralisé la psychologie en la chargeant des contenus de la spéculation ésotérique. Il en a résulté un corps de théories qui permettent aux hommes de parler de Dieu en désignant en fait leur propre psyché, et de leur propre psyché désignant la divinité. Si la psyché est ‘l’esprit’ et si Dieu est lui aussi ‘esprit’, parler de l’un équivaut à parler de l’autre’ (13). A l’accusation d’avoir ‘psychologisé’ le christianisme, il répondait que ‘la psychologie est le mythe moderne, et ce n’est qu’à la lumière du mythe contemporain que nous pouvons comprendre la foi’ (14). Il est certain que la psychologie de Jung éclaire maints aspects de la foi chrétienne, et notamment la nécessité d’affronter la réalité du mal, mais ses convictions religieuses varient tellement au cours des diverses époques de sa vie, qu’il s’en dégage une image confuse de Dieu. Un élément central de a pensée est le culte du soleil, dans lequel Dieu est l’énergie vitale (libido) de la personne (15). Comme il le dit lui-même, ‘cette comparaison n’est pas qu’un simple jeu de mots’ (16). En réalité, Jung se réfère au ‘dieu intérieur’, cette divinité essentielle qu’il voyait dans tout être humain. Le chemin du monde intérieur passe par l’inconscient. Et dans le monde extérieur, ce qui correspond au monde intérieur est l’inconscient collectif.
Cette tendance à confondre la psychologie et la spiritualité fut reprise par le Mouvement de développement du potentiel humain, qui s’est développé à la fin des années 1960 à l’Institut Esalen, en Californie. La psychologie trans-personnelle, fortement influencée par les religions orientales et par Jung, propose un parcours contemplatif où la science et le mysticisme se rencontrent. L’accent mis sur la corporéité, la recherche de techniques d’élargissement de la conscience et l’intérêt porté aux mythes de l’inconscient collectif étaient autant d’incitations à rechercher le ‘Dieu intérieur’ en soi. Pour réaliser son potentiel, l’homme devait dépasser son ego et devenir le dieu qu’il est au fin fond de lui-même. Pour cela, il fallait choisir la thérapie appropriée : méditation, expériences parapsychologiques, recours aux drogues hallucinogènes. Tous ces moyens devaient permettre de réaliser des expériences ‘ultimes’ ou ‘mystiques’, de fusion avec Dieu et le cosmos ».
« A la fin de 1977, Marilyn Ferguson envoya un questionnaire à 210 ‘personnes engagées dans la transformation sociale’, qu’elle appela ‘Conspirateurs du Verseau’. La question suivante est intéressante : ‘Lorsqu’on a demandé aux personnes interrogées de citer des individus dont les idées les ont influencées, soit à travers un contact personnel, soit par leurs écrits, ceux qui furent le plus souvent nommés, dans l’ordre de fréquence, furent Pierre Teilhard de Chardin, C.G. Jung, Abraham Maslow, Carl Rogers, Aldous Huxley…’ ». (DC, n°2288, p. 278, note 15). Jung est donc l’auteur le plus cité après Teilhard.

43. @ Une seconde naïveté.
PAUL RICŒUR, De l’interprétation, Paris, Seuil, 1965, p. 37 ; Finitude et culpabilité, t. 2, La symbolique du mal, 1960, p. xxx-327 : « Cette seconde naïveté veut être l’équivalent post-critique de la hiérophanie pré-critique. » Gaston Bachelard parlait donc d’une école de naïveté : Dieu, c’est l’Enfant qui est en nous. Gilbert DURAND, L’imagination symbolique, 4e éd., PUF, 1998, p. 82. « Nous entrons dans la symbolique lorsque nous avons notre mort derrière nous et notre enfance devant nous. » (Paul RICŒUR, « Le conflit des herméneutiques », Cahiers internationaux de symbolique, Université de Mons, n°1, 1962).

45. @ Le terme « archétype » chez Jung.
Cf. Jolande JACOBI, « Archétype et symbole dans la psychologie de Jung », Polarité du symbole, Etudes carmélitaines, 1960, p. 167-205. Voici quelques extraits :

« Les archétypes reposent au tréfonds du milieu psychique primordial, où ils forment des ‘noyaux de signification’ chargés d’énergie, appartenant à la structure psychique, ramifiée à l’infini et hors de la catégorie ‘temps’. Ils constituent l’inconscient collectif, le fondement universel de toute psyché individuelle. Il convient de distinguer à cet égard entre deux notions : l’archétype ‘per se’, inaccessible à l’aperception, pure donnée structurelle et possibilité virtuelle, appartenant au domaine psychoïde de la psyché, et l’archétype qui, déjà devenu perceptible, a émergé dans le champ du conscient comme image archétypique qui mérite dans la plupart des cas le nom de ‘symbole’…
De même qu’il est possible à l’architecte de faire surgir du sol, sur le même plan, des bâtiments de styles et d’ampleurs différents, ainsi la même forme archétypique fondamentale peut servir de base aux ‘édifices’ les plus divers » (201).
« Lorsque l’archétype ‘per se’ est ‘touché’ par le conscient, il peut se manifester, soit sur le plan ‘inférieur’ biologique, et revêtir une forme, celle d’une ‘expression instinctuelle’ ou d’un ‘dynamisme de l’instinct’, par exemple, soit sur le plan ‘supérieur’, spirituel, comme une image ou une idée. Dans ce dernier cas, il s’y associe une matière première d’images et une configuration signifiante ; ainsi prend naissance le symbole. Le ‘vêtement-symbole’, dans lequel l’archétype est rendu perceptible, varie et évolue avec les circonstances extérieures et intérieures du monde dans lesquelles se trouvent l’homme et son époque » (202).
« C’est cette faculté génératrice d’images de l’esprit humain qui a coulé par exemple dans le moule d’un événement figurable l’archétype du ‘conflit des ténèbres et de la lumière ou du bien et du mal’ sous la forme du combat du héros avec le dragon (motif originel de beaucoup de cosmogonies). C’est elle aussi qui a traduit l’archétype de l’‘idée de le mort et de la résurrection’ par les épisodes représentables de la vie d’un héros ou par le symbole du labyrinthe, c’est elle qui a créé l’empire illimité des mythes, des légendes, des fables, des épopées, des ballades, des drames, des romans etc. Nous sommes particulièrement impressionnés de voir cette même faculté à l’œuvre dans toutes les grandes créations artistiques qui se situent hors du temps, associant étroitement un lointain passé, jamais révolu, à un avenir encore éloigné. Nous la voyons à l’œuvre dans les visions des prophètes, dans les manifestations et les signes qui témoignent de la sainteté et de l’inquiétude religieuse, dans les rêveries des poètes, et tout aussi bien dans le monde nocturne des rêves, partout infatigablement et continuellement, elle suscite des symboles toujours nouveaux, issus du trésor inépuisable des archétypes de l’inconscient collectif » (168-169).
« La croix, par exemple, peut n’être pour tel homme qu’un signe extérieur du christianisme, tandis que, pour tel autre, elle évoquera dans toute sa plénitude l’histoire de la passion du Christ. Dans le premier cas, Jung parlerait d’un ‘symbole éteint’ et, dans le second, d’un ‘symbole vivant’, et affirmerait : pour un croyant, l’hostie de la messe, par exemple, peut signifier encore un symbole vivant, alors que, pour un autre, elle peut déjà avoir perdu son sens » (p. 175).
« Dans l’inconscient personnel, auquel se limite la psychologie de Freud, il n’existe aucun archétype, puisque ses contenus sont issus exclusivement de l’histoire vécue de l’individu ; ces contenus peuvent donc se présenter –lorsqu’ils émergent après un refoulement- tout au plus comme des signes, des ‘masques’ qui couvrent quelque chose qui a déjà pénétré une première fois dans le conscient. Au contraire, les contenus de l’inconscient collectif, les archétypes –lorsqu’ils passent du domaine ‘psychoïde’ au domaine psychique- doivent être considérés comme de véritables symboles : ils proviennent en effet, non d’un individu particulier, mais de l’histoire vécue de l’univers » (p. 178).

Sur l’interprétation des symboles religieux chez Jung, cf. p. 190-194.
Une N.D.L.R. précise à ce propos : « Dans la crainte que la pensée de Jung puisse prêter à confusion… il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur la distinction des plans psychologique et théologique. Les expressions de la foi disent Dieu et son dessein sur l’homme, mais elles sont de l’homme (elles sont aussi, et même d’abord, de Dieu, quand il s’agit de l’Ecriture ; elles sont garanties par l’autorité divine, quand il s’agit des expressions magistérielles). Or, est-il pensable que l’homme exprime ce qui concerne sa destinée même, sans s’exprimer et sans exprimer son propre fond ? Le danger serait, en méconnaissant la valeur historique et transcendante de la Révélation, de réduire la foi à ce qu’elle exige d’immanence : ce serait oublier qu’elle est mesurée par une Sagesse qui nous dépasse absolument. Mais on ne saurait demander au psychologue de repérer et d’éviter ce double danger sur le plan empirique. Il serait excessif d’attribuer une portée théologique à la pensée de Jung telle qu’elle est interpréter par l’auteur » (p. 205).

46. @ Les schèmes archétypiques de Gaston Bachelard.
Ses titres étaient ici éloquents : La Psychanalyse du feu, Paris, NRF, 1938 ; L’Eau et les Rêves, Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Corti, 1942 ; L’Air et les Songes, Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, Corti, 1943 ; La Terre et les Rêveries de la volonté, Essai sur l’imagination des forces, Paris, Corti, 1948 ; La terre et les rêveries du repos, Essai sur les images de l’intimité, Paris, Corti, 1948.

@ Viktor Frankl.
Voir Elisabeth LUKAS, Lebensbesinnung, Freiburg, Herder, 1995. Trad. fr. : Quand la vie retrouve un sens. Une introduction à la logothérapie, Paris, Téqui, 2000, 273 : « Ici la psychologie des profondeurs et la psychologie des hauteurs s’accordent. »

49. @ Produit de l’inconscient ou trace d’une tradition primitive ?
L’hermétiste P.Geay, Hermès trahi, Paris, Dervy, 1996 est l’un des rares à défendre sa position à partir d’une bonne connaissance de la philosophie occidentale. Quand il oppose les traditions instauratrices et réceptrices, il s’agit en fait d’une critique de la position hégélienne qu’il juge insuffisamment ouverte à la réception de la tradition. Voir p. xxx.
Cf. site du ch. IV : @ Tradition primitive et Tradition apostolique.




NOTES :

(1) Voir Marcel MAUSS (1872-1950), Sociologie et anthropologie, 7e éd., Paris, PUF, 1980.

(2) C’est une des thèses de Ch.-A. BERNARD, Théologie symbolique, Paris, Téqui, 1978, 45-47, qu’il n’y a pas de symboles spécifiquement chrétiens. Le matériau mythique n’est pas rejeté, mais purifié.

(3) S. T. IIIa, Qu. 98, art. 4.

(4) Cf. Lc 16, 27.

(5) Cf. C. JOURNET, Le mal, essai théologique, Saint Maurice, Editions Saint Augustin, 1988, 216-217.

(6) L’imaginal n’est pas l’ « imaginaire », au sens où celui-ci n’a pas de réalité.

(7) Le mot est persan. On ressuscite dans la terre du 8e climat.

(8) Pour nombre de chiites, ces douze imams correspondent à des personnages historiques et la manifestation du dernier est encore attendue.

(9) Sa vie (1165-1240) se déroula au sein de l’Islam andalou.

(10) Assimilés à des anges.

(11) Ayant passé de longues années en Iran, il a réuni une masse considérable de documents.

(12) Au point qu’il semble avoir sous-estimé la voie apophatique pour rejoindre Dieu.

(13) W. J. HANEGRAAFF, New age Religion and Western Culture. Esotericism in the Mirror of Secular Thought, Leiden-New York-Köln (Brill) 1996, p. 513.

(14) Thomas M. KING s.j., “Jung and Catholic Spirituality”, in America, 3 April 1999, p. 14. L’auteur fait remarquer que les adeptes du Nouvel Âge “citent des passages ayant trait au I Ching, à l’astrologie et au Zen, tandis que les catholiques citent des passages ayant trait aux mystiques chrétiens, à la liturgie et à la valeur psychologique du sacrement de la réconciliation” (p. 12). Il fait aussi la liste des personnalités catholiques et des institutions spirituelles clairement inspirées et guidées par la psychologie junghienne.

(15) Cf. W. J. HANEGRAAFF, op. cit. p. 501 ss.

(16) C. G. JUNG, Wandlungen und Symbole der Libido, cité in W. J. HANEGRAAFF, op. cit. p. 503.



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